Artiste compositeur, écrivain, activiste de la société civile et aujourd’hui politicien, Élie Kamano a accordé à la rédaction de Guinee360.com une interview lors de laquelle il aborde plusieurs sujets.
Guinee360.com: Qu’est-ce qui vous a motivé à renoncer à la musique pour la politique ?
Elie Kamano: Aujourd’hui, ma motivation n’est autre que la grande frustration qui monte dans ce pays, et qui nous a amenés, nous les hommes conscients, à prendre notre destin en main et à comprendre que le peuple est gouverné par des gens qui n’ont aucun sens de patriotisme.
On ne peut pas continuer à cautionner l’injustice, à partir du moment où le peuple sait déjà que le peuple de Guinée est fatigué de ses politiques. Aujourd’hui je dis au-revoir à la musique, mais ce n’est pas un adieu. Ce qui veut dire que je pourrai revenir peut-être après ma carrière politique.
Pensez-vous avoir la même popularité d’artiste, en étant politicien?
Rien ne va changer. Les mêmes personnes qui écoutent la musique d’Élie Kamano, sont les mêmes personnes qui vont voter. Je pense qu’il n’y a pas de craintes à ce niveau. Il y a beaucoup de choses qui prouvent que même sans la guitare en main, je suis capable de rétablir la paix et la quiétude en Guinée, et cela est dû à cette confiance que la population garde de moi, à travers mon engagement et mes prises de position.
En devenant politicien, quelles sont vos ambitions ?
Mes ambitions aujourd’hui, c’est de changer complètement la donne. J’estime que ceux qui devaient être la solution à nos problèmes, sont les problèmes à nos solutions. Mes ambitions sont claires, c’est aussi de lutter contre la corruption, en arrêtant toutes les personnes qui ont mis ce pays à genou. C’est d’ailleurs ce que je reproche au président Alpha Condé. Du fait qu’il a eu la chance de ne pas appartenir à un gouvernement, c’était une occasion pour lui d’arrêter tous ceux qui ont pillé l’économie de ce pays.
Vous ne pensez pas que vous vous lancez dans un terrain glissant, la politique ?
Il faut oser inventer l’avenir. On ne peut pas avoir peur d’un terrain qui nous a vu naître. Aujourd’hui je ne peux pas fuir les problèmes de la Guinée, sous prétexte que la politique est un terrain glissant. La musique aussi est un terrain glissant. ça fait 21 ans que je chante.
Quelle est la vision commune que vous avez avec les autres leaders politiques ?
Aucune. Sauf que la politique, lorsqu’on s’engage dedans, c’est vrai c’est pour la conquête du pouvoir, mais je vous rappelle que nos ambitions diffèrent. Vous avez vu le président Alpha Condé qui a fait quarante ans dans l’opposition, mais qui est aujourd’hui une vraie déception en terme de gouvernance en Afrique.
Comptez-vous créer votre parti politique ?
Pour le moment je m’en vais avec un mouvement politique.
De quel courant politique vous appartenez?
C’est l’équipe qui va décider le moment venu. Mais moi je suis libéral démocrate, car j’ai milité pour ça.
De quels moyens vous disposez aujourd’hui pour atteindre vos objectifs?
On cherche toujours les moyens en fonction de nos ambitions. Quand je débutais la musique, je n’avais même pas trois cent mille francs. Il y a 21 ans aujourd’hui. J’étais encore dans la galère. J’ai fait la mendicité dans les rues de la Côte d’Ivoire.
D’ailleurs je m’interroge s’il y a un artiste en Guinée qui a aussi un passé douloureux que moi. Je sais qu’avec l’élan que j’ai dans ce pays, les gens auront le courage de miser sur moi, pour dire essayons avec lui et changeons le visage politique guinéen.
Qu’est-ce vous pensez de la nomination de M. Kassory Fofana comme Premier ministre ?
C’est une insulte à notre intelligence, mais également au peuple de Guinée. Aujourd’hui quand j’entends que Kassory veut lutter contre la corruption, ça me fait rire tout simplement. Je ne peux pas comprendre que M. Alpha Condé nomme les mêmes personnes qu’il traitait de voleurs au temps du général Lansana Conté. Si on a réellement la volonté de faire des audits dans ce pays, il va falloir interroger ceux qui ont mis ce pays à genou, car ils sont responsables de la situation que nous vivons aujourd’hui.
Partagez-vous l’avis de ceux qui pensent que le président de la République a un agenda caché avec cette nomination de Dr Kassory Fofana?
Bien sûr qu’il veut un troisième mandat. J’ai d’ailleurs été arrêté pour ça. Lorsque j’ai décidé le 17 juillet 2017 de faire une marche contre les promoteurs d’un troisième mandat, beaucoup avaient crié, pour dire que c’était exagéré de ma part. Et je préviens, si Alpha Condé décide de faire un troisième mandat, il trouvera le peuple devant lui, et il aura la réponse qu’il mérite.
Merci monsieur.
C’est à moi de vous remercier.