Alfâ Ibrahima Sow, ce nom ne dit peut-être rien pour la jeune génération adepte de Facebook et de Tiktok, pourtant ce nom représente beaucoup pour la guinéenne et celle peule en particulier.
Né en 1935, Alfâ Ibrahima Sow est originaire de la misiide de Dara-Labé un haut-lieu de la culture islamique de la province de Labé. Reconnu pour la qualité de son enseignement particulier de la lecture et de l’interprétation du Coran, les quatre patronymes (Bah, Barry, Diallo & Sow) des peuls du Fouta s’y installèrent à la recherche du savoir.
Après ses études primaires, Alfâ Ibrahima Sow obtint son baccalauréat et est admis à la faculté de lettres à l’université de Dakar en 1956. Après sa maîtrise obtenue à Dakar, il débarque à Paris en 1960 où il poursuit des études de lettres modernes et d’ethnolinguistique à la Sorbonne.
Professeur à l’Institut National des Langues et Civilisations Occidentales (INALCO), Alfâ Ibrahima Sow et son compagnon Hampaté Bâ reçoivent en 1975, le prix de la langue française décerné par l’Académie Française. L’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) lui a décerné le titre honorifique de Titulaire de la chaire de littérature et culture de l’Afrique occidentale.
Après avoir bien maîtrisé le Pular oriental en plus de son Pular natal (celui occidental), Alfâ Sow devint Collaborateur du Centre d’Études Linguistiques et Historiques par la Tradition Orale (CELHTO, Niamey), et devient un expert en études halpular.
Alfâ Sow a publié de nombreux ouvrages à partir des années ’60, parmi ces nombreux ouvrages, citons :
- Notes sur les procédés poétiques dans la littérature des Peuls du Fouta Djallon. Cahiers d’études africaines (1965)
- La Femme, la Vache, la Foi. Ecrivains et Poètes du Fuuta Jalon. Julliard (1966)
- Remarques sur les infixes de dérivation dans le Fulfulde du Fouta Djallon (1966)
- Chroniques et Récits du Fouta Djalon. Kliencksieck (1968)
- Inventaire du Fonds Amadou Hampaté Bâ. Kliencksieck (1970)
- Le Filon du Bonheur Eternel, par Tierno Mouhammadou Samba Mombeya. Armand Colin (1971)
- L’éclat de la grande étoile suivi du Bain rituel. Armand Colin (1974) qu’il a coécrit avec Amadou Hampaté Bâ, L. Kesteloot, Christiane Seydou.
- Quand le Fuuta-Jalon devint Terre d’Islam. Editions Nubia. (1977)
- Langues et politiques de langues en Afrique Noire : l’expérience de l’UNESCO. Editions Nubia (1977)
- Introduction à la culture africaine : aspects généraux (1977)
Grand ami d’Amadou Hampaté Bâ, Alfâ Ibrahima Sow est l’un des initiateurs en 1966 de la conférence de Bamako organisée sous l’égide de l’UNESCO pour la codification des alphabets ouest-africains, à la suite de cette conférence une écriture harmonisée du peul a été adoptée.
Dans les années ’90, après la libéralisation de l’espace politique guinéen, l’homme de culture, rentre d’exil et entre dans l’arène politique, ce qui mit un frein à ses études sur la langue et la culture peule.
Comme l’écrivait, feu Thierno Siradiou Bah à la mort d’Alfâ Ibrahima Sow, celui-ci mourut trois fois :
- La première mort fut pseudo-juridique. Elle fut proclamée par contumace le 23 janvier 1971, conformément aux verdicts du Tribunal « révolutionnaire » du régime de Sékou Touré.
- La deuxième fut symbolique. Elle résulta de son abandon des études Pular pour la politique, à son retour d’exil à Conakry.
- La troisième fut physique. Elle eut lieu le 21 janvier 2005.
L’écrivain, ethnologue et grand homme de culture Alfâ Ibrahima Sow nous quittait donc dans la matinée de ce 21 janvier 2005 à Conakry.