Chaque jour, ce sont des centaines de personnes qui passent l’arme à gauche. Ces personnes, avant de mourir, avaient soit un compte bancaire ou un compte mobile money, ou les deux à la fois. Et un compte, ce sont des informations personnelles. Quand on meurt, on meurt avec, sauf quelques rares personnes qui partagent les informations de leurs comptes à des personnes de confiance.
Alors, comment les proches des morts qui n’ont pas fourni les détails de leurs comptes aux siens vont-ils pouvoir récupérer cet argent en comptes bancaires ou comptes mobile money ?
Pour obtenir les réponses à ces interrogations, Guinee360 a demandé à quelques banquiers et autres personnes ressources. Qu’il s’agisse d’un compte bancaire ou d’un compte mobile money, les proches du titulaire du compte doivent fournir un certain nombre de documents.
A Vista Bank, pour récupérer un compte d’un proche décédé, il faudra fournir un certain nombre de dossiers originaux avec leurs photocopies. Il s’agit de la déclaration de décès du client; un extrait d’acte de décès délivré par l’état-civil; une pièce d’identité du défunt; un jugement d’hérédité; un certificat de non appel et de non opposition; des actes de naissance des ayants droits ou jugement supplétif; un certificat de mariage ou jugement supplétif; le procès-verbal du conseil de famille et le certificat de résidence, carte d’identité et deux photos d’identité de l’administrateur.
« C’est après le traitement du dossier que la famille aura accès au compte, parce que ça sera étudié juridiquement pour voir s’il n’y a pas de faille », explique notre interlocuteur.
Du côté d’Ecobank, les pièces constitutives des dossiers de succession pour les clients décédés sont à peu près les mêmes documents que ceux demandés à Vista Bank. «Toute personne contactant la banque pour le décès d’un client doit fournir un certificat de déclaration de décès du client; le procès-verbal du conseil de famille désignant l’administrateur de la succession signé par le chef de quartier ou notarié; le jugement d’homologation du tribunal territorialement compétent à connaître de l’affaire, c’est-à-dire le tribunal de la commune du défunt; un certificat de non appel délivré dix (10) jours après le jugement d’homologation; la carte bancaire du client et tous les autres effets, chéquiers; la pièce d’identité en cours de validité de l’administrateur désigné; la demande manuscrite de l’administrateur désigné précisant la suite à donner au compte dans nos livres et au cas où le compte est transformé en compte succession, l’administrateur désigné sera tenu de nous fournir, en plus des documents ci-dessus cités, la copie de la carte d’identité nationale, deux photos d’identité et un certificat de résidence», précise-t-on à Ecobank.
A la Société générale aussi, c’est pareil, mais il faudrait que les copies des documents soient certifiées et le numéro de compte bancaire du défunt soit à disposition.
A UBA, la première des choses, selon notre source, c’est de savoir d’abord dans quelle agence le défunt client a créé son compte. Ensuite, les proches du défunt doivent s’assurer qu’ils ont le numéro du compte bancaire du regretté. C’est après ces étapes qu’une liste des dossiers à fournir (Il ne nous a pas communiqué lesdits dossiers) leur sera remise. Une fois que les documents exigés sont fournis à UBA, poursuit notre source, ils seront orientés vers un département juridique de l’entreprise pour traitement.
Dans toutes ces institutions bancaires, ces dossiers sont minutieusement traités avant de décider quoi que ce soit.
Un membre d’une structure a eu de sérieuses difficultés pour récupérer le compte après le décès d’un des deux signataires du compte bancaire : « Nous avions, à un moment donné, confié notre argent de tontine à deux éléments de notre groupement. Ils ont décidé d’aller ouvrir un compte dans une banque de la place avec une double signature, c’est-à-dire que l’un ne peut pas décaisser l’argent sans la signature de l’autre. Quand un des deux signataires est décédé, on a voulu récupérer l’argent avec une signature. Mais la banque en question n’a pas accepté et elle nous a montré les procédures à suivre pour qu’on ait accès à notre argent. On a fourni tous les dossiers qu’ils ont demandés. Malgré tout, on a fait près d’un an en train de courir dernière la dame qui était chargée du dossier. Finalement, on a eu notre argent, mais avec beaucoup de patience dans l’amertume.»
Les comptes mobile money, que détiennent la majorité des personnes possédant un téléphone, ont les mêmes exigences que les banques. Sauf que dans la demande, le nouvel administrateur du compte doit indiquer le mode de remboursement soit par transfert sur le compte de l’administrateur, soit par réinitialisation.
« Il y a beaucoup de dossiers à rechercher et qui coûtent chers. Donc, avant d’engager le processus de récupération du compte Orange Money d’un membre de la famille décédé, il faudra d’abord vérifier s’il a laissé suffisamment d’argent sur son compte en faisant le dépôt d’un petit montant, au moins 1 000 GNF sur le numéro à partir duquel le défunt a créé son compte. Une fois que vous faites ça, vous recevrez automatiquement un message vous montrant le solde. Si vous y trouvez beaucoup d’argent, vous allez en ce moment engager des démarches pour le récupérer. Mais si vous faites le contraire, c’est-à-dire faire des dépenses pour récupérer un compte dans lequel il n’y a rien, vos efforts seront inutiles », explique un travailleur de Orange finances mobiles Guinée.
Abdoulaye dont le frère est décédé, a tenté de récupérer l’argent qui se trouve dans le compte OM du défunt. Très malin, et avec de la chance, il a pu récupérer les 480 mille GNF qu’a laissés son frère : « Quand mon frère Mory est décédé, il avait laissé un montant sur son compte Orange Money, mais je ne savais pas c’était combien. Un jour, je me suis rendu au siège d’Orange pour faire la déclaration avec la carte nationale d’identité du défunt afin qu’ils m’aident à avoir cet argent. Ils m’ont remis une liste de documents à fournir. Quand j’ai regardé cette liste, je me suis dit de chercher à savoir d’abord le montant exact qui est sur le compte avant d’engager n’importe quelle démarche. Parce que les frais des dossiers à fournir dépassaient les 500 mille francs guinéens. S’il n’y a pas plus de 500 mille francs guinéens dans le compte, vaut mieux laisser tomber. Quand ils ont fait sortir le solde du compte, c’était 480 mille et quelque. Sur place, je leur ai proposé que je vienne avec la veuve, la femme de mon frère, pour qu’ils nous aident à avoir les 300 mille francs guinéens et qu’ils prennent le reste de l’argent. Ils ont refusé et m’ont demandé d’aller fournir les dossiers. Finalement, j’ai quitté. Arrivé à mon lieu de travail, j’ai beaucoup réfléchi sur comment récupérer cet argent sans passer par la réunion des dossiers qu’ils m’ont demandés. J’ai sorti la carte nationale d’identité du défunt dans ma poche pour la lire et relire. Entre-temps, j’ai eu l’idée de tenter d’introduire les quatre chiffres de sa date de naissance comme code secret de son compte Orange Money. Dès que j’ai essayé, automatiquement c’est validé. J’ai eu accès au compte. J’ai dit Dieu merci, je me suis directement levé pour aller retirer l’argent dans le compte. C’est comme ça que moi j’ai réussi, il y a quelques années de cela».
Contrairement à ce que pensent certains, ce n’est pas la mairie qui délivre le certificat de décès. C’est un travail de l’hôpital. Quant au jugement d’hérédité, ce sont des tribunaux qui le délivrent. Au tribunal de première Instance de Mafanco, il coûte 300 mille francs guinéens.
Avec ces nombreux dossiers à fournir, certaines familles auraient du mal à réunir, beaucoup de comptes ne pourront pas être récupérés par les proches des personnes décédées. A qui va revenir alors tout cet argent bloqué dans les banques et les comptes mobile money ? Le mieux ne serait-il pas d’avoir une personne de confiance à qui il faut partager ses informations bancaires ?
Djély Mamadou Kouyaté