Dans cet entretien accordé à Guinée360 , le président du Parti de la Liberté et du Progrès (PLP) et de la coalition Guinée Ensemble exprime des inquiétudes concernant le déroulement du processus en cours en Guinée. Alors que le pays se prépare à organiser l’élection présidentielle avant la fin de l’année, Laye Souleymane Diallo s’interroge sur la transparence et la crédibilité du processus en cours. Il dénonce une démarche précipitée, appelle à une rationalisation des partis politiques et évoque la position de sa coalition face à une éventuelle candidature du général Mamadi Doumbouya.
Guinee360 : La Guinée a adopté une nouvelle Constitution le 21 septembre et se prépare pour une élection présidentielle annoncée avant la fin de l’année. En tant qu’acteur politique, quelle appréciation faites-vous du processus électoral en cours ?
Laye Souleymane Diallo : Lors de ma dernière assemblée générale, j’avais déjà alerté les militants sur une probable anticipation du calendrier électoral. Et effectivement, dès l’adoption et la promulgation de la nouvelle Constitution, la date des élections a été rapidement fixée et la loi électorale promulguée. Aujourd’hui, la Direction Générale des Élections (DGE) a ouvert la période de dépôt des candidatures. Nous ne sommes donc pas surpris par cette précipitation, même si certaines étapes n’ont pas été respectées.
Certains estiment que le référendum constitutionnel et l’annonce rapide des élections présidentielles se font dans la précipitation. Partagez-vous cet avis ?
Je ne suis pas totalement surpris. Depuis deux ans, les acteurs politiques réclament la fin de la transition et un retour à l’ordre constitutionnel. La nouvelle Constitution s’inscrit dans cette logique. Cependant, il est surprenant que la loi électorale ne soit toujours pas accessible au public. On avait pourtant annoncé que les élections se feraient de la base au sommet : locales, communales, législatives, puis présidentielle. À ma grande surprise, on commence par la présidentielle. Il y a une volonté manifeste de précipiter les choses.
Le code électoral n’a pas encore été publié au Journal officiel, alors que la DGE agit déjà sur sa base. Comment comprendre cela ?
Ce n’est pas étonnant. Même la Constitution avait été rendue publique à la dernière minute. La loi électorale aurait dû être élaborée en concertation avec les partis politiques. Aujourd’hui, à deux mois de l’examen, aucun acteur politique ne connaît le contenu du texte, pas même la DGE, à mon avis. Dans ces conditions, il est difficile de parler d’un processus transparent.
Le scrutin présidentiel est annoncé pour le 28 décembre, une période de fêtes. Qu’en pensez-vous?
Ce n’est pas une période opportune. Cela donne l’impression d’une élection improvisée. Mais le PLP, avec sa coalition, se prépare à participer, notamment avec notre candidat Aboubacar Aïssata Diallo, que nous soutenons pleinement.
Pensez-vous que les conditions sont réunies pour des élections libres, crédibles et transparentes?
Crédibles ou pas, il faut mettre fin à cette transition. Si le CNRD ne présente pas de candidat, les élections seront crédibles. Mais si le pouvoir en place présente un candidat, ce sera un examen biaisé.
Justement, le président Mamadi Doumbouya n’a toujours pas déclaré s’il sera candidat ou non. Quelle est votre lecture ?
Tous les signaux montrent qu’il pourrait être candidat. Mais j’attends sa décision. Il est temps qu’il clarifie sa position. Je pense toutefois qu’il respectera sa parole : aucun membre du CNRD ne devait participer aux élections.
Plusieurs dirigeants politiques majeurs comme Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré ou encore Alpha Condé sont absents de la scène politique. Quelle est votre position sur cette situation ?
Les temps changent. Il est temps que certains dirigeants comme Cellou ou Alpha passent la main. Ce n’est pas une exclusion. Ils peuvent revenir, sauf Alpha Condé, qui est écarté par son âge. Les autres sont libres de participer. Mais un parti politique ne doit pas être la propriété privée d’un homme. Il faut favoriser l’alternance et donner la chance à la nouvelle génération.
Certains estiment que ceux qui ont participé à la présidentielle de 2020 ont acommpagné le troisième mandat d’Alpha Condé. Que répondez-vous ?
Je ne suis pas venu accompagner qui que ce soit. J’ai participé à une élection démocratique. Le peuple devait choisir entre participer ou boycotter. Moi, j’ai choisi d’exprimer ma vision politique. Le véritable coupable, c’est le peuple de Guinée, qui refuse de prendre sa destinée en main.
En 2020, vous avez obtenu 0,23 % des voix. Avec le recul, comment jugez-vous ce résultat ?
Ce n’est pas insignifiant pour une première participation. Nous avons eu près de 9 000 voix malgré la confusion sur le nom du parti, transformé en FLP par la CENI. C’est encourageant pour une première expérience.
Certains pensent que les partis retenus aujourd’hui sont « fabriqués » par le CNRD pour légitimer le processus. Partagez-vous cette idée ?
Pas du tout. Pourquoi devrait-il y avoir la présence de certains dirigeants pour que l’élection soit crédible ? La démocratie ne se résume pas à des individus, mais aux partis politiques. Chaque parti peut désigner un autre candidat.
Votre parti a-t-il rencontré des difficultés administratives pour participer à ces élections?
Oui. Le PLP n’a pas encore été effectivement évalué. Le MATD nous a accusé à tort d’avoir fusionné avec le RPG. Mais le ministère nous a promis de régulariser la situation. En attendant, nous restons engagés derrière notre candidat Aboubacar Aïssata Diallo.
Si le général Mamadi Doumbouya décidait finalement d’être candidat, votre coalition se retirerait-elle ?
Non. Notre coalition a désigné démocratiquement Aboubacar Aïssata Diallo. Le PLP ne se retirera pas et ne soutiendra pas le général Doumbouya.
Selon vous, quelles sont les conditions nécessaires pour garantir une élection crédible ?
Si j’étais président, je n’aurais pas précipité cette élection. Nous devrions d’abord structurer la vie politique, regrouper les 180 partis en deux ou trois grands blocs pour plus de cohérence. Il fallait repousser l’élection, par exemple en juin 2026, pour mieux préparer le terrain politique.
Vous proposez donc une rationalisation du paysage politique ?
Exactement. Cinquante partis et des candidatures indépendantes, c’est exorbitant. Il faut évaluer sérieusement la crédibilité de chaque formation. Beaucoup sont des parties en carton, sans structure ni vie interne. Il faut appliquer la loi avec rigueur.
Depuis le 5 septembre 2021, certains acteurs politiques ont choisi de collaborer avec le CNRD. Pourquoi pas vous ?
Je ne dirai pas que je n’ai pas été approché. Je souhaite simplement servir mon pays dans un régime démocratique où la liberté d’expression et la liberté de la presse sont garanties. Depuis le Cameroun, j’ai observé la transition. Il y a eu des choses positives et d’autres non. Mais après la présidentielle du 28 décembre, si on m’appelle à servir mon pays dans un régime constitutionnel, je le ferai volontiers.
Vous en voulez à ceux qui ont accepté de travailler avec le CNRD, comme le Premier ministre Bah Oury ?
Non, chacun a sa conviction. Le Premier ministre a choisi de servir le pays à sa manière. Je ne lui en veux pas. Chacun est libre de ses choix.