Dans une interview accordée à Guinee360.com à l’occasion de la semaine de l’Afrique des solutions tenue à Paris, le maire du 16e arrondissement de la capitale française s’est penché sur les putschs en Afrique. Il a soutenu que “les coups d’État permettent [parfois] de rétablir la démocratie”. Francis Szpiner explique qu’il ne faut pas généraliser parce que, selon lui, le cas du Niger n’est pas le même que le putsch au Gabon. Il a appelé par la suite, l’Europe à traiter avec “intelligence” la question de l’immigration clandestine. Nous avons enfin abordé avec lui, la question du départ de la France en Afrique notamment le cas spécifique du Mali.
Guinee360.com : La semaine de l’Afrique des solutions a démarré ici à Paris pour trouver des solutions sur le continent. Quelle analyse faites-vous ?
Francis Szpiner : On donne souvent une image de l’Afrique comme un continent en guerre et où la démocratie est malmenée, les droits de l’Homme sont en panne, le développement est souvent aléatoire. Et voir la société civile qui donne de l’image de l’Afrique c’est-à-dire un continent dynamique, d’un continent auquel je crois en son avenir, la possibilité de sa croissance, en sa possibilité de développement, c’est une bonne chose et une bonne manifestation parce qu’on met en jeu une Afrique fière de ce qu’elle fait, qui a un vrai potentiel, et qui donne une image valorisante de l’Afrique que celle donnée habituellement dans les médias.
Quelles sont les perspectives pour la semaine de l’Afrique des solutions ?
Ce qui est intéressant, c’est l’Afrique des solutions. On dit souvent qu’il y a des problèmes en Afrique. Il est bon que les Africains viennent dire voilà les solutions que nous proposons, voilà celles que nous allons mettre en œuvre dans des domaines très variés qui recouvrent en réalité tout le spectre de la société. Et donc j’attends impatiemment la fin et voir ce qui va en sortir de manière concrète.
Quelles sont les relations entre la mairie de Paris et les mairies africaines ?
Alors, le statut de Paris fait qu’en réalité, les mairies d’arrondissement de Paris n’ont pas le pouvoir de jumelage. C’est vrai que c’est la mairie centrale, nous nous sommes très présents à Paris dans le mouvement des villes francophones. Et évidemment, il y a l’importance de l’Afrique. Mais en tant que Mairie du 16e arrondissement, nos pouvoirs sont limités, mais nous pouvons faire en sorte que des manifestations comme celle-ci témoignent de notre solidarité avec l’Afrique et les villes africaines.
Pourquoi avez-vous soutenu cette cérémonie ?
Cet événement a lieu parce que nous mettons à disposition de ces associations des locaux qui sont très beaux, et c’est sans doute la mairie de Paris.
Quelles solutions, selon vous, faut-il adopter afin de limiter l’immigration clandestine ?
La vérité est qu’une partie des gens qui fuient l’Afrique le font pour des raisons économiques, des raisons de survie. Et donc, à défaut de faire par générosité, que l’Europe le fasse par l’intelligence. Nous devons faire en sorte que l’Afrique se développe et que les gens puissent travailler sur leur continent. C’est ça, la solution. Les gens qui viennent de l’Afrique, viennent aujourd’hui parce que c’est une question de survie pour beaucoup, plus les conditions climatiques, politiques, le droit d’asile, etc. Donc, le développement de l’Afrique, c’est pour l’Europe, une nécessité
Le développement de l’Afrique passe par quoi, selon-vous ?
Le développement de l’Afrique passe d’abord par le fait qu’on éradique la corruption et qu’on fasse en sorte qu’il y ait une sécurité juridique. Quand vous investissez dans un pays dans lequel il n’y a pas d’État de droit et que règne la loi de la corruption, du copinage, eh bien ! vous ne pouvez pas vous développer. L’économie a des règles. Ceux qui investissent leur argent veulent pouvoir le faire en peu de sécurité. Tant qu’il n’y aura pas de sécurité juridique et l’éradication de la corruption [il n’y aura pas de développement], même si on l’élimine jamais définitivement puisqu’elle existe aussi en Europe. La corruption n’est pas un mal typiquement africain, c’est un mal mondial. Mais, souvent, j’ai observé que dans les pays où il y a peu de ressources, la politique est un moyen de solutions via la corruption. Donc il faut lutter contre ça. Il y a des initiatives qui ont été prises pour ça. L’OHADA, c’est aussi une manière de soustraire à certaine justice de point de balance, des possibilités d’avoir sérieusement des recours. Mais, encore une fois, vous aurez une sécurité des investissements que lorsque vous aurez en Afrique, un État de droit.
Pourtant, on parle souvent du djihadisme en Afrique…
Le problème du djihadisme en Afrique, c’est tout simplement, parce qu’à un moment donné, il n’y a pas eu de réponse à la misère et à la corruption. Finalement, c’est ce qui fait qu’on a envie de construire quelque chose et que même ceux qui sont des forces de destruction donnent le sentiment, à une jeunesse désemparée, qu’elle va agir. Donc c’est une lutte de longue haleine.
Qu’en pensez-vous des coups d’État répétitifs en Afrique ?
D’abord, chaque situation amène des commentaires différents. Vous ne pouvez pas considérer le coup d’État au Gabon sur le même plan que celui du Niger. Dans un cas, il y a un président démocratiquement élu qui est renversé, on ne sait pas pourquoi. Dans l’autre cas, vous avez une élection pour le moins discutable. Et en ce moment-là, le coup d’État permet de rétablir la démocratie. Donc, ne généralisons pas surtout les coups d’État. Maintenant, c’est aussi l’impuissance d’un système démocratique à éradiquer la misère et le djihadisme et la tentation du bouc émissaire. J’ai dit à nos amis maliens que le départ de la France ne va pas améliorer leur situation. Si certains veulent le croire, eh bien, on se donnera rendez-vous dans un an ou deux. On verra si la junte au pouvoir lorsqu’elle était alliée de la France, il y avait plus de sécurité ou moins de sécurité ou s’il y aura plus ou moins de développement.
Au-delà des coups d’État, la relation Franco-africaine est décriée ?
Excusez-moi. Il n’y a pas de coups d’État au Sénégal, au Bénin, en Côte d’Ivoire. Sont concernés 4 pays, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et la Guinée. Ce n’est pas toute l’Afrique de l’Ouest. J’en suis désolé pour mes amis de l’Afrique de l’Ouest. Mais la France n’a pas à rougir pour ce qu’elle a fait. Nous avons payé un lourd tribut pour ça. Nous avons perdu plus de 50 soldats français notamment dans les opérations au Mali. Mais on verra. Encore une fois, les Africains verront les faits, on verra si au Mali, on vit mieux aujourd’hui avec la junte qu’on vivait hier lorsqu’il y avait des accords avec la France.