Le gouvernement guinéen a présenté ce vendredi 31 octobre 2025, devant le Conseil National de la Transition (CNT), son projet de loi de finances rectificative (PLR 2025). Ce texte revoit à la hausse les prévisions budgétaires de l’État en raison des pressions économiques, du contexte international tendu et des nouvelles priorités politiques liées à la transition.
Selon les chiffres communiqués par le ministre du Budget, Facinet Sylla, les dépenses publiques s’élèvent désormais à 53 394 milliards GNF, soit une hausse de 22,8%, tandis que les recettes sont portées à 43 063,46 milliards GNF, en augmentation de 22,4% par rapport à la loi de finances initiale (LFI). Ce réajustement creuse le déficit budgétaire à 10 330,5 milliards GNF, soit 4,0% du produit intérieur brut (PIB), contre 3,1% initialement prévu.
Pour justifier ce réajustement, le ministre du Budget a évoqué une série de facteurs, à la fois internationaux, régionaux et nationaux, qui ont bouleversé les équilibres économiques depuis le début de l’année.
Sur le plan international, la poursuite du conflit russo-ukrainien, les tensions au Proche-Orient et la hausse des barrières commerciales imposées par les États-Unis ont contribué à ralentir la croissance mondiale et à accroître les coûts des importations.
Au niveau régional, les dépenses sécuritaires croissantes, les effets du changement climatique et la diminution de l’aide extérieure ont fragilisé les économies ouest-africaines, entraînant des taux d’inflation supérieurs à 10% et des réserves de change inférieures à trois mois d’importations.
Elections et nouveaux ministères
Sur le plan national, plusieurs priorités non prévues dans le budget initial ont pesé sur les finances publiques. Il s’agit notamment :
du référendum constitutionnel du 21 septembre 2025,
de la préparation des prochaines élections,
de la création de cinq nouveaux ministères,
et de la poursuite des travaux liés au projet minier de Simandou.
À cela s’ajoutent plusieurs dépenses exceptionnelles :
700 milliards GNF pour le financement du chronogramme de la transition,
400 milliards GNF pour la gratuité de la Carte Nationale d’Identité et de l’extrait de naissance biométrique,
109 milliards GNF pour l’indemnisation des victimes du 28 septembre 2009,
et le paiement des arriérés de l’État à hauteur de 2 439 milliards GNF.
Le ministre Sylla a également signalé le report d’un appui budgétaire de 1 638,3 milliards GNF attendu du FMI et de la Banque mondiale, en attente de la conclusion d’un nouveau programme économique et financier.
Malgré ces défis, le gouvernement met en avant la bonne tendance de la mobilisation des recettes. Celles-ci sont désormais estimées à 43 063,46 milliards GNF, tirées principalement par :
une hausse de 46% des recettes douanières,
et une progression de 11,5% des recettes fiscales.
La pression fiscale s’établit ainsi à 15,6% du PIB, contre 12% initialement.
Pour soutenir le pouvoir d’achat, deux mesures d’allègement fiscal ont été introduites :
1. L’exonération de la TVA et la réduction des droits de douane sur les véhicules neufs et leurs accessoires ;
2. L’exonération de la TVA et la réduction des droits de douane sur certains équipements électriques.
Dépenses d’investissement et poids de la dette
Les dépenses totales s’élèvent à 53 394 milliards GNF, soit une augmentation de 22,8%, portée essentiellement par la hausse des dépenses d’investissement (+29,9%). Ces dernières représentent 39,4% du total et sont financées à 76,1% par des ressources intérieures.
Les dépenses courantes progressent de 18,6%, sous l’effet de la hausse des intérêts de la dette intérieure (+66%) et des achats de biens et services (+53%).
Un déficit de 10 330,5 Mds entièrement couvert
Avec des dépenses dépassant les recettes de 10 330,5 milliards GNF, l’État affiche un déficit équivalant à 4% du PIB. Le ministre du Budget a toutefois assuré que ce trou budgétaire est intégralement financé par des ressources identifiées d’un montant total de 28 554,4 milliards GNF, dont :
8 685,0 milliards GNF en bons du Trésor,
8 000,0 milliards GNF en obligations du Trésor,
6 326,8 milliards GNF en titres d’État,
4 031,2 milliards GNF d’emprunts extérieurs,
et 1 211,4 milliards GNF d’avance de la BCRG.
L’amortissement du principal de la dette est, quant à lui, évalué à 18 223,9 milliards GNF.
Sur le plan macroéconomique, les indicateurs demeurent globalement stables :
le taux de croissance du PIB est relevé de 7,0% à 7,2%,
l’inflation moyenne annuelle recule de 6,0% à 5,0%,
et le taux de change du franc guinéen reste stable, autour de 8 500 GNF pour 1 dollar américain.
Mais derrière ces chiffres encourageants, la hausse du déficit et la dépendance accrue aux emprunts rappellent la fragilité de l’équilibre budgétaire du pays.
La loi de finances rectificative 2025 illustre les efforts du gouvernement pour adapter le budget national aux réalités économiques et aux priorités politiques du moment. Mais le creusement du déficit, estimé à 10 330,5 milliards GNF, souligne les limites d’une économie encore trop exposée aux chocs extérieurs et à la dépendance financière.