Déployé par l’Ufdg dans le cadre d’une mission de supervision de l’opération de recensement des électeurs à Kankan, Saikou Yaya Diallo a été arrêté pour avoir pris des images de l’enrôlement des enfants dans une Caerle. L’acte s’est passé, vendredi 29 novembre 2019, dans le quartier Missira situé dans la commune urbaine de Kankan.
Dans son témoignage, Saikou Yaya Diallo explique avoir été informé au lendemain de son arrivée à Kankan par les responsables de la fédération de l’Ufdg de l’enrôlement massif de mineurs dans les différentes Caerles.
“Nous avions appris qu’il y a une Caerle dans laquelle de citoyens venaient se faire inscrire à partir de 4h du matin pour qu’ils puissent se recenser au cours de la journée. C’est ainsi pour vérifier cela, le vendredi matin, je suis parti dans cette Caerle située dans le quartier Missira chez le chef de quartier. Je suis arrivé sur les lieux à 8h 30mn. Sur place, j’ai effectivement constaté un nombre important de mineurs garçons et filles dont certains détenaient de certificats de résidence et se faisaient enrôler. J’ai demandé à un membre de la Caerle pourquoi ils enregistraient les enfants, il m’a dit qu’ils ont 18 ans. Je leur ai demandé des preuves , ils m’ont dit qu’ils n’en avaient pas. Je leur ai dit d’arrêter et d’accepter de vérifier en demandant aux enfants d’amener leurs extraits de naissance. Ils ne m’ont pas écouté et je n’avais plus le choix que de prendre de photos en guise de preuve et pour pouvoir dénoncer cela”.
Les ennuis commencent
Au moment où il s’apprêtait à prendre sa moto pour poursuivre sa mission, poursuit-il, un groupe de jeunes l’interpelle en lui demandant pourquoi avoir pris leurs photos. “Je leur ai dit que je ne les ai pas photographiés. J’ai accepté de leur montrer tout en leur demandant s’ils voyaient leurs images. Ils m’ont dit non, mais que j’ai photographié les enfants. J’ai dit oui parce que vous-mêmes, vous avez dit des enfants et ce n’est pas normal puisque la loi ne les autorise pas en tant que mineurs de s’enrôler. Ils m’ont demandé d’effacer les photos, j’ai dit tout sauf ça”.
“Nous allons te tuer”
“C’est ainsi, ils se sont attaqués à moi. Dans la bagarre un d’entre-eux, a pris mon téléphone dans ma poche et l’a remis au fils du chef de quartier et je l’ai aussitôt pris au collet. Ils ont dit “si tu ne fais pas attention, nous allons te tuer”. Je leur ai dit “tuez moi”, et le monde saura que vous m’avez tué parce que j’ai essayé de vous empêcher d’enrôler de mineurs. Cela a coïncidé a l’arrivée d’un policier par hasard qui était venu pour faire viser une convocation chez le chef de quartier. Ils l’ont appelé. L’adjudant est venu nous départager et à repris mon téléphone et les clés de ma moto. Ensuite, il m’a demandé de montrer les photos, je l’ai fait. Quand il les a visualisées, il m’a demandé pourquoi j’ai photographié les enfants, je lui ai dit que ces enfants n’ont pas 18 ans et donc, ils ne devraient pas se recenser”.
C’est ainsi que l’agent de police décide d’arrêter Saikou et de l’emmener avec 5 autres jeunes chez le chef secteur où un autre policier l’attendait. “Cet autre policier que nous avons trouvé chez le chef secteur m’a demandé qui j’étais et j’ai dit que je représentais un parti politique. Il a demandé mon ordre de mission, je l’ai présenté. Ensuite, il me dit vous êtes venus empêcher les gens de s’enrôler. C’est ainsi le chef secteur m’a dit “ilé gnamogödhén” et j’ai répliqué aussi”.
La garde a vue
L’affaire est transportée à la sûreté régionale où Saikou est présenté à un inspecteur. “Furieux qu’il était, il m’a dit on vous connait vous voulez empêcher les gens de s’enrôler. Je lui ai demandé de rectifier cette phrase en lui disant que nous empêcherons plutôt l’enrôlement des enfants par tous les moyens légaux. Après ça, il ordonne à ce qu’on me fasse descendre au poste pour me placer en garde à vue dans le violon jusqu’à midi et demi avant de me faire monter dans le bureau du colonel qui est le directeur régional de la sûreté. Celui-ci m’a brièvement interrogé et demandé d’effacer toutes les images. Il m’a ensuite conduit dans un autre bureau pour m’auditionner avant de me mettre à la disposition d’un doyen, et l’ont dit qu’il devrait me ramener à chaque fois qu’ils auraient besoin de moi”.
Malgré cette mésaventure, Saikou Yaya Diallo poursuit toujours sa mission à Kankan. La Ceni a annoncé avoir pris des mesures pour identifier les auteurs de l’enrôlement de mineurs dans les Caerles.