La date du 28 septembre avec Le «Non» à la communaute Franco-Africaine fut un tournant décisif dans l’histoire politique Guinéenne car, elle a permis à la Guinee d’acceder quelques jours plus tard à son independance le 02 octobre 1958.
De 1958 à 2019, soit 61 ans d’indépendance, l’on suppose que la Guinée a suffisamment grandi et mûri (politiquement, économiquement…). Elle n’est plus au Stade ni de l’adulte encore moins de l’adolescence. Elle se retrouve dans la catégorie des « Vieux » Etats independants du continent.
Au regard du rang historique que nous occupons , de la situation du pays comparativement à nos voisins , il ya lieu de se poser quelques questions :
Sommes nous indépendant? Si oui , de quoi nous l’avons fait, autrement dit , a-t-elle été utilisée convenablement? Après 61 ans, devons nous nous réjouir de cette indépendance?
Quand on tient compte du nom officiel « République de Guinée» ainsi que les symboles de souveraineté : le drapeau , l’hymne nationale , la monnaie , l’armée et les différents chefs d’Etats qui se sont succédé à la tête du pays, on peut bel et bien affirmé que la Guinée est officiellement indépendante et souveraine.
Mais cela suffit t-il pour se réclamer indépendant? Je ne le crois pas. Quand on s’amuse à diagnostiquer un peu les réalités socio-économique et politique de notre État, on sera amené à douter de l’effectivité de cette indépendance. D’où la question .
Sommes- nous réellement indépendant ?
Politiquement , j’ai l’impression que nous avons du mal à assumer cette indépendance arrachée audacieusement par nos aïeux. Par manque d’audace et de bravoure, nos dirigeants n’ont pas été a la hauteur pour honorer les précurseurs de notre indépendance en conservant de façon pérenne cette respectabilité dont jouissait notre jeune Etat car, ils n’arrivent toujours pas à se départir de l’ancienne puissance coloniale . La preuve en est que tous les différents chefs d’Etat que la Guinee a connu, à part Sekou Touré, ont toujours cherché et continuent à chercher la bénédiction au près de la France. Dès le lendemain de leur élections, parfois controversées , ils y effectueront une visite dite d’État soit dans l’idée d’exprimer leur gratitude , soit de chercher à bénéficier de la crédibilité auprès d’elle. Cette dernière constitue un acteur majeur et occupe de façon officielle ou officieuse un poid prépondérant dans la politique africaine en générale et guinéenne, en particulier , raison pour laquelle nos politiques de tout bord (Opposition et mouvance) font des tours à Paris à la quête des rendez vous à l’Elysée et pour nouer des relations avec des lobbys dans le seul but de gagner la confiance de l’autorité française . Ils sont prêts à passer toute sorte de deal même au detriment de l’intérêt general de leur peuple qu’ils gouvernent ou aspirent à gouverner, car, ils supposent qu’ils ont beau être populaires dans le pays, s’ils n’ont pas le soutient de cette puissante France , c’est peine perdue. Bizarrement, le peuple aussi s’inscrit dans la même logique , ne sachant pas que les «démons» sont en train de comploter sur son sort.
On peut déduire donc , suivant la configuration politique de notre pays , qu’il est plus utile de bénéficier de la confiance de la France que celle du peuple de Guinée ( électeur ) pour être le potentiel et futur chef d’État. Du fait que toutes les grandes décisions se prennent à leur niveau, le reste n’est que la formalité. Où est l’indépendance ?
-L’autre aspect non moins important est qu’a l’occasion de chaque élection, pour qu’elle se dise être crédible, il faut que la communauté internationale et la France, en particulier, y déploient une équipe de supervision . La validité ou non des ces élections depend en grande partie du rapport établi par ladite équipe (même si c’est toujours le même rapport qui est brandi ).
Face à ces réalités , il y a de quoi à s’interroger sur la nature et la portée de notre indépendance, de ce que nous avons pu réaliser en terme de progrès depuis que nous avons pris la destinée de notre pays en mains.
Qu’avons-nous fait de notre indépendance ?
La manière et l’époque prématurée pour nous de nous débarrasser de la puissance coloniale nous a valus une très grande réputation aux yeux, non seulement de la puissance coloniale, mais aussi des nos pairs de la sous-région alors sous domination. Une attitude qui fera d’ailleurs tâche d’huile quelques années plus tard sur le continent. Chose qui nous a permis d’occuper une place historique et honorable dans l’histoire des indépendances africaines ( le premier d’Afrique francophone à avoir obtenu pacifiquement son indépendance).
Alors, après 61 ans de gestion de nos ressources par nos propres dirigeants avec des cadres supposés intègres et compétents ayant suffisament acquis auprès du Colon de connaissances et d’expériences solides en matière de gestion administrative, la logique voudrait qu’on soit en avance sur tous les niveaux de développement par rapport aux pays voisins. Hélas! la courbe s’est rrenversée. La plus part de ceux qui ont été libre après nous sont malheureusement plus en avance que nous .
En dépit de toutes les potentialités économiques , culturelles et humaines dont dispose notre État, nous avons un niveau de développement qui laisse à désirer.
Nous ne pouvons pratiquement rien réaliser sans faire appel au bailleurs de fonds. Tous les chantiers de l’État reposent généralement sur des prêts du FMI , de la Banque mondiale et des dons des pays amis déguisés en forme de cooperation . Notre pays est tellement ouvert aux dons au point que même pour des toilettes publiques (dons du Japon) on ne se gène pas d’en recevoir.
Où est la dignité ?
Après on s’étonne qu’ils s’immiscent dans nos affaires intérieures en oubliant que l’indépendance politique dépend de notre indépendance économique.
Le pire c’est que même ces aides que nous bénéficions ne sont pas gérées correctement. Nous avons un État bâti sur la corruption, la gabegie financière, le détournement, le manque de patriotisme, etc;
Donc Quelle que soit la valeur de fonds investis, si la gouvernance n’est pas bonne et si la volonté n’y est pas, ne soyons pas étonnés que le résultat soit médiocre. Et avec ça, on ne verra pas le bout du tunnel. En voici quelques illustrations :
•dans Le secteur énergétique, avec tous les fonds engloutis (de Garafiri à kaleta , sans oublier les 700 millions d’euros de Rio Tinto) le résultat reste négatif car le peuple se contente toujours de l’éternel tour-tour en attendant la saison de pluie.
• Le constat est le même dans les infrastructures routières. Pendant que l’actuel ministre des Travaux Publics nous parle de 2,2 milliards de dollars Us investis dans ce secteur, le peuple continue à mourir par inondations et dans des accidents de circulation dus au mauvais état de nos routes, des ponts hérités du colon sont en train de s’écrouler partout à l’intérieur du pays . Ont-ils été utilisés comme prévu? Pas sûr.
– Dans l’aspect Socio-Politique: la mauvaise interprétation de la politique a entrainé des conséquences néfastes sur le social. La politique, au lieu d’être la solution à nos problèmes, est devenue la véritable source des maux dont nous souffrons. Elle cause plus de dégâts qu’elle n’en résolve. Par manque de programme de société fiable et viable et avec une adversité démesurée, dépourvue de tout faire-play, les entités politiques se sont transformées en des unités de production et promtion de la haine, de la division ethnique et du vol “légalisé” . Il est regrettable de constater qu’à ce stade où le monde entier se fait la guerre des inventions , chez nous, on parle encore d’ethnies. Des compatriotes s’entretuent à cause de cette politique qui nous produit du néant.
– Sur le plan Démocratique , voilà qu représente notre État âgé de 61 ans :
• À 61 ans , nous n’avons eu qu’un seul président à avoir accéder au pouvoir à travers les urnes . Les guinéens n’ont pas encore eu la chance d’assister à une passation du pouvoir entre un président sortant et un entrant. Ce qui dit que c’est une gouvernance à vie , seule la mort a pu les débarrasser du pouvoir, à l’exception de deux qui ont géré la transition.
• À 61 ans, l’éléphant «Alpha Condé» tant annoncé , sur qui tout le monde fondait son espoir pour l’épanouissement de notre système démocratique , ( au regard de son passé historique, politique) est arrivé avec un pied cassé . A 83 ans, il n’a pas trouvé mieux que de nous proposer l’idée d’un référendum constitutionnel avec l’effet de briguer un troisième mandat. Quel désastre!
• À 61 ans nous sommes incapables d’organiser les élections à bonne date. Le pire, notre pays a battu le records en matière de retard dans les processus électoraux pour avoir consacré plus d’une année sur les élections législatives de 2018 ( entre l’élection et l’installation des conseils communaux ).
• À 61 ans, nous ne sommes pas capables d’organiser des élections sans l’appui de l’Union européenne et la Communauté internationale. À ne pas oublier qu’on a été le seul et unique pays à faire recours en 2010 à un étranger de surcroit un malien pour présider la Ceni lors du second tour l’organisation de la présidentielle.
• A 61 ans , Il n’y a pas une institution judiciaire compétente pour juger les hauts cadres de l’Administration en cas de forfaiture.
• À 61 ans , nous ne disposons même pas d’un seul avion à plus forte raison d’une Compagnie aérienne.
• À 61 ans, nous n’avons pas une société de télécommunication publique. Toutes les communications de l’État passent par des sociétés privées. Donc, pas de secrets d’État.
• À 61 ans, nous sommes un peuple qui danse mais, au fond c’est la misère qui chante.
Une telle indépendance mérite t’elle d’être célébrée ?
Je ne regrette pas notre indépendance, mais je déplore le résultat qu’elle nous a produits après tant d’années. Et je suis sûr que nos devanciers, précurseurs de notre indépendance ne se sentiront pas heureux là où ils sont, car ils ont été trahis dans l’idée et le sens de l’indépendance qu’ils ont prônée. Savoir qu’ en dépit de leur discours engagé et hostile à la colonisation, notre pays est aujordhui le plus grand pourvoyeur des demandeurs d’asile derrière l’Afghanistan dans cette même France , n’est-ce pas une trahison ! Une trahison et une faiblesse de nos dirigeants qui se sont succéde à la tête du pays à l’égard, non seulement, de ses aînés, mais aussi du peuple ! Où est la fierté ? Qu’avons-nous à célébrer si ce n’est qu’aller observer le défilé de nos forces armées, chanter, danser. Ovationner une armée qui est tout sauf Républicaine qui, au lieu d’être au service du peuple, n’est soumis qu’aux ordres d’une personne ou d’un clan.
Depuis 1958 , les Guinéens ont été victimes de plus d’exactions par ses propres forces armées ( victimes du Camp Boiro, de 1985, des événements de janvier-fevrier, du massacre 28 septembre 2009, les 103 victimes des manifestations politiques sur l’Axe ainsi que celles de Zogota et de Galapaye).
À souligner que la plus part de ces victimes ne réclamaient que la bonne gouvernance, le respect des principes démocratiques ou bien une vie meilleure. Où sont la justice et la liberté ?Applaudir une telle armée n’est que de l’hypocrisie.
Je pense qu’au regard de ce qui précède, on devrait s’abstenir de célébrer une telle indépendance pour un tel résultat ou du moins changer la manière de la célébrer en remettant en cause son effectivité sur toutes les lignes.
En attendant , je reste convaincu que le peuple de Guinee est loin d’être libre. Au contraire , elle est victime d’une double colonisation: la colonisation par l’occident qui n’a fait que changer de nature et de forme avec une forte domination d’esprit et la colonisation par nos propres dirrigeants .
Thierno Monembo avait bien raison d’écrire: “Eux qui auraient dû être la solution, ils ne l’étaient en rien. C’est plutôt, eux, le problème à la lumière de la vérité” .
Tribune de Amadou Sara Sow
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