Lancée le 30 novembre pour une durée de vingt-huit jours, la campagne présidentielle se poursuivra jusqu’au 26 décembre. Un moment charnière, au terme duquel la Guinée est censée retrouver l’ordre constitutionnel après quatre années de transition militaire dirigée par le général Mamadi Doumbouya.
Depuis l’ouverture officielle de la campagne pour la présidentielle du 28 décembre 2025, les critiques se multiplient. Plusieurs voix dénoncent le soutien affiché de l’armée au général-candidat Mamadi Doumbouya, qui aurait dû, selon les exigences légales, démissionner avant de déposer sa candidature.
Pourtant, le chef de la junte continue de bénéficier d’un appui politique assumé de la part de ses frères d’armes. Certains officiers supérieurs l’ont exprimé ouvertement. Le chef d’État-major général, censé garantir la neutralité et l’impartialité des forces armées, avait lui-même invité le général Doumbouya à « considérer la volonté du peuple guinéen ».
« Dans un esprit de loyauté, nous vous invitons, Excellence M. le Président de la République, à écouter les aspirations profondes du peuple souverain de Guinée dont la voix et la volonté guident nos actions et inspirent nos efforts de progrès et de stabilité du pays. Puisse le Tout-puissant Allah vous accorder la santé, la clairvoyance et la force pour poursuivre avec détermination la refondation d’une armée républicaine, exemplaire et moderne au service du peuple de Guinée », déclarait alors le général Ibrahima Sory Bangoura.
Prononcée en marge de la célébration de la fête de l’armée guinéenne, cette déclaration apparaissait comme une invitation implicite au général Doumbouya à se porter candidat. Une démarche qui, venant du chef d’État-major en pleine transition militaire, traduit une rupture nette avec le principe de neutralité institutionnelle.
L’implication de l’appareil militaire se manifeste également à travers les administrateurs territoriaux — tous issus des Forces de défense et de sécurité — qui ont, à leur tour, renouvelé publiquement leur soutien à la candidature du général Doumbouya. À cela s’ajoute la présence d’officiers supérieurs dans plusieurs mécanismes stratégiques liés à la campagne du candidat.
Un épisode particulièrement révélateur est la publication, le 8 novembre, d’un communiqué sur la page Facebook de Génération pour la Modernité et le Développement (GMD), la formation qui porte la candidature du général Doumbouya. On pouvait y lire : « Rencontre stratégique de haut niveau de coordination entre le Quartier Général (QG) et le Directoire de campagne de la Génération pour la Modernité et le Développement (GMD) ». La réunion, précise le texte, s’est tenue sur instruction directe du candidat. Sur les images associées, figuraient notamment le Premier ministre Bah Oury, le directeur de cabinet de la présidence Djiba Diakité, le haut commandant de la gendarmerie, général Balla Samoura et le secrétaire général de la présidence, le général Amara Camara.
La Constitution souligne en son article 186 que “les Forces de défense et de sécurité sont républicaines et apolitiques. Elles disposent du droit de vote. Elles sont au service de la Nation et soumises à l’autorité civile légalement établie. Elles exercent leurs missions dans le respect des droits humains. Nul ne peut les détourner à ses propres fins.” Et l’article 187 d’ajouter : “les Forces de défense et de sécurité sont, en toutes circonstances, tenues de respecter, de protéger les institutions de la République et de s’abstenir de toute activité contraire à la Constitution, aux lois ou de tout acte de nature à porter atteinte à la sûreté de l’Etat.”
Le Statut général des militaires (L/2019/0041/AN) définit les droits, devoirs et restrictions propres à l’état militaire. Son article 2 rappelle que l’état militaire impose « discipline, loyalisme, disponibilité, neutralité et esprit de sacrifice ». L’article 8 interdit au militaire en activité de « se prononcer publiquement sur des questions politiques », tandis que l’article 10 lui proscrit toute adhésion à des organisations à caractère politique.
En clair, les forces armées sont tenues à une obligation stricte de réserve. Elles ne peuvent, en aucun cas, s’exprimer ou se positionner publiquement au profit d’un camp politique. Cette neutralité constitue l’un des piliers de leur rôle institutionnel.
Un manquement à cette exigence peut fragiliser l’équilibre politique du pays. L’ingérence de l’armée dans le jeu électoral risque de fausser la compétition démocratique, de porter atteinte à la séparation des pouvoirs et d’affaiblir les institutions. Elle peut aussi entraver les libertés civiques, intimider les opposants et miner la confiance de la population dans le processus électoral. Lorsque l’armée devient un acteur partisan, c’est toute la crédibilité de la transition qui vacille.


