Le principal opposant au régime de Macky Sall a été de nouveau arrêté suite à une altercation entre lui et des ‘‘agents des renseignements généraux’’. Dans un communiqué, la justice a accusé le leader du Pastef d’avoir ‘‘volé avec violence’’ le téléphone portable d’une gendarme. Y a-t-il des raisons politiques derrière cette arrestation ? Après avoir renoncé à se représenter, Macky Sall manœuvrait-il à empêcher la candidature de Sonko ? Quel risque ce duel représente pour le Sénégal ? Nous avons interrogé Régis Hounkpè, enseignant et analyste en géopolitique et Directeur exécutif d’InterGlobe Conseils. Il intervient également en géopolitique de l’Afrique en Master 1 à l’université de Reims Champagne-Ardennes, au Centre de valorisation professionnelle de Tunis et à l’école nationale supérieure des armées de Porto Novo au Bénin.
Guinee360.com : Comment analysez-vous la situation au Sénégal après à la énième arrestation d’Ousmane Sonko, le principal opposant à Macky Sall ?
Regis Hounkpè : C’est toujours le duel Macky Sall et Ousmane Sonko qui se déroule sous nos yeux. Ce n’est pas parce que Macky Sall a décidé de ne pas se représenter pour briguer un 3e mandat que la situation personnelle d’Ousmane Sonko serait résolue. Les partisans de l’opposant estiment que le leader du Pastef est toujours harcelé et qu’au bout du compte, il y a de chance que sa candidature sera invalidée. J’ai suivi aussi le fait que c’est pour une affaire impliquant des militaires stationnés devant sa maison qui le filmaient et cela s’est terminé en altercation. Il se joue toujours devant nous le duel Macky Sall-Ousmane Sonko. On sait déjà que l’un ne se représentera pas. Peut-être que la justice, supposée aux ordres de Macky Sall, s’arrangera pour qu’Ousmane Sonko ne soit plus de la partie. On ne sait pas aujourd’hui, peut-être qu’on a deux opposants qui s’opposent, entre guillemets, à blanc.
Après avoir renoncé, certains diraient par la pression de la rue, Macky Sall voudrait-il empêcher la candidature de Sonko ?
Les proches d’Ousmane Sonko sont convaincus que les intentions de Macky Sall c’est de tout mettre en place, justice, police pour qu’il n’y ait pas le ticket Sonko dans les urnes à la présidentielle de février 2024. C’est une hypothèse qu’il ne faut pas écarter. Tout est possible. Malheureusement, c’est le peuple sénégalais qui sera victime entre ce ping-pong entre deux acteurs majeurs de la politique sénégalaise. Ousmane Sonko est une personnalité extrêmement importante et populaire. Le président Macky, bien que ne voulant pas représenter, reste encore aujourd’hui le magistrat suprême du pays. Moi, j’estime que c’est un duel qui se joue à blanc. Mais ça va être très compliqué parce que les mouvements populaires pour faire monter la candidature de Sonko ne se laisseront pas faire. On a vu une sorte de radicalité souvent alimentée par des frustrations politiques.
Le Sénégal court-il le risque d’une instabilité politique dans le sillage de la présidentielle de février 2024 ?
C’est possible et peut-être même bien avant le scrutin. On a quand même les ingrédients d’un pays totalement instable. Il y a déjà eu une trentaine de morts. Bref, tout est réuni aujourd’hui pour qu’effectivement le Sénégal bascule. Il ne tient aujourd’hui qu’à la maturité de la classe politique, au vivre ensemble, aux médiateurs sociaux, communautaires, religieux qui travaillent à ce que le Sénégal ne bascule pas. Mais il ne faut absolument rien écarter. Ce pays a la réputation d’avoir l’une des armées les plus professionnelles et républicaines. J’estime qu’à un moment où un autre, l’armée saura rester à sa place et se tenir à bonne distance de tous les partis pour qu’il n’y ait pas de conflit. Vous parlez de février 2024, peut-être que bien avant nous aurons des éléments annonciateurs du chaos. Le Sénégal ne doit pas basculer dans le chaos parce que c’est un pays phare dont la visibilité à la fois sociopolitique, médiatique et diplomatique sur le continent africain et au-delà permet à l’Afrique de l’Ouest de rayonner. Il doit rester le pays qu’il est, mais cela ne tient qu’à la maturité de la classe politique. La Cedeao ne devrait pas permettre que le Sénégal bascule. Mais cela ne tient qu’à la maturité de la classe politique.