Dans toute situation, Il y a ceux pour qui le verre est à moitié vide et ceux pour qui, il est à moitié plein. Le remaniement intervenu ce vendredi 19 juin 2020 est une de ces situations.
La nouvelle équipe comporte un nombre de femmes légèrement en hausse, puisqu’elles sont désormais huit. Cependant, leur représentation reste inférieure à 50%, avec 1 ministre sur 5 qui est une femme. Nous sommes encore loin de refléter la composition démographique de notre population, en dépit des nominations intervenues au cours des deux dernières années au niveau de plusieurs cabinets ministériels.
Au niveau mondial[1], nous faisons autant que la moyenne globale qui est de 21,3% de femmes ministres. S’il s’agit certes d’une progression depuis 2005, où ce chiffre n’atteignait que 14%, il y a encore une sous-représentation persistante des femmes au niveau des exécutifs de part le monde. Au niveau africain, cela nous classe 28ème pays sur les 55[2] pays que compte notre continent. La marge de progression est très importante et nous devons poursuivre nos efforts au vu d’éléments cruciaux qui militent en faveur d’une participation accrue des femmes dans les gouvernements.
La diversité en genre et l’égalité des sexes sont des impératifs pour toute société qui s’inscrit dans le progrès et le développement inclusifs. Les acteurs des secteurs privés et publics reconnaissent que ces éléments sont le chemin approprié. Notre pays a adopté l’Agenda 2030 portant sur le développement durable et ses 17 Objectifs de Développement Durable (ODD). L’ODD 5 en particulier, qui vise à « réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles », souligne l’importance de l’égalité des sexes comme agent transformateur de nos sociétés. L’Afrique a réaffirmé dans les objectifs et les domaines prioritaires de son Agenda 2063, la nécessité de s’appuyer sur tout son potentiel, notamment celui des femmes et des jeunes. L’autonomisation des femmes et des filles et la lutte contre les violences et discriminations à l’égard des femmes et filles sont un axe essentiel « d’égalité complète entre hommes et femmes dans toutes les sphères de la vie ». Et notre pays a aussi adhéré à ces objectifs.
Ces points soulignent également le rôle des femmes pour créer une économie et une société plus justes et durables. A cet égard, des études ont montré que réduire les inégalités de sexes permettrait d’accroître le produit intérieur brut annuel mondial (PIB) de 11% en 2025. L’égalité des sexes est donc une nécessité impérieuse pour les entreprises et les pays qui veulent être compétitifs et qui doivent attirer et retenir un pool de talent large et diversifié composé d’hommes et de femmes. Cela est d’autant plus crucial pour des pays comme le nôtre qui ont d’énormes défis à relever.
Le verre à moitié plein ?
A y regarder de plus près, il y a des éléments intéressants dans ce nouveau gouvernement. Prenons par exemple le ministère de l’énergie. Il sera occupé, pour la première fois, par une femme et il y a en cela des aspects positifs.
Il s’agit d’un secteur hautement stratégique par son impact dans tous les compartiments de notre vie. L’énergie est essentielle pour mettre en œuvre la transformation digitale de notre pays. L’énergie est cruciale pour diversifier les sources de richesse nationale et ajouter de la valeur aux produits que nous cultivons et extrayons de nos sols. L’éducation et la santé pourraient être améliorées avec des sources d’énergie plus importantes, modernes, abordables et durables.
Avoir une femme à la tête d’un tel ministère traduit le lien positif, qui est démontré par un nombre croissant d’analyses, entre la participation des femmes aux postes de décision et la fourniture de services publics de qualité aux populations. Ces études montrent également, dans des contextes comme le nôtre, qu’une participation accrue des femmes aux postes de leadership se traduirait par des administrations qui fonctionnent mieux et qui sont de surcroît plus efficaces. En outre, elles indiquent aussi qu’une sous-représentation des femmes conduirait à une mauvaise prise de décision, avec une mise en œuvre peu performante des politiques publiques et la fourniture de services publics de faible qualité.
Une femme ministre de l’énergie permettrait également d’avoir une lecture plus sexo-spécifique en termes d’accès et d’utilisation de sources d’énergie. Ce point est essentiel lorsque l’on connaît les effets néfastes de certaines sources d’énergie (charbon de bois) tant sur la santé de nos populations (en particulier celles des femmes) que sur notre environnement et notre climat.
Un autre élément a trait à l’implication accrue des femmes comme solutions aux défis de ce secteur, liés, entre autres, à l’amélioration de sa gouvernance et à sa transition énergétique. Là encore, une diversité de talents au plus haut niveau est un élément moteur pour des réformes courageuses, l’innovation et le changement dans un secteur qui en a bien besoin. Mais ce n’est pas le seul.
Cette nomination, comme celles d’autres femmes dans ce nouveau gouvernement, ainsi que la confirmation de celles déjà en poste, contribueront à apporter des idées fraîches et novatrices. Ces femmes devront avoir le souci permanent de servir le plus grand nombre avec intégrité, engagement et courage. Elles sont à soutenir au même titre que toutes celles qui œuvrent inlassablement pour le développement de notre pays, dans le secteur, privé, public, associatif, religieux ou politique.
En tant qu’hommes et femmes, nous devons continuer à promouvoir la diversité de talents, la richesse d’expériences et l’égalité des genres aux postes les plus élevés de notre administration. On doit le faire dans des secteurs qui demeurent encore la « chasse gardée » des hommes. Notre pays a su, dès son indépendance, ouvrir la voie, comme avec notre pionnière Fatoumata Binta Diallo[3], il peut donc encore le faire.
Malado Kaba est la première femme nommée Ministre de l’économie et des finances de la République de Guinée, où elle a servi de 2016 à 2018. Elle préside aujourd’hui le conseil de l’autorité de régulation des services publics d’électricité et d’eau potable en Guinée. Elle siège également dans plusieurs conseils d’administration, dont l’African Women Leadership Fund. Malado Kaba est membre de la Plateforme de concertation du secteur privé guinéen et du GRIFE, groupe de réflexion et d’influence des femmes entrepreneures et dirigeantes.
[1]Rapport d’ONU Femmes présentant la situation des femmes ministres de part le monde au 1er janvier 2020.
[2] En tenant des chiffres du dernier remaniement du 19 juin 2020.
[3] Elle fut la première femme pilote d’hélicoptère en Afrique.