Dans cette interview, le secrétaire général de la Confédération syndicale autonome des travailleurs et retraités de Guinée (COSATREG) expose les défis majeurs auxquels est confronté le Mouvement syndical guinéen. Boubacar Biro Diallo dénonce notamment la désignation unilatérale des représentants syndicaux pour la Conférence internationale du travail à Genève, ainsi que l’absence de base légale dans la répartition des subventions accordées aux organisations syndicales. Il révèle également la disparition de 4 milliards Gnf dans les arriérés de subventions. Le syndicaliste porte aussi des graves accusations contre la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et l’Union nationale des travailleurs de Guinée (USTG).
Guinee360.com : Huit centrales syndicales dont la votre conteste la désignation des représentants du Mouvement syndical guinéen à la 132e Session de la Conférence Internationale du Travail (CIT) organisée par l’OIT à Genève. Que s’est-il passé ?
Boubacar Biro Diallo : Ce sont deux centrales syndicales (CNTG et USTG) qui ont raflé toutes les représentations. Les autres n’ont eu aucun représentant. A elles seules, elles ont raflé les 30 places de la Guinée à la 132e Session de la Conférence Internationale du Travail sous prétexte qu’elles ont des accréditations. Or, dans cette affaire, à l’international, il y en a parmi nous qui sont affiliés au CEFI (Centre d’Etudes et de Formation Interprofessionnel) et d’autres à la SFM (Fédération syndical mondial).
Qui délivre les accréditations dont se font prévaloir la CNTG et l’USTG ?
C’est la CEFI mais ce n’est pas tout le monde qui est affilié à elle. Par contre, la Conférence internationale du Travail concerne tous les blocs. Elle réunit tous les mouvements syndicaux du monde dont la SFM dont nous sommes membres.
Est-ce que c’est une habitude de répartir ainsi les représentants du Mouvement syndical guinéen à cette rencontre mondiale ?
Oui! Ils font ce qu’ils veulent à huis clos en utilisant la fonction représentative qu’ils ont complètement galvaudé pour faire ce qui bon leur semble. On s’en rend compte que lorsqu’ils sont prêts pour voyager. Ils nous disent qu’ils ont des accréditations donc ils sont plus importants. C’est comme ça.
Vous avez contesté également la clé de répartition de la subvention. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Là aussi, en 2016, il y a eu une évaluation à tort puisqu’elle doit se faire sur une base légale. Or, ce qui a été fait, c’est sur la base d’un échantillonnage. Alors, ils ont extrapolé les résultats pour en faire un droit de représentativité qui leur permet de renvoyer tout le monde. Et cela s’opère principalement entre la CNTG et l’USTG.
Mais puisque ce n’est pas légal et c’est absolument antinomique, la Guinée n’a jamais organisé d’élections sociales. Il ne faut pas accepter que la Guinée soit une exception dans le cadre des relations de travail. Il faut qu’on soit sérieux. La loi prévoit la tenue de ces élections sociales et maintenant on doit faire une révision du Code du travail puisque la disposition dont ils ont fait allusion est relative à l’élection des délégués syndicaux dans les sociétés et entreprises. Donc cela ne cadre pas avec les élections sociales.
Que voulez-vous concrètement par rapport à cette répartition?
Nous avons suggéré qu’elle s’effectue sur la base d’un plafond et d’un plancher. Le plancher, c’est de prendre les 2⁄3 puisque c’est une subvention de fonctionnement, diviser arithmétiquement entre toutes les centrales. L’autre 1⁄3 va connaître une réparation proportionnelle en fonction de la longévité des centrales. Ainsi, je crois que nous aurions rétabli la justice sociale en attendant d’avoir des instruments juridiques permettant d’aller à des élections sociales.
Qui doit mettre en place les instruments juridiques permettant une répartition sur une base légale et préalablement définie ?
C’est l’État. Voilà pourquoi nous parlons de complaisance, voire de complicité quelque part.
Comment la subvention a été partagée de façon concrète ?
Il y a des centrales syndicales qui ont été repêchées. Elles ont bénéficié de 14 millions sur 3 milliards, mais c’est 1 milliard 500 millions pour le semestre et au cours de l’année on a 3 milliards. La grande centrale syndicale à 500 millions, la seconde à 333 millions. Les autres qu’ils appellent des petites centrales ont des muettes.
Sans aucune base légale, on est en train de masturber la représentativité pour non seulement bénéficier de la subvention et de voyage, mais aussi des conseils d’administration où nous sommes représentés et des comités paritaires où nous devons siéger. On ramasse tout.
Mais le ministre (du Travail et de la Fonction) sortant, j’avoue qu’il avait commencé à apporter des mesures correctives au titre de la représentativité au niveau des comités partenaires et des conseils d’administration. C’est pourquoi, nous avons fait appel à l’État qui est le seul à pouvoir rétablir l’ordre. Nous avons même indiqué quelques pistes notamment la révision du Code du travail pour intégrer cette affaire d’élections sociales. Tant que ce n’est pas ainsi, ce n’est pas du domaine de la loi. Ce n’est pas de la guerre. On ne porte pas de gants, mais nous cherchons à corriger les choses et à incarner l’exemplarité.
Le Mouvement syndical en général réclamait des arriérés dans la subvention. Est-ce que l’État a intégré cela dans celle de cette année ?
Malheureusement, non. C’était 14 milliards de francs guinéens et récemment lors d’un contrôle de routine, on s’est rendu compte qu’il ne reste plus que 10 milliards. Et on ne sait pas où sont partis les 4 milliards. C’est toute cette situation qui nous amène à nous réveiller pour dire stop.
Vous vous êtes rendus compte que des arriérés dans votre subvention ont disparu ?
Effectivement, parce qu’au lieu de 14 milliards on a retrouvé 10 milliards. Celà veut dire qu’il y a un problème quelque part.
Qu’est-ce qui s’est passé dans l’affaire des correspondances ?
Il y a le pluralisme syndical qui n’entrave pas l’unité d’actions. Mais cette unité d’actions n’entrave pas l’indépendance de chaque centrale syndicale. Donc vu que chaque centrale est un partenaire à l’État, nous avons demandé à ce que l’État nous adresse individuellement les correspondances lorsqu’il voudra nous écrire.