Le président a accordé une interview exclusive à la chaîne Al-Jazira, pour tenter d’éteindre l’incendie anti-français qui embrase le monde arabe.
Quand les peuples sont instrumentalisés, alors c’est aux peuples qu’il faut s’adresser. Alors que des dizaines de milliers de personnes défilaient vendredi au Bangladesh, au Pakistan, au Maghreb, brûlant des effigies d’Emmanuel Macron et appelant au boycott de produits français, le président a accordé, pour la première fois depuis le début de son quinquennat, une interview exclusive à la chaîne de télévision Al-Jazira, l’une des plus regardées au Moyen-Orient. Un exercice difficile, « courageux », pour son entourage, mais surtout nécessaire : « On se rend compte que, depuis le discours des Mureaux, il y a eu énormément de déformation et de manipulation de ses propos. »
Dans des extraits diffusés en arabe par la chaîne, le président défend les positions de la France en faveur de la laïcité, tout en appelant à l’apaisement. « Je comprends les sentiments des musulmans à propos des caricatures », y déclare Emmanuel Macron, qui se veut pédagogue : « Les caricatures ne sont pas un projet gouvernemental, mais plutôt émané de journaux libres et indépendants qui ne sont pas affiliés au gouvernement », explique-t-il. « Je pense que les réactions étaient dues aux mensonges et aux fausses déclarations, et parce que les gens ont compris que je suis en faveur de ces caricatures. »
« Des milliers et des milliers de menaces de mort »
L’entretien de 55 minutes sera diffusé à 17 heures, comme une réponse aux chefs d’État, dignitaires, personnalités qui ont ces derniers jours violemment accusé d’« insulter les musulmans » du monde entier, du président turc Erdogan au Premier ministre pakistanais Imran Khan, accusant Emmanuel Macron d’« attaquer l’islam ». Sur Twitter, l’ex-Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a carrément écrit que « les musulmans avaient le droit de tuer des millions de Français pour les massacres passés ».
Un appel en règle au djihad, que le réseau social mettra de longues heures à supprimer. Vendredi, le champion du monde poids légers d’arts martiaux mixtes, le Russe Khabib Nurmagomedov, s’en est pris à Emmanuel Macron et à ses « disciples ». « Que Dieu déshonore le visage de cette bête et de tous ses disciples qui, sous la bannière de la liberté d’expression, offensent les sentiments de plus de 1,5 milliard de fidèles musulmans », a-t-il écrit sur son compte Instagram, suivi par 25 millions de fans.
« Dans certains pays, sa photo a été imprimée et étalée dans les rues pour que les gens s’essuient les pieds dessus », s’alarme une source à l’Élysée. Qui redoute que cette flambée de haine et d’incompréhension provoque d’autres drames. « Depuis que nous avons tweetté en arabe notre soutien aux valeurs de liberté d’expression, nous recevons des milliers et des milliers de menaces de mort. »
Un gardien du consulat de France en Arabie saoudite a été attaqué au couteau jeudi, et le consulat de France à Alexandrie a été attaqué. Rassemblé vendredi autour du président, au lendemain de l’attentat sanglant de Nice, le conseil de défense a décidé de renforcer la sécurité autour des représentations françaises à l’étranger.
Source: Le Point