Dans un entretien accordé à Guinée360, le président du Forum Civil Guinéen et porte-parole du Forum des Forces Sociales, Ibrahima Balaya Diallo, insiste sur l’urgence d’un dialogue politique inclusif afin d’éviter une nouvelle crise.
Alors que la Cour suprême a validé les résultats définitifs du référendum constitutionnel et que le décret de promulgation a été immédiatement signé, il plaide pour la libération de l’espace politique et médiatique, la tenue d’élections dans les délais annoncés et la fin des incertitudes institutionnelles qui fragilisent le pays.
Guinée360 : Vous avez suivi la proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême. Quelle est votre réaction ?
Ibrahima Balaya Diallo : Oui, j’ai suivi le processus de très près, notamment depuis l’intérieur du pays. Honnêtement, il n’y avait pas de pression majeure, ni d’inquiétude particulière, car il n’y avait pas de véritable opposition en face. Ce qu’il faut retenir, c’est que nous sommes en train de sortir progressivement de la transition. La dernière étape reste la publication de la Constitution au Journal officiel. Ce sera le point de départ d’une nouvelle phase politique. Ce que nous attendons désormais, c’est qu’un dialogue s’ouvre, qu’il soit inclusif, que les médias retrouvent leur liberté et que les espaces démocratiques soient réhabilités. C’est là tout l’enjeu de cette nouvelle Constitution, au-delà même de son contenu.
Justement, le processus a duré plus de quatre ans. Est-ce raisonnable pour un pays comme la Guinée ?
Non, quatre ans, c’est beaucoup trop long. Nous sommes un pays fragile sur les plans économique, social et institutionnel. Nous n’avons pas les moyens de supporter des longues transitions. Ce qui est fait est fait, certes, mais cela ne doit pas se reproduire. Il faut reconfigurer les choses maintenant, et cela passe par l’ouverture d’un grand espace de dialogue franc et sincère.
Le président a promis des élections en 2025. Y croyez-vous ?
J’ai envie d’y croire. Prenons-les au mot. Il faut que les citoyens, les partis politiques et les candidats soient prêts, car cette fois, c’est du sérieux. Nous, société civile, souhaitons un retour rapide à l’ordre constitutionnel. L’ambiguïté ou le flou ne profitent à personne : ni aux citoyens, ni aux partenaires techniques et financiers, ni à la crédibilité du pays.
Est-ce réaliste d’organiser toutes les élections avant la fin de l’année ?
C’est une question de volonté politique et de moyens. Le référendum a eu lieu, les cartes d’électeurs existent, le matériel est disponible. J’ai même appris que des présidents de délégations spéciales récupèrent déjà la logistique utilisée. Donc techniquement, c’est faisable. Mais la question de l’organisation reste entière : quelle instance va piloter les élections ? Va-t-on rétablir la CENI ou maintenir la Direction Générale des Élections ? Il faut un débat sérieux sur ces sujets, dans le cadre du dialogue national.
Certains s’étonnent que la promulgation de la Constitution ait eu lieu immédiatement après la proclamation des résultats. Que vous inspire cette célérité ?
Ce n’est pas surprenant. On n’a pas besoin d’être devin pour savoir que, quel que soit le verdict de la Cour suprême, cela n’aurait rien changé. Le résultat était connu d’avance. Le vrai débat ne se situe pas là. Concentrons-nous sur les enjeux majeurs : la crédibilité du processus électoral et l’inclusivité du jeu politique.
Vous insistez sur le dialogue. Cela signifie-t-il qu’il faut libérer l’espace politique et médiatique ?
Absolument. Le référendum s’est déroulé sans véritable confrontation, mais les élections générales, elles, seront compétitives. Des partis vont se présenter, des candidatures indépendantes vont émerger. Il faut que toutes ces forces puissent s’exprimer librement. On ne peut pas organiser des élections crédibles sans libérer l’espace politique et médiatique. L’inclusivité est la clé. Si ce processus n’est pas inclusif, il nous créera encore des problèmes.
Faut-il lever la suspension de certains partis politiques ?
Oui, il le faut. Même si certains leaders ne se présentent pas personnellement, leurs partis doivent pouvoir compétir. C’est une question de justice politique et de transparence. La transition ne peut pas imposer ses règles au moment de la compétition électorale. Ce temps-là est révolu. Maintenant, il faut ouvrir, dialoguer, et permettre à toutes les forces de se mesurer dans les urnes.
Un dernier mot ?
Merci à vous. J’invite tous les acteurs – pouvoir, opposition, société civile – à prendre leurs responsabilités pour garantir une sortie de transition digne et démocratique. Ce que nous construisons aujourd’hui déterminera la stabilité de demain.