Journaliste de formation, Alpha Oumar Baldé a une grande passion pour l’humour, qui le rend aujourd’hui célèbre en Guinée et en Afrique. Dans cet entretien, il a expliqué son parcours à l’université et ses ambitions visant à révolutionner le monde de la culture de son pays, afin que celle-ci retrouve son image d’antan.
Guinee360: Vous sortez d’une école de journalisme, mais l’humour est devenu votre profession. Expliquez-nous comment cette mutation a-t-elle pu se faire ?
Alpha Oumar Baldé: Le journalisme a toujours été ma passion. Quand je faisais la 9e année déjà, je faisais des commentaires de match, je présentais des anniversaires, des shows de la rue, etc. Mais à côté de ça, le sens de l’humour a été une influence que j’ai eue dans mon entourage, à commencer par ma mère, mes amis… J’ai toujours aimé écouter ce qui fait rire puis aller l’interpréter. Je crois avoir fait les deux à la fois. Quand j’étais étudiant à l’ISIC, à chaque fois que je croisais Dr Bangaly, (Directeur général de l’Institut supérieur, de l’information et de la communication-ISIC- de Kountia, à l’époque, Ndlr), il répétait toujours que ma place était à l’ISAG de Dubréka, parce que j’avais cet air un peu artistique et à la fois timide. Je crois avoir bien fait après, de cumuler les deux. Les gens m’ont découverts dans ‘’L’autre journal’’, avec Mohamed Damaro qui, depuis le début, savait que j’avais un grand sens de l’humour vu qu’on faisait des ‘’a capella’’ dans le studio de l’ISIC où on s’amusait à interpréter des voix.
Vos camarades de la fac nous disent que vous étiez plutôt calme à l’ISIC.
Sur les bancs de l’université j’étais très calme et réservé voire un peu rigoureux. Je ne le dis pas souvent, mais j’ai créé la première coordination des étudiants en 2010 avec l’appui de quelques étudiants. J’ai réussi à rencontrer tous les étudiants pour leur expliquer l’idée du projet qui était une association inclusive où on a réussi à mobiliser les représentants de chaque classe en passant par un vote qui a formé cette coordination, qui était composée de trois bureaux, dont la commission sportive et culturelle, celle pédagogique et la commission hygiène et santé. Donc j’étais réservé mais très canaille vis-à-vis de ceux qui me connaissent. Beaucoup ont été surpris de me voir devenir comédien, mais ceux qui me connaissent vraiment n’ont jamais été surpris.
Qu’est-ce que vous trouvez de meilleurs dans l’humour ?
La meilleure chose qu’on trouve dans l’humour est la joie qu’on partage. La Guinée est un pays de culture. Après l’accession à l’indépendance et le départ des Français, c’est par la culture qu’on s’est toujours hissé haut à travers le monde, notamment avec les Ballets africains et autres. C’est elle qui nous a donné la première monnaie guinéenne, c’est pourquoi ici l’homme de culture a, en quelque sorte, un titre de chef d’État avec énormément de respect.
Aujourd’hui je suis très reconnaissant. Chaque jour quand je sors, je croise des gens qui me saluent et me félicitent par rapport à ce que je fais. Je ne dirais pas que je ne trouverais pas mieux parce que s’il y a de l’argent qui vient, ce serait mieux (rires). J’ai préféré ce métier pour partager de la joie. Donc si les gens me le rendent, c’est de bonne grâce.
D’où tirez-vous vos inspirations ?
Mon inspiration est toujours tirée de mon vécu. Ma formation de journaliste n’est pas un fait du hasard parce que je connais le traitement de l’information. Et à côté j’ai été spécialisé en presse écrite, car savoir écrire peut créer toute la différence, pouvoir écrire en quelques mots toute une information c’est la touche particulière que je possède. J’ai eu la chance d’avoir appris les techniques de l’écriture, savoir écrire en une phrase ce qui peut être développé dans un débat, savoir donner, transmettre le message essentiel et terminer par une blague. Donc ma source d’inspiration, c’est mon vécu, mes recherches, mon observation, mon entourage mais c’est surtout ma formation à l’université et mon sens de l’humour depuis toujours.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du métier d’humoriste dans notre pays, surtout à cette période où la nouvelle génération veut beaucoup s’y impliquer ?
Le regard est le même, ce n’est pas que l’humour mais la culture en général qui ne va pas bien dans ce pays et malheureusement aujourd’hui la culture n’a plus son titre de noblesse qu’elle avait d’antan. Elle est laissée pour compte et pour preuve nous ne disposons même pas de salles de spectacles. Depuis mars, j’ai remporté le concours à Abidjan mais jusque-là je n’ai pas fait de scène, parce qu’il n’y a pas de salles de spectacles. J’ai voulu faire un spectacle au CCFG mais tout était bouclé. Tu ne peux pas avoir deux spectacles d’humour la même année au CCFG. Tout ça pour vous dire à quel point c’est compliqué, alors que c’est la seule salle adaptée pour l’humour, qui est un art avec ses codes. Pour tenir un spectacle humoristique il faut vraiment un environnement adapté et il n’y a que cette salle que nous avons.
A côté de cela, les autres pays disposent des comédies clubs mais malheureusement, nous n’en avons pas ici. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de personnes capables de le faire, mais c’est difficile pour les gens parce qu’il faut trouver un financement, un accompagnement du projet pour construire une comédie club, donc les gens se débrouillent dans les boîtes de nuit et des petites invitations. Ce n’est pas ça la véritable scène, parce que c’est l’espace qui donne l’espèce. Mais malgré tout, nous avons la flamme de continuer à travailler en attendant qu’il y ait de nouvelles opportunités car pour le moment, il y a une sorte de cession entre les acteurs et le département en question.
Parlez-nous enfin, des différentes compétitions auxquelles vous avez participé ?
C’est une seule compétition, par contre, j’ai été invité à l’Africa dans le festival au Cameroun, où j’ai joué femme et électricité qui passe sur Canal +Sports. C’est ce qui a fait vraiment ma promo. J’ai postulé pour ce concours à Abidjan où il y avait plus de 180 candidats de 9 pays d’Afrique francophone qui étaient sélectionnés. On est allés en demie finale, on est restés 20, après il y a eu le système de voting sur internet, je suis sorti premier. On est repartis à 8 en finale. J’ai été le choix unanime du jury. Je suis maintenant invité au Montreux-comedy festival en novembre prochain en Suisse. Je me prépare pour ça. Parce que, c’est plus grand et le plus grand festival d’humour. Tous les humoristes francophones qui sont connus aujourd’hui sont passés par là. Il y a peu d’Africains en tout cas de l’Afrique subsaharienne qui sont sortis là et c’est la première fois que quelqu’un y vient à l’issue d’un concours. Donc, je mesure la responsabilité, je viens à ce festival, je souhaite que ce ne soit pas qu’une figuration. C’est pourquoi j’ai souhaité avoir une préparation, j’ai monté un projet pour aller même vers l’État pour d’obtenir un financement afin que j’aille me préparer avec d’autres professionnels mais fort malheureusement ça n’a pas abouti. D’autres se sont manifestés certes, mais ce n’est pas à la hauteur de ce que j’avais espéré, parce que pour aller dans un pays étranger il faut tenir compte de plusieurs aspects.
Interview réalisée par Dansa Camara