Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2023, une violente explosion au dépôt d’hydrocarbures de Kaloum a endeuillé Conakry. Le bilan officiel faisait état de 24 morts, 454 blessés et près de 800 bâtiments endommagés. Près de deux ans après le drame, la question du dédommagement des victimes reste largement en suspens, malgré les engagements du gouvernement.
Le 6 mai 2024, quatre mois après la catastrophe, le Premier ministre Bah Oury recevait le comité de gestion de crise. À cette occasion, la Primature avait annoncé un dispositif d’aide :
2,5 millions GNF par mois pendant 7 mois pour les locataires ;
2,5 millions GNF par mois pendant 24 mois pour les concessionnaires, le temps de reconstruire les habitations détruites ;
la mise en place d’un compte bancaire dédié aux indemnisations.
« Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour le dédommagement des sinistrés. (…) La Primature a pleinement pris en charge la situation, les sinistrés peuvent donc être tranquilles », avait déclaré Mohamed Lamine Bangoura, chef de cabinet du ministère de l’Habitat.
Mais sur le terrain, les témoignages traduisent une réalité bien différente. À Coronthie, quartier particulièrement touché, la colère gronde. Elhadj Karamo Kaba, leader religieux et concessionnaire, parle d’«injustice » :
« Nous tendons vers deux ans depuis l’explosion, mais jusqu’ici rien n’a été fait, à part quelques sacs de riz et bidons d’huile. L’indemnisation a commencé, mais de façon sélective. Certains touchent 15 ou 30 millions, pourquoi pas nous ?»Une locataire, qui préfère garder l’anonymat, dit avoir perçu 10 sacs de riz, quelques bidons d’huile et 10 millions GNF, mais attend toujours le reste. Pour Aminata Bangoura, de la Cité des fonctionnaires, la situation est encore plus frustrante : « On nous dit que nous dépendons de l’État, donc pas concernés. Pourtant, nos maisons sont détruites. J’ai dû m’endetter pour réparer, j’ai déjà dépensé plus de 15 millions GNF. »
Yarie Yansané, dont la maison a été réduite en ruines, a dû louer une partie de son terrain pour reconstruire. Elle affirme que l’une de ses concessions a reçu une aide partielle, mais pas l’autre.
Gestion opaque
Pour le président du collectif, Mahmoudou Sifo Ke Touré, la transparence fait défaut : « 21 mois après, nous n’avons pas reçu les dons mobilisés, comme les sacs de ciment et les tôles. Il n’y a jamais eu de compte-rendu. On ne sait pas qui a donné quoi et combien. »
Il estime que seuls 22 concessionnaires ont récemment perçu 30 millions GNF chacun, sous la pression de menaces de manifestations. « Ces 30 millions correspondent aux 8 milliards évoqués par le Premier ministre. Mais cela ne concerne qu’un secteur, alors que l’explosion a touché plus de 3 700 ménages à Kaloum. Moins de 400 familles ont été aidées, soit à peine 5 % des sinistrés. »
Alors que les autorités avaient promis une prise en charge complète et une reconstruction dans les deux ans, la majorité des sinistrés de Kaloum disent n’avoir reçu ni indemnisation financière réelle ni soutien matériel durable.
Entre engagements officiels non tenus, distribution jugée sélective et opacité dans la gestion des dons, la procédure d’indemnisation reste une source d’incompréhension et de colère. Pour de nombreuses victimes, la reconstruction promise demeure un horizon lointain.