Est-il possible d’organiser les élections législatives cette année? Au regard de l’évolution du calendrier électoral, il est évident que ce scrutin ne peut pas se tenir en 2019 en dépit des instructions données par le chef de l’Etat, Alpha Condé, au premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana. Et pour cause?
Les élections législatives qui, légalement, devaient avoir lieu depuis septembre 2018 pour permettre le renouvellement de l’Assemblée nationale qui continue de siéger sur la base d’un décret en violation de la Constitution, constituent une épine dans le pied de la Ceni obligée de fonctionner sur la base du consensus de la classe politique et incapable de dérouler son chronogramme à un an de la présidentielle de 2020.
Dans son adresse à la nation, mercredi 4 septembre 2019, Alpha Condé a invité l’ensemble des acteurs impliqués dans l’organisation des élections législatives à redoubler d’effort et à se mobiliser pour que les élections se tiennent cette année. «J’engage le Premier ministre et le gouvernement à soutenir et accompagner la Ceni et les acteurs électoraux afin de créer les meilleures conditions de préparation et d’organisation des scrutins attendus dans notre pays».
Mission impossible
Depuis un an et sept mois, les contentieux liés aux élections locales du 4 février 2018 ne sont toujours pas totalement évacués. Initialement prévues en septembre 2018, les législatives se font toujours attendre. Alors que conformément à l’article 68 de la Constitution, les députés auraient dû prendre fonction depuis le 5 avril 2019 qui coïncide au premier jour de la première session ordinaire de l’année dite Session des Lois. Son mandat expiré, l’Assemblée continue de siéger par décret du président de la République en violation de l’article 154 qui consacre le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs comme intangibilité constitutionnelle au même titre que la forme républicaine de l’Etat, de la laïcité, l’unicité de l’Etat, le nombre et la durée des mandats du Président de la République.
La Ceni prend la garantie, mais…
Malgré la garantie de la Ceni, au regard de l’évolution du processus électoral en cours, l’organisation des législatives cette année serait un miracle. Et pour cause? Au sortir de l’atelier de Kindia, le 5 mai 2019, la Ceni a donné un chronogramme électoral de 235 jours (7 mois 25 jours) avec un début des opérations tributaire de la levée des contraintes financières et techniques. Et à partir du 11 mai déjà, ce chronogramme ne permettait plus la tenue du scrutin en 2019.
A ce jour, 4 mois après la sortie de l’atelier de Kindia, la mise en place des démembrements, qui doit marquer le début du processus électoral, n’est toujours pas effective. Etant donné que l’installation des démembrements, du 25 au 9 septembre, constitue la première opération qui va déclencher le chronogramme des législatives et permettre à la Ceni de pouvoir dérouler les autres opérations liées au fichier au électoral. A savoir: la révision, l’affichage, la remontée des résultats, le réaffichage, etc. A partir de cette date, si on déroule le chronogramme de 235 jours, on en déduit que le scrutin législatif ne peut avoir lieu avant le 30 avril 2020.
Contentieux autour du fichier électoral
Le rapport d’audit du fichier électoral réalisé par les experts de l’Union européenne, de l’OIF et du PNUD avait noté un phénomène de sur-inscription apparente des électeurs de 150% dans les régions de Conakry, Nzérékoré, Kankan, Faranah et quelques cas à Labé. Une analyse de la base des données révèle que 1 564 388 soit 25,9% du fichier électoral de 2015 n’ont pas d’empreintes digitales. Ainsi que 77 % de l’électorat sont sans données biométriques.
Les experts avaient formulé 4 recommandations fortes. Notamment, à court terme: un contrôle physique de l’ensemble des électeurs. Si la mouvance présidentielle plaide pour une révision du fichier, l’opposition, quant à elle, défend le principe d’un nouveau recensement sous prétexte que sur les 77 recommandations du comité d’audit du fichier, 44 concernent l’inscription des électeurs et la base des données. Pour le parti au pouvoir un nouveau recensement coûterait un minimum de 40 millions Usd et estime donc que cela n’est pas faisable.
Du recrutement d’un nouvel opérateur technique
En ce qui concerne la procédure de recrutement d’un opérateur technique international, la pré-sélection jusqu’à l’exécution du marché, le délai est d’environ 170 jours contre environ 150 jours pour un opérateur local, selon le Code de passation des marchés publics. Entre les deux options, la Ceni propose d’introduire une demande de dérogation auprès du ministère de l’Economie et des finances afin de recruter un opérateur local dans un court délai. Ou alors qu’elle fasse, elle-même, le travail comme le lui confère l’article premier la Loi L044 l’instituant.
Si cette proposition agrée le parti au pouvoir, par contre, l’opposition désapprouve totalement ces deux propositions et accuse la Ceni de bâcler le travail sur le fichier en connivence avec le pouvoir.
Législatives et présidentielle: couplage et ou glissement
L’article 28 de la Constitution stipule que le scrutin pour l’élection du président de la République a lieu quatre-vingt-dix jours, au plus, et soixante jours, au moins, avant la date de l’expiration du mandat du président en exercice.
Après celui du 14 décembre 2015 où il avait fait une omission dans sa prestation, Alpha Condé avait repris son serment le 21 décembre 2015. Ceci dit: le 21 décembre 2020 marque la fin de son second et dernier mandat sachant que la prestation de serment, selon l’article 35 de la Constitution, marque l’entrée en fonction du président élu.
Donc, conformément à l’article 28 de la Constitution, cité ci-dessus, la présidentielle devra avoir lieu entre le 21 septembre et 21 octobre 2020.
Le même article précise également que le président de la République fixe le jour du scrutin au moins soixante jours avant celui-ci. Dans ce cas, Alpha Condé doit convoquer le corps électoral, au plutôt, le vendredi 24 juillet 2020, si la présidentielle était prévue le 21 septembre et, au plus tard, le dimanche 23 août 2020, si le scrutin est fixée au 21 octobre 2020.
Le syndrome Kabila
En Guinée, 2020 est une année électorale surchargée qui fait déjà penser à un possible couplage de la présidentielle et des législatives. Pour l’heure, les acteurs politiques et sociaux de tout bord confondu, ne semblent pas ce scénario est devenu presqu’inéluctable. Et dire que le syndrome congolais semble bien fonctionner en Guinée? Car, c’est à se demander, si l’Etat guinéen aura la capacité et ou la volonté de tenir ces deux échéances courant l’année prochaine. Ou s’il trouvera un prétexte de les repousser, à défaut d’un troisième mandat, pour s’offrir quelques années de glissement.