La journée du 8 mars, selon l’ancienne ministre de la Citoyenneté et de l’Unité nationale, devrait être mise à profit pour les femmes, de faire le bilan, d’évaluer les performances au cours de l’année et d’essayer de déceler les points faibles, rectifier le tir pour l’année suivante et aussi de consolider les points forts. La période devrait en outre être ce moment en vue de féliciter celles qui le méritent et encourager celles qui doivent fournir beaucoup d’efforts. Au cours d’un entretien qu’elle a accordé à Guinee360, Dr Zalikatou Diallo a également invité ses collègues femmes à poursuivre la lutte afin de se faire de la place dans les instances de prise de décisions.
Guinee360.com: Le 08 mars est un jour de reconnaissance des droits de la femme pour certains, et pour d’autres, une période de célébrer les bravoures de cette couche, comme c’est le cas en Guinée. Vous particulièrement, qu’est-ce que cette date vous dit ?
Dr Zalikatou Diallo: La journée du 8 mars, à mon humble avis, est une date qui mérite d’être prise en compte dans la mesure où cela doit permettre à la junte féminine d’évaluer les performances au cours de l’année et d’essayer de déceler les points faibles, rectifier le tir pour l’année suivante et aussi de consolider les points forts, féliciter celles qui le méritent et encourager celles qui doivent fournir beaucoup d’efforts. Ceci est très important. Donc depuis que le 8 mars a été déclaré par les Nations unies en 1977, comme journée internationale des droits de la femme, cela a interpellé tous les États à ne rien ménager pour prendre en compte la dimension genre dans les politiques et programmes de tous les pays. Et notre pays n’est pas en reste. Ce que les gouvernements qui se sont succédé ont fait des multiples efforts dans ce sens pour parvenir à la promotion et aussi l’automatisation des femmes.
D’aucuns pensent que la date du 08 mars et par ailleurs, tout le mois de mars, devrait être une période où il faut plutôt faire le bilan des difficultés rencontrées par les femmes dans les foyers, dans leurs lieux de travail, etc. Etes-vous d’avis ?
Effectivement, il faut que les femmes fassent le bilan. Mais il faut aussi se remettre en cause pour voir ce qui a marché et ce qui n’a pas marché au cours de l’année pour pouvoir planifier des nouvelles stratégies, beaucoup plus porteuses. Mais aussi, vous savez certaines institutions, des organismes en profitent pour donner des distinctions aux femmes. Celles qui ont eu à faire des activités remarquables au cours de l’année. Ces institutions sont plus en plus nombreuses à donner des prix, des distinctions aux femmes. Et nous venons par exemple, il y a trois jours, de vivre l’organisation de la COP-Guinée qui a décerné 100 femmes influentes de l’Afrique de l’Ouest et de la Guinée des prix. J’en profite pour les remercier, parce que je fus choisie également parmi toutes ces dames pour pouvoir bénéficier de ces prix. Cela nous donne encore envie de redoubler d’ardeur dans le travail. Et j’en profite pour remercier les 99 autres récipiendaires de ce prix et les encourager à redoubler d’efforts et à encourager d’autres aussi à faire mieux.
Pour vous, ce mois ne devrait pas seulement être consacré à la fête de grandes messes à travers le pays ?
Tout à fait. Ce n’est pas en fait une célébration, des fêtes de réjouissances. Non. Le chemin est encore long. Ce qui a été fait n’est pas négligeable. Il y a eu beaucoup d’acquis, il faut le reconnaître, mais le chemin est encore long avant l’attente de l’égalité de sexes. Parce qu’il y a tout un programme dans les pays, les communautés pour l’attente des objectifs du développement durable à l’horizon 2030. Et l’Union africaine aussi à son agenda 2020-2060 avec l’aspiration qui concerne les femmes, les jeunes et le bien-être des enfants. Et je pense que tout ceci est important, et même quand on prend aujourd’hui le thème retenu cette année «l’avenir est féministe ». Cela veut dire tout simplement que les femmes ont un potentiel démographique important, plus de la moitié de l’humanité. Malheureusement, sur le plan de la représentativité au niveau des instances de prise de décisions notamment en Guinée, les résultats sont en deçà des attentes jusqu’ici. Donc il y a beaucoup d’efforts à fournir. Alors si l’avenir est féministe, ça veut dire que si tous les programmes, les politiques mises en place à travers le monde au niveau des gouvernements, des institutions nationales et internationales, de la société civile de tous les mouvements féministes, réussissent cela va se vérifier, l’avenir sera féministe.
Qu’est-ce que vous recommandez dans la lutte contre la résurgence des cas de viol dont les femmes sont victimes dans le pays?
Les études ont montré que dans la violation des droits de l’homme en général, les femmes sont les plus concernées. Et d’autres études ont prouvé que sur trois femmes à travers le monde au moins une a subi des violences physiques, verbales émotionnelles ou sexuelles dans sa vie. C’est ce qui n’est pas négligeable. C’est pourquoi des dispositions doivent être prises pour pouvoir inverser cette tendance. C’est très important. On se bat pour cela à travers les lois, l’amélioration du cadre légal. Et malheureusement la recrudescence du viol à travers notre société, ceci est regrettable. Des dispositions doivent être mises en place pour inverser la tendance. C’est l’effort de tout le monde. Les sensibilisations à tous les niveaux : l’éducation sexuelle, des uns et des autres pour pouvoir complètement éradiquer ce fléau dans notre pays.
Vous avez été, à moment donné, l’une des femmes parmi tant d’hommes dans les instances de prise de décisions. Je rappelle que vous avez été députée, avant d’être ministre de la Citoyenneté et de l’Unité nationale. Vous êtes aussi membre du COCAN. En réalité, vous êtes une inspiration pour de nombreuses filles et jeunes femmes de la nouvelle génération de notre pays. Avez-vous des secrets à livrer à ces gens-là ?
Honnêtement, je n’ai pas de secret. Mon seul secret, c’est de travailler, aimer ce qu’on fait, et être animé d’une chose primordiale, vouloir servir sa nation, la collectivité. Ceci doit nous animer à tout moment. Et c’est ce qui m’anime à tout instant. C’est pourquoi j’évolue dans plusieurs secteurs. Au-delà de ma profession de médecin, j’ai été dirigeante sportive avant d’être politicienne. J’ai été députée du parlement guinéen, du parlement panafricain avant d’être ministre. Et maintenant je suis présidente de la coalition de femmes parlementaires et actrices pour la paix, le droit et le développement de la Guinée qui est une plateforme que nous animons pour continuer vraiment à prôner l’égalité des sexes, à défendre les droits de femmes, des enfants, des personnes vulnérables à travers la CFEPAD-Guinée que j’ai l’honneur de présider. Et aussi au cours de cette transition continuer à exhorter les autres de la transition pour que dans les textes législatifs qui vont être élaborés que la prise en compte de la dimension genre soit effective. Parce que nous avons eu des avancées significatives dans les textes de lois qui ont été surtout cette constitution qui est suspendue. Alors si on doit la réécrire, on souhaite que ces acquis-là soient préservés et consolidés.
Sur le plan politique, qu’est-ce qui manque à la femme guinéenne d’être à la tête de la Guinée, 64 ans après notre indépendance ?
Je pense que progressivement les femmes guinéennes ont des atouts. Ces derniers temps, il faut reconnaître que le verrou de la femme politique a sauté depuis 2010 avec la première femme de l’histoire de la Guinée candidate à l’élection présidentielle, Hadja Saran Daraba Kaba, suivie en 2015 Marie Madeleine Dioubaté. Et en 2020, vous avez vu deux autres femmes Dr Makalé Traoré et Makalé Camara candidates. Donc, elles ont eu certes des résultats en deçà de l’attente par rapport à leurs collègues masculins, mais il faut un début. Je pense que progressivement, si les formations politiques à forte audience décident un jour de porter un jour une femme à la tête de leur formation politique pour être candidate à l’élection présidentielle, une femme peut être belle et bien diriger ce pays. C’est possible. Mais tout dépend des formations politiques. Parce que les partis où elles sont présidentes sont des partis à faibles audiences pour le moment. Mais peut-être avec le temps, les générations futures comprendront qu’on peut faire confiance à une dame. […] On a vu en Afrique, Hélène Johnson Searlief du Liberia. Elle a eu deux mandats, avec le prix Nobel de la paix, primée avec lorsqu’elle a quitté volontairement le pouvoir après ces deux mandats avec le prix Mo Ibrahima pour la bonne gouvernance. C’est un exemple qu’il faut magnifier. Actuellement avec la présidente de la Tanzanie qui termine le mandat du président de la République. Il y a celle du Centrafrique qui a été présidente de la Transition, Catherine Samba Panza. Et elles s’en sortent bien. Moi, je pense qu’un jour, ça pourra arriver en Guinée. Peut-être pas maintenant, mais un jour ça peut arriver. Parce ce que de plus en plus elles sortent, se battent pour perforer ce plafond de verre.
Après plusieurs années de carrière politique, est-ce qu’on peut s’attendre un jour Dr Zalikatou Diallo à la tête d’une formation politique ?
Tout dépend des circonstances. J’appartiens à une formation politique. C’est au parti un jour de décider. Mais, moi de toute façon, mon seul objectif, c’est de participer au développement socioéconomique de mon pays. C’est pourquoi je milite au sein d’un parti politique de mon choix dont je défends le programme de société, les leaders à qui on croit aux instructions constructives de la Guinée. Notre guide éclairé que nous soutenons.
Quels messages avez-vous à lancer à l’endroit des femmes guinéennes ?
Je demande tout simplement aux femmes guinéennes de continuer la lutte jusqu’à ce qu’on puisse gravir tous les échelons. Franchir également tous les obstacles. Qu’on continue à se donner la main surtout une solidarité sans cesse croissante entre nous les femmes. Toute obédience confondue pour qu’on se donne la main et que nous conjuguions le même verbe concernant la défense de nos droits, des femmes, des enfants et des personnes vulnérables.
Entretien réalisé par Amadou Tidiane Diallo