A la suite d’une étude commanditée par le collège des représentants de la société civile au sein du comité de pilotage de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) sur financement de Natural Resource Governance Institute (NRGI), l’ONG Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP-Guinée) a posé le diagnostic de la corruption dans le secteur minier en Guinée.
Dans ce rapport de 26 pages publié en août 2023, l’ONG présente les conclusions d’un “diagnostic approfondi” dans 3 domaines d’intervention. A savoir : octroi de licences et contrats (attribution de permis de recherche), collecte de revenus (vente de la production de l’État) et gestion de revenus (transferts infranationaux).
Le résultat a permis d’identifier 12 formes de corruption. En ce qui concerne l’octroi de licences et de contrats, l’analyse a identifié 4 formes de corruption considérées comme préoccupantes. Ce sont : Collusion et favoritisme dans l’octroi de titres miniers récemment retirés, Paiement pour accélérer le processus d’octroi de titres miniers, Paiement de pots-de-vin pour un avis favorable des comités d’examen et Octroi de titres miniers à des sociétés minières politiques connectés dans expérience dans le secteur.
Octroi de licences et de contrats
En Guinée, la gestion des titres miniers est régie par trois documents juridiques, souligne le rapport. Il s’agit du : Code minier 2011 amendé en 2013, le Décret D/2014/012/PRG/SGG du 17 janvier 2014 portant gestion des autorisations et titres miniers, de l’arrêté A/2016/5002/MMG/SGG du 01 septembre 2016 portant nouvelle procédure cadastrale. Ils en font du Centre de promotion et du développement miniers (CPDM), un guichet unique servant d’interface entre les investisseurs et l’administration en charge de l’instruction et la préparation des dossiers de demande d’octroi des titres miniers. Le Comité technique des titres miniers (CTTM) et la Commission nationale des mines (CNM) sont chargés en ce qui les concerne : de faire l’examen des dossiers et d’émettre un avis. La décision d’approbation revient au ministre des Mines ou au Président de la République (Chef de l’Etat), selon le cas. L’analyse de cette procédure a permis d’identifier quatre (4) formes de corruption jugées préoccupantes : (i) Collusion et Favoritisme dans l’octroi de titres miniers récemment retirés ; (ii) Paiement pour accélérer le processus d’octroi de titres miniers ; (iii)Paiement de pots de vins pour obtenir un avis favorable des comités d’examen ; (iv)Octroi de titres miniers à des sociétés politiquement connectées sans expérience dans le secteur.
Collusion et favoritisme dans l’octroi de titres miniers récemment retirés
Récemment, les autorités de la transition ont pris des mesures pour assainir le cadastre minier en procédant au retrait des titres caduques et des titres miniers dont les propriétaires ont failli à leurs obligations. Publiez Ce que Vous Payez révèle que certains cadres impliqués dans le processus abusent de leur pouvoir pour aider des sociétés à obtenir les titres miniers récemment retirés, en échange de pots-de-vin. « Cette pratique corrompue est mise en évidence par un rapprochement entre les dates de retrait des titres miniers et leur octroi dans la foulée à une autre entreprise », démontre l’ONG.
Paiement pour accélérer le processus d’octroi de titres miniers
Le rapport note qu’il arrive aussi que des demandeurs de titres miniers paient des pots de vins aux agents de l’administration afin d’accélérer le processus. Etant donné la lenteur dans le traitement des dossiers du genre, la procédure cadastrale n’indiquant pas de délai de traitement des dossiers, certains agents de l’Etat profitent ainsi de « l’impatience et la frustration des demandeurs » pour demander en retour des paiements. «Ainsi, les entreprises qui versent des pots-de-vin bénéficient d’un traitement préférentiel et obtiennent des licences d’exploitation minière plus rapidement que celles qui ne versent pas de pots-de-vin».
Paiement de pots-de-vins pour obtenir un avis favorable des comités d’examen
L’étude démontre que cette forme de corruption implique le paiement de pots-de-vin par les demandeurs de titres miniers aux membres du comité technique des titres miniers (CTTM) et/ou de la commission nationale des mines afin d’obtenir un avis favorable lors de l’examen de dossiers. Dans certains cas, des membres de ces comités exigent le paiement des pots-de -vin pour valider un dossier. Cette forme de corruption est plus prévalente lors de l’attribution et le renouvellement des permis d’exploitation et des concessions minières. A titre d’exemple, le document fait référence au rapport ITIE 2018 qui mentionne le renouvellement de convention de la concession d’une société pour une durée de 15 ans qui déroge à l’article 18 du code minier, qui dispose qu’une convention n’est renouvelable que sur 10 ans, donnant lieu au paiement d’un bonus de 5 millions USD. Les recherches ont prouvé que ce montant convenu dans la convention n’était mentionné nulle part parmi les catégories de paiement indiquées par le code minier.
Octroi de titres miniers à des sociétés minières sans expérience
PCQVP souligne qu’il arrive régulièrement que des sociétés ayant des connexions avec les acteurs politiques obtiennent des titres miniers bien qu’elles n’ont pas souvent d’expérience antérieure dans le secteur minier. Cette forme de corruption a été constatée dans le cas d’une start-up française sans expérience dans le secteur minier et qui, par l’entremise des hauts cadres guinéens et français, a obtenu en 2017 le droit d’exploiter, durant quinze ans, un gisement de 148 km2 dans la région de Boké. Cette affaire fait aujourd’hui l’objet d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet national financier en France et plusieurs personnalités liées à la start-up ont récemment été entendues par les policiers de l’office central anticorruption (OCLCIFF).
La collecte des revenus
Plusieurs entités de l’État à travers divers impôts et taxes prélevés à différentes étapes, réalisent la collecte des recettes minières particulièrement de l’exploitation de la bauxite.
Le présent diagnostic s’est focalisé sur les formes de corruption liées au contrôle fiscal effectué par la direction générale des impôts (DGI) qui, récemment, a émis plusieurs notifications de redressement fiscal à la suite de contrôles fiscaux menés sur les sociétés opérant dans l’exploitation de la bauxite. Cela souligne l’importance du contrôle fiscal dans la collecte des recettes fiscales mettant ainsi en évidence les risques de corruption qui peuvent survenir dans ce processus. L’étude met en évidence les manœuvres de certaines sociétés pour éviter de payer correctement les impôts et taxes dus en Guinée. « Ces pratiques frauduleuses visent à réduire artificiellement les obligations fiscales et privent l’État de ressources financières légitimes », souligne-t-elle.
La corruption dans le secteur minier n’est pas propre à la Guinée. De façon globale, l’Afrique perd chaque année l’équivalent d’environ 88,6 milliards de GBP en fuites de capitaux illicites, selon les Nations Unies.