Les fidèles musulmans ont entamé le ramadan, une période souvent pénible pour les malades. Est-il récommandé aux personnes diabétiques de jeûner? Nombreuses d’entre elles tiennent coûte que coûte à jeûner, mais dans quelles conditions? Que conseillent les spécialistes? Guinee360.com a interrogé Docteur Amadou Bah, médecin chef du service d’endocrinologie et diabétologie au CHU Donka. Lisez l’interview!
Guinee360.com: Est ce qu’une personne qui souffre du diabète peut observer le jeûne ?
Dr Bah Amadou: le Ramadan est un mois sacré pour les musulmans, car c’est l’un des 5 piliers de l’Islam. Durant ce mois, tous les musulmans ont le devoir de jeûner du lever au coucher du soleil. Seuls sont dispensés de cette obligation ceux pour qui le jeûne risque d’être néfaste comme les diabétiques, les insuffisants rénaux et ceux présentant d’autres maladies chroniques ou invalidantes.
Et si le malade déicide d’observer le jeûne. Quels sont les risques qu’il encourt ?
Malgré la tolérance religieuse et les conseils médicaux, beaucoup de diabétiques veulent à tout prix jeûner du fait de l’habitude prise depuis l’âge de la puberté, mais aussi de l’impact psychologique qu’entraine la non observance du jeûne. Le malade risque dans ce cas de faire: -l’hypoglycémie c’est-à-dire quand le taux de sucre dans le sang baisse de trop;
– l’hyperglycemie quand le taux de sucre dans le sang soit trop élevé;
– les risques d’acide cetose, élévation du taux de sucre avec présence des corps cetoniques dans les urines pouvant conduire aux comas;
La déshydratation, manque d’eau dans le corps surtout le ramadan de cette année s’observe pendant la période de chaleur;
Et la Thrombose. Voici les risques encourus par les malades diabétiques.
Que se passe-t-il dans l’organisme de la personne diabétique lorsqu’elle observe le jeûne ?
Pendant ce mois, il y a un changement total et brutal des apports alimentaires tant sur le plan quantitatif que qualificatif. L’organisme essaie de maintenir une normoglycemie pour assurer l’approvisionnement des tissus en énergie grâce à des mécanismes d’adaptation faisant intervenir des hormones de contre régulation de l’insuline dont le chef file est le glucagon. Pendant la période de jeûne, les apports glucidiques diminuent. Pour empêcher l’hypoglycémie, il y a une inhibition de l’insulinosecretion et une stimulation de la lipolyse. Parallèlement, la production de glucagon augmente pour stimuler la néoglucogenèse et la glycogenolyse. Après la rupture du jeûne, l’apport alimentaire souvent excessif stimule la sécrétion d’insuline par le pancréas qui entraîne à son tour une diminution de celles des hormones de contre-régulation et par conséquent une inhibition de la néoglucogenèse et de la glycogenolyse. Ce phénomène empêche l’hyperglycemie postprandiale.
Quels conseils aux diabétiques qui décident d’observer le ramadan?
Normalement, si un diabétique devait observer le jeûne, il devrait se préparer 3 mois avant le ramadan en consultant son médecin traitant qui doit lui faire des bilans de son diabète, côté équilibre de son diabète son taux de Hba1c doit être maintenu autour de 6-7% , évaluer le bilan rénal et cardio-vasculaire. Et procéder à l’adaptation de son traitement. Déterminer le niveau de risque de maladie avant de se prononcer sur la possibilité d’observer le jeûne. Il y a 3 niveaux de risque: risque faible qui peut observer le jeûne; risque modéré peut observer le jeûne avec surveillance médicale rigoureux; risque élevé le jeûne est déconseillé.
Quelles sont les précautions qu’un diabétique doit prendre pour pouvoir jeûner ?
Les diabétiques qui veulent observer le jeûne doivent savoir les signes d’hypoglycémie et les corriger ( tremblement, transpiration abondante et inexpliquée, vertiges, sensation de faim). Dans ce cas, faire une glycémie, si le taux de sucre est à 0,70g/l, il faut rompre le jeûne.
Les signes d’hyperglycemies: (boire beaucoup d’eau, uriner fréquemment en quantité abondante et fatigue). Contrôler la glycémie si elle est supérieure à 2,50g/l, il faut rompre le jeûne.
Pendant cette période de chaleur, le diabétique doit boire beaucoup d’eau, doit couper le jeûne avec un thé chaud et 4 dattes. Il doit avoir quelques activités physiques et réajuster ses médicaments avec son médecin. Il doit être le dernier à prendre son repas de l’aube.
Le rôle du médecin est d’accompagner les fidèles durant le ramadan en les sensibilisant davantage aux règles hygieno-dietetiques, à l’autosurveillance pluriquotidienne glycémiques et à une adaptation thérapeutique.