Depuis le début du mois de juin, le Leppi est au centre d’une polémique suite à l’augmentation brusque et vertigineuse de son prix sur le marché. Certains accusent les vendeurs de mauvaise foi et, partant, invite au boycott du textile. Pour en savoir davantage, nous avons approché les vrais acteurs du secteur qui nous ont révélés une troublante réalité.
Jusque-là vendu entre 45.000 et 50.000 Gnf le pagne, le Leppi a connu en juin une hausse brusque et vertigineuse de son prix entre 115.000 et 165.000 Gnf. Cette augmentation a suscité la polémique à tel point que certains ont appelé au boycott du tissu accusant les vendeurs de mauvaise foi dans la fixation du prix.
Tout est parti d’une campagne de promotion du textile guinéen sur les réseaux sociaux invitant les citoyens à se vêtir du Leppi pendant la prochaine fête de Tabaski. Aussitôt, le tissu est devenu rare et trop cher sur le marché. Si certains justifient cette cherté par la loi du marché reposant sur l’offre et la demande, d’autres accusent les vendeurs de mauvaise foi.
Appât du gain? La demande supérieure à l’offre? Et ou les deux à la fois? Qu’en est-il réellement?
Pour Mamadou Saliou Diallo, directeur général de la société de fabrique de Leppi, Artex, l’augmentation du prix est due par le fait que le tissu n’existait qu’en petite quantité. «S’il n’y a pas de tisserands, il n’y a pas de Leppi. Nous manquons de tisserands. A défaut de pouvoir vivre de leur métier de tisserand, la plus part d’entre eux est parti dans les mines d’or de Siguiri ou du Sénégal et d’autres s’occupent des travaux champêtres pour subvenir aux besoins de leurs familles», explique-t-il.
A côté de la rareté du textile, des vendeurs rencontrés au marché Niger expliquent l’augmentation des prix par l’immixtion dans la vente du Leppi de certaines personnes poussées par l’appât du gain : «Il y a eu de gens qui se sont introduits dans le marché au Fouta pour augmenter le prix de la teinture».
Les matières premières
Maladho Condé est une vendeuse de Leppi, une activité qu’elle a héritée de ses parents. Selon elle, le Leppi provient principalement des préfectures de Mali, de Pita et de Koïn dans Tougué. «Le Coton, principal composant du Leppi est vendu à 3.000. 000 Gnf le ballon de fil. Un seul commerçant a le monopole de ce marché en Guinée. Donc, il fixe le prix à sa guise», déplore un professionnel du métier sous anonymat.
Il faut savoir que le textile est fabriqué à la main avec du coton venu de la Côte d’Ivoire et du Mali. Après le tissage en Moyenne Guinée, il est teint en bleu et noir avant d’être mis sur le marché à Labé, Conakry et ailleurs.
Depuis Labé où il s’est établi, le mis en cause, Thierno Ousmane Diallo, nie toutes les accusations portées à son encontre. Il se défend: «Le ballon de fil de coton est vendu à 2.000.000 Gnf. Je ne suis pas le seul vendeur. Il y a deux groupes de vendeurs. La plupart du temps, nous donnons le coton à crédit aux tisserands puisqu’ils n’ont pas les moyens d’acheter le ballon, ils sont très pauvres.»
Plus loin, il porte la responsabilité de la hausse des prix aux vendeurs intermédiaires : «C’est les vendeurs intermédiaires qui tirent les bénéfices sur le dos des tisserands. Les prix ont augmenté entre ceux qui font la teinture, les vendeurs et les intermédiaires. D’ailleurs, les tisserands ne tissent presque pas actuellement. Ils sont occupés par les travaux champêtres plus rentables à leurs yeux. De commerçants viennent faire de commandes, mais les tisserands ne prennent pas et le peu de Leppi qu’il y a aujourd’hui ne suffit pas».
Pour taire la polémique autour du Leppi, certains promoteurs culturels, notamment Thierno Demba Diallo, le concepteur de «la nuit du Leppi» ont entrepris de sensibilisation de vendeurs afin d’arrêter la hausse du prix».
Vers l’extinction du métier de tisserand et du Leppi
Pendant que les uns et les autres polémiquent sur le boycott ou non du Leppi, le directeur d’Artex révèle une réalité troublante. «Ce que les gens n’arrivent pas à voir c’est que le métier de tisserand est en train de disparaitre en Guinée», regrette-t-il en lançant un appel: «On doit tout faire pour protéger le métier. J’étais obligé de payer de jeunes pour les former au tissage pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins. C’est dommage qu’il n’y ait pas des structures de formation dans ce domaine. J’ai peur que dans quelques années que les Guinéens soient obligés d’acheter leur Leppi dans la sous-région puisque ceux-là travaillent. »
Malgré la polémique autour du Leppi, la demande restent toujours forte sur le marché.