Quel est votre dernier mot pour clôturer cette interview ? C’est la question que posent beaucoup de journalistes à des invités afin de leur donner une occasion de faire un sommaire de leur message vers la fin d’un entretien. Et là l’invité donne souvent le meilleur de soi. (Tribune)
La réponse en 2009 d’un certain Alpha Condé, candidat parmi les 24 aux élections présidentielles à une telle question me donna à réfléchir : « Je suis prêt. Je passerai par tous les moyens pour accéder au pouvoir».
J’ai tremblé lorsque le journaliste lui dit tout simplement merci M Alpha Condé. Tout comme le journaliste, ni l’opposition, ni le peuple n’eut un commentaire sur une éventuelle menace que cacheraient ces propos.
Jusqu’où Alpha Condé était prêt me demandais-je ? Ma réponse resonnait dans ma tête des jours, des semaines entières : «prêt … par tous les moyens ». J’ai juste longuement pleuré la Guinée, l’inattention du monde, et la position du candidat franco-guinéen qui s’apprêtait à nous diriger bon gré mal gré. Je crois avoir blâmé tous les anciens présidents qui ont installé la peur et ridiculisé le système éducatif ayant conduit à l’aveuglement de tout un peuple incapable d’interpréter des messages politiques et de s’opposer à une sérieuse menace qui pourrait tout détruire. J’en avais pleuré encore car, Alpha partait d’un media à un autre pour jurer qu’il trouvait les Peulhs bons pour leur «intelligence et leur pouvoir économique » et qu’il fallait tout faire pour les empêcher d’avoir le « pouvoir politique ». Alpha enrôlait des fidèles sans vision aucune par ses sermons et évidemment, il polluait ainsi graduellement la quiétude sociale qu’a toujours connue la Guinée.
Virevoltant comme lui seul sait le faire, Alpha continua sa pollution politique par les médias et annonça plusieurs fois qu’une fois élu il allait retirer le commerce des mains des « Peulhs».
Et alors, une campagne de sabotage des importations et micro-industries «Peulhs» suivit le propos et le grand marché de Madina dont environ les trois quarts sont occupés par des Peulhs subit des pillages orientés et répétés. Le candidat ne s’arrêta malheureusement pas à ce niveau. Il sut manipuler ses «oncles» de la Basse Guinée par une vaste distribution de sacs de riz et de l’argent (chose qu’on voit aujourd’hui encore) et leur promis éternellement la primature s’il était élu (la seule promesse qu’il a tenue de sa présidence).
Les élections présidentielles passèrent avec toutes les manipulations de notre bonhomme et il accéda banalement au pouvoir malgré qu’il soit arrivé en troisième position à l’issue du premier tour. La France, l’UA, la CEDEAO, et le gouvernement de transition, par les manigances de ce type, firent croire à tout le monde que s’ils ne nous imposaient pas Alpha malgré sa cuisante défaite aux élections, que celui-ci allait bruler la Guinée.
Tout de même, ils firent l’effort de lui faire prendre l’engagement selon lequel il allait céder le pouvoir après un mandat ou deux à travers une élection enfin transparente. C’était sans savoir que le diable venait de couvrir les nuages au-dessus de nos têtes.
Avec plus de 20 voyages par mois, sa première année d’exercice ne fut pas rose. Juillet 2011 notre bonhomme se rendit compte que les choses ne bougeaient pas du tout et que ce poste (premier emploi de sa vie) était d’un certain poids difficile à supporter. Il inventa alors un coup d’Etat et le géra à sa manière pour inviter la communauté internationale à lui financer une politique de «réforme» de l’armée.
Personne ne sut qu’il voulait juste se débarrasser d’une partie des patriotes qui avaient de près ou de loin observer ses manèges politiques pour accéder au pouvoir. Avec la même reforme, le général de l’armée qui lui fit cadeau du fauteuil présidentiel fut envoyé en mission (onusienne) à l’étranger pour toujours, et le capitaine qui croyait avoir tout compris de la politique Guinéenne en 2009 fut gardé éternellement en convalescence au Burkina Faso à la solde de l’Etat. Personne ne sut que l’argent qui venait de tout bord, parallèlement, alimentait la corruption et facilitait l’enrôlement clando-officiel au sein de l’armée Guinéenne des chasseurs Dozo recrutés de partout jusqu’en Côte-d’Ivoire, au Mali et au Burkina.
Et l’aventure Guinéenne continua tout bonnement!
Octobre 2012 notre Alpha historique dit dans une adresse à la nation à l’occasion de la fête de l’indépendance que «d’ici 6 mois personne ne parlera d’opposition en Guinée». En voici d’autres propos qui dénotèrent l’homme mais, ne secouèrent d’un iota ses challengers de l’opposition. Le peuple ? Le peuple croyait ne pas avoir à s’inquiéter encore.
Notre bonhomme enrôla de petits opposants comme ministres ou conseillers afin de dire au monde entier qu’il ouvrait la porte à l’opposition démocratique et ceci fit taire ceux-là et donc les rendit incapables de dénoncer la gabegie qui les tenaillait et de laquelle ils dépendaient entièrement. Passée de diffamation à diffamation, notre opposition perdit la confiance générale de la nation entière mais, le vaillant peuple ne sut pas aimer en contrepartie notre Alpha non plus. Un de gagné, un de perdu me disais-je.
Alpha ne desserrait pas et voulait absolument neutraliser l’opposition à sa façon avant aujourd’hui! Il fit tout mélanger à la cour et à la CENI et resta de marbre comme si de rien n’en était.
Et en 2014, il lâcha une vague de ministres de chasse au terrain médiatique acquis à sa cause obscure et leur fit dire que des élections présidentielles prévues en 2015 il n’en ferait qu’un coup KO et que c’étaient les élections en 2020 qu’ils planifiaient déjà.
Ce fut sans surprise lorsqu’en 2015 effectivement la France, l’UA et la CEDEAO financèrent, supervisèrent ou validèrent des élections encore truquées, les plus sales de l’histoire de la Guinée qui le reconduisirent au fauteuil présidentiel. Il n’y avait vraiment aucune surprise quand on sait que si de dehors en 2010 notre suppôt français avait su manipuler le gouvernement Guinéen et se faire élire, de dedans il n’en ferait qu’un tour de passe-passe. Quelques jours seulement après sa reinvestiture, il nous manda de resserrer une ceinture déjà trop serrée. Ainsi dit, ainsi fait.
Les rumeurs continuèrent de plus bel quant à ses intentions non fondées de s’éterniser au pouvoir jusqu’en septembre 2019.
Monsieur Condé annonça enfin tout haut ce qu’il faisait faire dire tout bas à ses ministres et députés de chasse depuis plus de 3 ans. Il ne choisit pas New York par hasard et nous dit : «soyez prêts pour les élections et le referendum, …que ceux qui n’ont pas de cartes (d’identité … d’électeurs) se fassent recenser, … ». J’étais déçu, pas surpris. Cet autre grave propos cachait paraboliquement l’information selon laquelle un recensement était déjà en cours de préparation. Tout le monde sait qu’un recensement mal fait conduit toujours à une élection mal faite et à des résultats contestables. Tout le monde sait que notre fichier électoral que ce bonhomme de président a fabriqué en sa faveur ne peut servir à tenir aucune élection transparente même communale.
Tout le monde sait qu’il y a un manque crucial de pièces d’identité en Guinée et que si vous ne les avez pas vous ne pouvez ni vous faire recenser encore moins voter. Tout le monde sait que ces recensements clando-officiels sont monnaie-courante chez nous depuis l’arrivée de M. Condé à la tête du pays et qu’ils sont très sélectifs. Tout le monde dit non à une Constitution et à un éventuel referendum déjà engagés par des experts nationaux et étrangers aux dires du ministre démissionnaire de la justice d’il y a quelques mois.
Et voilà la Guinée qui replonge banalement dans ses années 2005-2006 avec des manifestations et des morts tués par l’armée prési-républicaine.
Il y a seulement quelques mois notre bonhomme avait dit que «les militaires ne devraient pas aller réprimer une manifestation sans arme» à la main. Et bizarrement, il insista devant les médias étrangers que «partout où il y a eu changement de Constitution, il y a eu des morts mais que ça avait réussi». On comprend bien comment Alpha compte faire réussir son changement constitutionnel et on peut bien s’imaginer jusqu’où ira-t-il. On voit bien que le Guinéen ne doit pas que compter sur la rue pour renverser ce système anti-démocratique radiculaire qui nous divise, par tous ses moyens.
Abdoul K Diallo Nostalgique de l’Axe Bambeto-Cosa