C’est quand même paradoxal qu’un putschiste ait plus de prérogatives qu’un président légalement élu. Pourtant, c’est ce à quoi on assiste en Guinée. Le général de corps d’armées Mamadi Doumbouya nomme à tous les postes, à tous les niveaux.
S’emparer du pouvoir en interrompant l’ordre constitutionnel est passible d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité (art 552 CP). C’est ce qu’a fait le CNRD le 5 septembre 2021. Mais comme le peuple voulait en finir avec Alpha Condé après que celui-ci ait forcé le 3e mandat, il s’est tu devant le crime commis.
Avec force, le commandant des Forces spéciales dissout la Constitution, ainsi que les institutions. Il réhabilitera quelques-unes, notamment la Haute Autorité de la Communication (HAC) et la Cour des comptes.
Dans une République, les pouvoirs Exécutif, Législatif et Judiciaire sont séparés, et il n’existe pas de subordination entre eux. Peut-on parler de séparation des pouvoirs en Guinée alors que le tout-puissant général a le pouvoir sur toutes les institutions ? Le pouvoir Législatif est incarné par le Conseil national de la transition (CNT), dont les membres, y compris le président, sont nommés par décret. Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, on n’en parle pas. Les membres de la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, sont tous nommés par décret.
Si celui qui prend les décrets n’a ni la légalité, ni la légitimité de le faire, comment voulez-vous que ceux qu’il nomme soient ? “La main qui nomme [donne], c’est la main qui dirige”.
On peut conclure que la séparation des pouvoirs dans notre pays est factice. En réalité, il n’y a qu’un seul pouvoir : l’Exécutif, détenu par le président de la transition.
La soif du pouvoir est insatiable. Après avoir nommé le gouvernement, les gouverneurs, les préfets, les sous-préfets [le pouvoir Exécutif], les conseillers nationaux de la transition [le pouvoir législatif], le général Mamadi Doumbouya s’arroge aussi les prérogatives de nommer les conseillers communaux [les membres des délégations spéciales], ainsi que les chefs de quartier et présidents de district.
Même dans une monarchie absolue, le roi n’a pas autant des pouvoirs que le général Mamadi Doumbouya.
“Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument”, disait John Emerich Edward Dalberg-Acton.