La responsabilité des Partis politiques
Les articles 3 et 4 de la constitution disposent que « Les partis politiques concourent à l’éducation politique des citoyens, à l’animation de la vie politique… Ils doivent également respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, l’intégrité du territoire et l’ordre public… La loi punit quiconque, par un acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse, par un acte de propagande régionaliste ou par tout autre acte, porte atteinte à l’unité nationale… »
Les dispositions constitutionnelles susmentionnées appellent les Partis Politiques à l’exemplarité et surtout à plus de responsabilités dans leurs actions quotidiennes pour la promotion de la démocratie et de l’état de droit. Ils doivent proscrire les discours de haine dans leurs meetings politiques, de facto lorsqu’ils se réunissent sur la voie publique pour revendiquer ou dénoncer une pratique à laquelle ils sont opposés.
La voie publique n’est pas un lieu pour commettre des infractions pénales, ni à l’encontre des agents de maintien de l’ordre (outrage à agent) ni à l’encontre des biens publics (dégradation des biens appartenant à tous) et ni à l’encontre d’autres citoyens (surtout lorsque ces derniers exercent leur liberté d’aller et venir). Ils doivent promouvoir la non-violence surtout quand ils aspirent à accéder un jour à la plus haute fonction de l’Etat.
La responsabilité citoyenne
Conformément à l’article 22 de la constitution : « Chaque citoyen a le devoir de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements… de participer aux élections, de promouvoir la tolérance, les valeurs de la démocratie, d’être loyal envers la nation… de respecter l’honneur et les opinions des autres… Les biens publics sont sacrés et inviolables. Toute personne doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de vandalisme… est réprimé par la loi ».
Chaque citoyen se trouve donc dans l’obligation de respecter la loi car d’une manière ou d’une autre, il a participé à son élaboration. L’article 2 de la constitution dispose que : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par voie de référendum ». Dans la grande majorité des cas ce sont les élus du peuple qui votent les lois, raison pour laquelle ils ne peuvent se dispenser de leur application.
Ainsi dans l’exercice de leur liberté de manifester, les citoyens commettent souvent des infractions pénales, soit à l’encontre des agents, soit à l’encontre des biens.
Infraction commise à l’encontre d’un agent dépositaire de l’autorité publique : le délit d’outrage
« Constituent un outrage les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. Il est puni de 16 jours à 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 à 1 million de francs guinéens » conformément à l’article 658 du nouveau code pénal guinéen.
Dans sa volonté de lutter contre la violence et pacifier les manifestations, le législateur interdit à « toute personne portant une arme apparente ou cachée ou un engin dangereux pour la sécurité publique, de prendre part à un défilé, à un cortège ou à une manifestation publique » en application de l’article 626 du nouveau code pénal guinéen.
La violence dans le cadre d’une manifestation n’est pas exercée uniquement contre les personnes, elle peut l’être aussi à l’encontre des biens publics.
L’infraction pénale commise contre les biens publics : la dégradation de biens publics
L’article 523 du nouveau code pénal guinéen dispose que : « Quiconque, sans commandement de la loi, a volontairement détruit ou fait détruire, battu ou fait abattre, mutilé ou fait mutiler, dégradé ou fait dégrader, par quelque moyen que ce soit, tout ou partie d’édifices, d’ouvrages ou monuments publics, d’une manière générale, des biens meubles ou immeubles appartenant à des personnes publiques, est puni d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de 10.000.000 à 50.000.000 de francs guinéens… ».
L’objectif de ma tribune n’est pas de faire un procès pénal à l’encontre de qui que ce soit, mais plutôt d’attirer l’attention de tous les Guinéens sur le fait qu’il est indispensable que nous vivions dans la concorde, la paix et la quiétude sociale. Pour ce faire, le rôle du juge est fondamental. D’ailleurs, il est impératif que la Cour suprême rappelle le caractère fondamental du droit de manifester, ou que la Cour constitutionnelle rappelle sa valeur constitutionnelle, en tant que nécessaire dans une société démocratique (art 10 de la constitution), pour non seulement dissuader les pouvoirs publics de réprimer par la violence les manifestations (art 23 de la constitution), mais aussi pour attirer l’attention des citoyens, en particulier les acteurs politiques sur la nécessité de respecter les lois de la République (art 22 de la constitution), car nul n’est au-dessus de la loi.
Cet esprit manifeste de violence en Guinée, de part et d’autre, lors des manifestations n’est-il pas le signe d’un sentiment d’abandon par les pouvoirs publics, d’un sentiment de désespoir et d’impuissance ? Il est grand temps que nous repensions le système de développement que nous voulons pour notre pays, qui exige plus de justice sociale, en vue d’éviter le chaos.
Mamady Diawara
Assistant Juridique, diplômé en Master Droit Public et Administration parcours Recherche
Université de Limoges, France.