Le ministre de la Justice, Me Mory Doumbouya, s’est rendu récemment à la maison centrale de Conakry pour échanger avec les détenus. Dans un entretien accordé à notre rédaction la semaine dernière, le président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) a qualifié cette démarche de ‘’ deux poids, deux mesures’’, parce que la délégation du ministre ne comportait, selon lui, aucun avocat des victimes du massacre du 28 septembre. Une sortie médiatique que dénonce l’avocat de Toumba Diakité, Me Paul Yomba Kourouma.
A travers un droit de réponse, l’avocat du commandant Aboubacar Sidiki Diakité, dit avoir appris avec beaucoup d’indignation et de stupéfaction, cette sortie ‘’diffamatoire’’ du président de l’OGDH : « Il faut préciser que le Garde des Sceaux, en tant qu’avocat et défenseur attitré des droits humains, s’est voulu très respectueux de principe contradictoire qui est de l’égalité de tous les acteurs impliqués dans cette procédure relative au massacre survenu au stade du 28 septembre. C’est ainsi qu’à travers une annonce publiée par monsieur le bâtonnier de l’ordre des avocats et à l’initiative de monsieur le ministre de la Justice, tous les avocats désireux de prendre part à cette visite à la maison centrale y ont été conviés. A cela aussi, il faut ajouter les appels téléphoniques individuels effectués par monsieur le procureur de la République, près le tribunal de première instance de Dixinn, principal poursuivant dans ce dossier afin que nul n’en ignore. Et préalablement même à cette démarche, le ministre de la Justice et Garde des Sceaux avait ouvert ses bureaux aux ONG de défense des droits de l’homme, à l’association des victimes de massacre, aux diplomates accrédités auprès de notre pays et pour la première fois, depuis ces événements, aux avocats de la défense ».
L’avocat démontre que « cette sortie d’Abdoul Ghadiry Diallo dénote une stratégie mise en place mais qui n’a pas réussi, parce que sentant leur fonds de commerce, leurs espérances, leurs ambitions et leurs esprits de lutte démesurés, leurs enrichissements sans cause, s’estomper par l’avènement d’une vision clairvoyante, reposant sur la justice, le droit et l’égalité de tous devant la loi. Il n’est plus à rappeler que les ONG et surtout celles de la défense des droits de l’homme sont pour la plupart à but lucratif, ayant pour sève nourricière, les institutions de financement. D’où leur conflit de leadership. »
Cas spécifique du massacre du 28 septembre
L’avocat de Toumba Diakité signale que le dossier du 28 septembre “tant mystifié par les ministres qui ont précédé Me Mory Doumbouya et par les ONG dont celle présidée par Abdoul Ghadiry Diallo, n’ont aucun intérêt à ce qu’il soit jugé. Ce procès est à refaire parce que, constituant pour eux un fonds de commerce, une source inextinguible d’enrichissement.”
“Pour une affaire qui se joue ici en Guinée, au point d’ailleurs que des associations ont fini par se créer des sièges, elles ne font que défendre leurs propres poches. Elles (des ONG de défense des droits humains, Ndlr), ont accompagné le ministre Cheick Sacko dans cette affaire du fameux comité de pilotage qui n’a aucune base légale, que le ministre de la Justice est venu balayer d’un revers de la main. Ils ont encouragé aussi le département à former un collège de magistrat, un tribunal spécial, composé de magistrat recruté par-ci par-là devant les différentes juridictions et financé par d’autres ONG pour juger l’affaire-là alors que l’ordonnance de renvoi des juges d’instruction renvoie cette affaire devant une juridiction nommément désignée : le tribunal criminel de Dixinn“, estime Me Paul Yomba.
“En tant que défenseurs des droits de l’homme, ils n’ont levé aucun doigt“, poursuit-il.
“M. Ghadiry peine aujourd’hui à organiser, puisque le mandat de son bureau est expiré depuis 2019. Alors qu’il crie sur tous les toits, la question de l’alternance au sommet de l’Etat, il n’arrive pas à nettoyer sa propre maison. Quand il dit que Me Paul Yomba faisait partie de la délégation ministérielle…, mais à quel titre? Est-ce que j’appartiens au cabinet du ministre ? Nous avons été invités au même titre. Il y a vraiment un dysfonctionnement au niveau de son service.”
L’avocat informe que l’OGDH était pourtant représentée dans cette délégation par Me Hamid Barry (par ailleurs, l’un des avocats des victimes, Ndlr). Me Thierno Soulyemane Barry, Me Joseph Sovogui, Me Sofiane Kouyaté, Me Mohamed Lamine Conté, Me Santiba Kouyaté, tous des avocats des victimes de ce massacre au stade du 28 septembre en 2009.
“Dire qu’on m’a enrôlé dans la délégation relève de la désinformation! Ce que M. Ghadiry doit retenir, c’est que l’œuvre accomplie en peu de jours par le ministre de la Justice est originale ! Elle est historique et inédite. Je le mets au défi, depuis 1984, aucun des ministres ne s’est rendu à la maison centrale, rester de 14 heures à 22 heures pour entendre toutes les couches (femmes, mineurs et étrangers), sur leurs conditions de vie, leurs nourritures, etc. C’est vraiment un homme qui s’est confondu aux prisonniers, aux hommes sans voix. Il s’est solidarisé d’eux, il a partagé leurs conditions… Si ses prédécesseurs avaient déjà amorcé cette démarche, c’est dire à quel résultat cela a pu déboucher“, ajoute Me Paul Yomba.
Il précise qu’aucun défenseur des droits de l’homme n’a une seule fois révélé des irrégularités relatives à cette procédure. “Ce ministre est venu tout régler.”