Le procès en appel de l’ancien ministre de l’Enseignement préuniversitaire et de l’Alphabétisation, Dr Ibrahima Kourouma, n’a une nouvelle fois pas pu se tenir ce mardi 28 octobre 2025 devant la Chambre des appels de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
Pour la cinquième fois consécutive, l’audience a été renvoyée — cette fois au mois de novembre prochain — pour « incomplétude de la composition de la Chambre », selon l’avis de renvoi. Une situation qui suscite l’exaspération de la défense du prévenu, détenu depuis plus de trois ans et six mois.
Contacté par Guinee360, Me Soufiane Kouyaté, avocat de Dr Kourouma, a dénoncé un nouveau report qu’il qualifie de « préjudiciable » à son client.
« Comme vous le constatez, cela fait plusieurs semaines depuis la reprise des activités judiciaires que notre client, Dr Ibrahima Kourouma, devrait être entendu devant la chambre des appels, suite au recours qu’il a interjeté contre le jugement rendu par la juridiction précédente », a-t-il rappelé.
Selon l’avocat, ce nouveau report s’explique par un dysfonctionnement lié à l’insuffisance de magistrats à la Cour, une situation qui empêche l’examen du dossier depuis plusieurs mois.
« Cette situation cause un préjudice considérable à notre client, qui, rappelons-le, est en détention depuis plus de trois ans et six mois, sans que son sort ne soit fixé. Il est inconcevable qu’un citoyen puisse être privé de liberté pendant autant de temps sans jugement définitif », s’indigne Me Kouyaté.
L’avocat déplore en outre que certains magistrats poursuivent leurs activités normalement, tandis que plusieurs juridictions demeurent, selon lui, « paralysées ».
« Nous avons même assisté, récemment, à la diffusion d’un décret concernant l’affectation de magistrats, alors que les audiences ne peuvent se tenir. C’est incompréhensible et profondément regrettable. La privation de liberté doit rester l’exception, non la règle. Dans le cas de Dr Kourouma, cette exception est devenue une injustice prolongée. »
Sur l’état de son client, Me Kouyaté décrit un homme épuisé moralement par la longueur de la procédure.
« Effectivement, Dr Kourouma a été extrait de la Maison centrale ce matin, mais il n’a même pas pu accéder à la salle d’audience. Alors qu’il se trouvait déjà dans la cour, nous avons été informés d’un nouveau report. Il a donc été immédiatement reconduit en détention, où il vit depuis plus de trois ans et sept mois », explique-t-il.
Selon lui, cette attente interminable a profondément affecté le moral de l’ancien ministre.
« Après tout ce temps, c’est humainement difficile à supporter. Trois ans et demi derrière les barreaux, ce ne sont pas trois jours. D’autant plus que les faits qui lui sont reprochés n’ont jamais été clairement établis devant la Cour. »
Sur le fond du dossier, la défense continue de contester la validité des preuves retenues contre son client.
Me Kouyaté pointe notamment du doigt un rapport de l’Inspection générale d’État (IGE) qu’il juge irrégulier.
« Toute cette affaire repose sur un prétendu rapport établi par l’Inspection générale d’État, alors même que ce document n’est qu’un rapport provisoire », explique-t-il.
« Nous avons démontré, preuves à l’appui, devant la chambre de jugement, que ce rapport n’est pas opposable, car il viole le principe du contradictoire, consacré par la loi sur l’organisation et le fonctionnement de l’IGE. Dr Kourouma n’a jamais été entendu par les inspecteurs, alors qu’ils savaient parfaitement où il se trouvait. »
Selon la défense, les inspecteurs auraient eux-mêmes reconnu devant la Cour que le rapport n’était pas définitif.
« Comment peut-on, dès lors, condamner une personne sur la base d’un document non finalisé ? C’est le monde à l’envers », dénonce l’avocat.
Face à la multiplication des reports, la défense de Dr Kourouma envisage de saisir le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Guinée, afin que celui-ci interpelle directement le Garde des Sceaux sur la situation.
« Nous souhaitons qu’il puisse rencontrer le ministre de la Justice pour exposer les difficultés que nous rencontrons dans l’exercice de notre profession. Il n’est pas acceptable que des audiences soient annoncées, préparées avec sérieux, puis systématiquement reportées sans raison valable. Cela pénalise non seulement les avocats, mais surtout les justiciables en détention, comme le Dr Kourouma », conclut Me Soufiane Kouyaté.
