La scène politique guinéenne continue de se reconfigurer à l’approche des échéances promises pour le retour à l’ordre constitutionnel. L’apparition publique du Cercle des Amis de Ousmane Gaoual (CERAG) aux couleurs de l’UFDG mais aussi estampillée des logos du CNRD et du projet Simandou 2040, a provoqué une onde de choc dans l’opinion.
Cette organisation, portée par l’actuel ministre porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, ancien cadre influent de l’UFDG, multiplie les actions publiques en faveur de la transition, dans une posture qui soulève plusieurs interrogations politiques et morales.
Ousmane Gaoual, longtemps considéré comme l’un des piliers de la stratégie de communication de Cellou Dalein Diallo, a été exclu de l’UFDG après sa nomination au sein du gouvernement de transition dirigée par Mamadi Doumbouya. Officiellement sanctionné pour “violation des principes du parti”, il ne s’est pas contenté d’un simple éloignement : il semble désormais vouloir reconquérir l’électorat de l’UFDG à travers une structure parallèle, le CERAG, se présentant comme un relais de terrain, au discours favorable au pouvoir militaire.
La bannière du CERAG, brandie lors d’un rassemblement à l’intérieur du pays, affiche un syncrétisme visuel et politique déroutant : d’un côté, le logo de l’UFDG, auquel l’intéressé n’appartient plus, et de l’autre, celui du CNRD et des projets phares de la transition comme Simandou 2040. Une juxtaposition que d’aucuns qualifient de provocation politique.
Pour de nombreux observateurs, le CERAG apparaît comme une manœuvre de division orchestrée avec la bienveillance, voire la bénédiction tacite du régime militaire. En pleine transition, où les partis politiques de l’opposition peinent à exercer librement, l’activisme d’Ousmane Gaoual et la liberté dont jouit son mouvement nourrissent l’hypothèse d’un plan destiné à affaiblir l’UFDG – principal parti d’opposition – en récupérant une partie de sa base.
Les accusations de proximité stratégique avec le CNRD ne sont pas nouvelles. Mais la participation du CERAG à des activités associées à la propagande gouvernementale rend plus palpable l’idée d’une instrumentalisation de l’ancien opposant pour neutraliser son propre camp.
Ce virage politique suscite une inquiétude plus large sur l’état du pluralisme en Guinée. L’utilisation de figures issues de l’opposition pour appuyer la transition militaire rappelle d’autres périodes sombres de l’histoire politique du pays, où la fragmentation des partis servait de stratégie de domination du pouvoir en place.
En l’absence d’élections et dans un contexte de restrictions croissantes sur les libertés publiques, le jeu politique semble désormais biaisé. Pendant que les partis traditionnels sont confrontés à des obstacles administratifs ou sécuritaires, les structures satellites comme le CERAG jouissent d’un traitement de faveur.
Le soutien affiché d’un ministre en fonction à un mouvement politique non reconnu pose également un problème éthique et institutionnel. La séparation entre l’administration de la transition et les ambitions politiques personnelles devient floue, minant la crédibilité du processus censé conduire à un retour à l’ordre constitutionnel.
Pour l’UFDG, ce développement pourrait renforcer son discours selon lequel la transition actuelle n’est pas neutre mais clairement orientée contre ses intérêts. Dans un climat de méfiance généralisée, la survie des grands partis passera sans doute par leur capacité à résister à ces manœuvres de division et à maintenir la cohésion de leur base.