Une semaine jour pour jour après le double scrutin législatif et référendaire sanglant du dimanche 22 mars 2020, l’artiste reggaeman et président du Parti guinéen pour la solidarité, la démocratie et le développement (Pgsd) annonce son départ du Front national pour la défense de la (Fndc). Dans une vidéo postée sur sa page Facebook, Elie Kamano explique les raisons de sa démission en se disant trahi par ses pairs dans le combat contre un 3e mandat d’Alpha Condé.
Voici pour vous l’intégralité de la déclaration que nous avons décryptée!
Guinéens et Guinéennes,
Chers compatriotes,
Je m’adresse encore à vous pour livrer ma vérité sur ce qu’on a être un combat noble, sincère et loin de tout ego surdimensionné afin de conduire notre pays vers une libération totale en préservant les valeurs cardinales de notre jeune démocratie chèrement acquise.
Ma résilience n’a certes pas d’égal, mais je ne suis ni un dépotoir, ni un mouchoir. Je ne cherche ni à sacrifier des vies, ni à désavouer le leadership de mes petits frères ou de mes aînés.
Je ne cherche non plus à me la péter ou à me la couler douce dans une bourgeoisie révolutionnaire ou dans une opposition bourgeoise.
Je cherche une voie, pas la mienne, mais celle de notre peuple. Je le fais pour mériter et être digne du Panthéon et surtout être digne de notre histoire commune.
Dites moi que jai, un seul jour, du régime du feu général Lansana Conté jusqu’à celui-là, ma musique, mes sorties médiatiques et mon combat citoyen, soutenu une dictature au détriment de la démocratie dans ce pays.
Si le Panthéon est réservé à ceux qui se privent du luxe et de privilège individuel qu’offre les injustices et les inégalités de la société, personne ne m’empêchera d’y entrer.
Chers compatriotes,
On peut pas vouloir du miel et avoir peur d’affronter les abeilles. On ne peut chasser le lionceau et avoir peur du lion. Je me sens trahi et le peuple dans son silence et sa résignation se sent aussi trahi par des leaders qui ont certes beaucoup d’expérience politiques mais peu de volonté patriotique pour affronter les gaz lacrymogènes et les balles qui effleurent les enfants d’autrui. Depuis la nuit du 22 mars, mon sommeil est perturbé parce que je culpabilise, j’ai l’impression d’avoir été exploité dans mon innocence et mon attachement aux valeurs que je défens depuis des lustres.
Ni les stratégies cousues et conçues à mon insu, ni le fait de me refuser délibérément et publiquement la parole pendant que la foule scandait mon nom lors de la manifestation du 10 décembre sur l’esplanade du Stade du 28 septembre, ni ma non implication de la gestion des ressources du Fndc ne m’ont amené à quitter le navire parce que je croyais en la profonde sincérité et au sacrifice que chacun devait faire pour aboutir à un résultat satisfaisant pour notre peuple.
Chers compatriotes,
Je suis jeune et leader d’un parti politique, mais par conviction, solidarité et fidélité à nos combat, j’ai refusé d’aller à ces élections législatives en demandant à tous nos militants, partisans et sympathisants de s’abstenir et de rester chez eux.
Par solidarité et fidélité à ce combat, j’ai passé 45 jours à la Maison centrale de Conakry et 15 jours dans les prisons de Guéckédou et de Nzérékoré.
J’étais loin d’imaginer chers compatriotes que le 22 mars passé, nos leaders se seraient livrés à envoyer sur les différentes plateformes de l’opposition et du Fndc des images de personnes lâchement tuées pour la défendre de notre Constitution pendant qu’ils étaient tous cloués derrière leurs téléphones.
Ma fibre patriotique m’ayant parlé, j’ai envoyé des messages sur la plateforme de l’opposition politique qui sont restés sans réponse et dont voici le contenu:
“Il est 16heures, le peuple aimerait entendre ou voir ces leaders dehors pour l’accompagner. Je veux savoir ce qu’on attend pour poser un seul acte, ne serait-ce qu’au compte de la journée d’aujourd’hui. Les gens commencent déjà à fustiger le silence et l’absence des leaders sur le terrain. On ne peut envoyer les enfants d’autrui résister pendant qu’on est loin d’eux. Le boycott, oui! Mais il y a des morts et nous, nous sommes chez nous. Personne ne tirera sur nous les leaders en nous voyant dans les rues aux côtés du peuple, voilà pourquoi il faut y aller. Si jamais une balle touche un seul leader, ils seront cuits à jamais. Il faut sortir de la bureaucratie et de la victimisation car on ne peut pas continuer à brandir les images des blessés et des morts comme si on gagnait un trophée avec. Aucun leader ne doit rester chez lui. Soit on nous arrête ensemble, on nous tue ensemble ou on libère la Guinée ensemble ou le peuple nous considère comme des lâches”.
Chers compatriotes,
Devant cet appel patriotique, aucun opposant n’a daigné répondre par l’affirmatif. Le Fndc et les leaders des grands partis politiques se sont plutôt contentés de faire des déclarations et des rencontres auxquelles, je n’ai pas été convié.
J’ai fini par réaliser que nous sommes dans un cercle vicieux qui vise à sacrifier nos concitoyens comme à Nzérékoré. Le 22 mars était pour moi, l’occasion ou jamais de gagner le combat s’ils avaient accepté de prendre en compte au sein de la plateforme.
Je ne participerai plus à une révolution qui consiste à envoyer le peuple à la boucherie pendant que les leaders se cachent derrière leurs conforts.
Je démissionne du Fndc et de la plateforme de de l’opposition et je reprends mon destin en main dans le souci d’aider mon peuple à connaitre la vérité.
Je compatis aux douleurs du peuple et de nos mamans dont les enfants ont été lâchement arrachés à leur affection.
Je remercie la Jeunesse pour son courage et sa détermination à refuser l’arbitraire.
Que Dieu protège notre pays de cette pandémie qui frappe l’humanité de plein fouet.
Elie Kamano, président du parti Pgsd.
Je vous remercie.
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