Membre du Programme démocratique sans violence: baïonnette intelligente, Mamadou Kaly Diallo regrette que la torture persiste en Guinée malgré la ratification de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention contre la torture du 26 juin 1987 et l’adoption en 2016 du nouveau Code pénal interdisant la torture. L’activiste des droits humains exhorte les autorités à punir les auteurs des pratiques de la torture.
Interview!
Guinee360: Le 26 juin de chaque année est célébrée la journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture. Parlez-nous de cet événement?
Mamadou Kaly Diallo: La résolution 52/149 du 12 décembre 1997, l’Assemblée générale des Nations unies a proclamé la date du 26 juin comme étant la journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture pour éradiquer totalement cette pratique dans le monde et d’assurer l’application effective de la Convention contre la torture. Si bien que cette convention qui tire son origine dans la Déclaration universelle du 10 décembre 1948 à travers l’article 5 qui stipule que nul ne doit être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Maintenant, en vertu du droit international, la torture qu’elle soit systématique ou généralisée constitue un crime contre l’humanité. Malgré cette interdiction absolue à travers le monde, si bien qu’il y a 162 Etats ayant ratifié cette Convention, la torture persiste partout. Le cas le plus récent et illustratif c’est celui du George Floyd aux Etats.
Quels sont les éléments constitutifs de la torture?
La torture vise à briser la personne humaine et porte atteinte à sa dignité. Si les définitions de la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention contre la torture mentionnent les éléments constitutifs comme l’implication directement ou non d’un préposé de l’Etat qui agit avec ses fonctions officielles, la définition de la torture a connu une évolution avec le Pacte relatif aux droits civils et politiques en son article 7 qui prend dispose que même à titre privé une torture peut être infligée à une personne. L’objectif visé par cet arsenal juridique c’est de protéger l’intégrité physique et mentale et la dignité de la personne humaine.
Qu’en est -il de la Guinée?
A l’image des toutes les régions du monde, la torture existe en Guinée. Les moyens le plus souvent utilisés sont les questions de frontières, de sécurité nationale. Il y a plusieurs décennies, la Guinée avait ratifié la Convention contre la torture du 26 juin 1987. Il a fallu l’arrivée de Me Cheick Sako au ministère de la Justice en 2015 pour qu’il y ait l’introduction de cette Convention dans les lois guinéennes. Avec le nouveau Code pénal et de procédure pénale, la pratique est clairement définie et punie. Les peines sont connues et elles partent de 10 ans jusqu’à la perpétuité. C’est une avancée, ne serait-ce que théorique, en matière de lutte contre la torture en Guinée. L’autre élément c’est que la torture est souvent observée pendant les phases d’enquêtes et plus souvent pendant les délais de garde à vue au niveau des commissariat et des escadrons. Mais, il y a quand même un léger progrès par rapport au respect du délai de garde à vue. Je ne dis pas que c’est strictement respecté, mais nous tendons de plus en plus vers le respect du délai légal de 48 heures. Il peut être aussi prolongé, mais selon les règles requises dans ce sens.
Beaucoup de membres du Fndc arrêtés ont témoigné avoir subi des actes de torture. Qu’en savez-vous?
Je vais citer l’exemple de ce jeune arrêté le 11 février de façon illégale, d’autres avaient même été arrêtés à des heures qui ne sont pas appropriées ensuite déportés au camp de Soronkoni qui n’est pas un lieu indiqué pour les gardes à vue. Ils ont été détenus dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant un mois et 3 semaines avant d’être ramenés et jetés au Km36. Cela porte atteinte à la dignité humaine, et vise à instaurer la peur et la terreur chez la personne. C’est une forme de torture à la fois physique et mentale. Souvenez de Mme Bah utilisée comme bouclier par des policiers à Wanindara. C’est un cas illustratif. Il y a eu beaucoup de témoignages des membres du Fndc qui ont été arrêtés. Cela veut dire que la Guinée la pratique existe et persiste malgré l’interdiction absolue de la torture à travers le monde.
Est-ce qu’il y a de voies de recours ?
Aujourd’hui, il y a des ONG nationales et internationales de défense des droits de l’homme qui œuvrent dans ce sens. En tant qu’Ong des droits de l’homme, quand il y a des violations c’est de les documenter pour ensuite d’aller vers les autorités compétentes pour qu’il y ait justice. Le plus souvent, nous accompagnons ces victimes à porter plainte. Si ça ne prospère à l’interne, le plus souvent, nous saisissons les juridictions internationales. Vous avez le cas de Diogo qui avez été torturé à Kakimbo, dans son verdict, la justice de la Cedeao a condamné l’Etat guinéen pour une réparation. C’est important que la justice guinéenne rassure que de telles pratiques doivent cesser et qu’elle soit très rigoureuse par rapport au respect des normes juridiques édictées dans ce sens.
Votre message à l’endroit des autorités ?
Les caractéristiques fondamentales des droits de l’homme c’est le respect de la dignité humaine, le respect de la personne humaine. La pratique de la torture vise à briser cela. Ce que j’aurai à demander aux autorités c’est de dire que les tortionnaires ne devraient pas échapper aux conséquences de leur crime. Tous les systèmes qui permettent les pratiques de la torture doivent être démantelés ou transformés pour parvenir à l’idéal de la déclaration universelle des droits de l’homme.