Le débat sur la falsification de la nouvelle constitution guinéenne continue d’alimenter le débat dans le milieu juridique guinéen mais aussi de la sous-région.
Dans « le débat africain » d’Alain Foka ce dimanche 28 juin 2020, Dr Ousmane Khouma, enseignant-chercheur et Maître de conférences à la faculté de sciences juridiques de l’Université Cheik Anta Diop de Dakar était l’un des invités de ce débat.
Le juriste sénégalais a rappelé que cet état de fait est inédit dans le milieu juridique mondial, pour lui ce sont des fait assez graves : « la situation est assez ubuesque et assez inédite, ne tournons pas autour du pot, c’est un minimum de transparence et de sécurité juridique quand on appelle le peuple à se prononcer directement pour adopter la charte fondamentale d’un texte aussi solennel que la constitution, bien évidemment que le texte qui est soumis soit rendu public. Après comparaison du premier texte soumis au référendum et celui promulgué, on relève une vingtaine de changements, c’est inédit, c’est assez grave qu’on note des différences entre un texte soumis au peuple et le texte définitif. »
Pour Dr Khouma, on ne trouve dans le vocabulaire juridique aucune qualification pour cette forfaiture qui est assimilable à du faux constitutionnel, « la situation est tellement grave qu’on ne trouve pas de qualifications juridiques, parce que c’est inédit, c’est unique dans l’histoire, c’est du faux constitutionnel, c’est de la falsification constitutionnelle. »
Il est facile pour tout un chacun de se procurer des deux textes et de faire lui-même ma comparaison : « quand il y a question de faits, de preuves, il ne faut pas tourner autour du pot, il est loisible à qui s’intéresse à la question de se procurer le texte soumis au peuple de Guinée pour qu’il adopte sa constitution et le texte publié au journal officiel (après promulgation ndlr), donc il ne faut pas tourner autour du pot, c’est une question de faits ».
A propos de la décision de la cour constitutionnelle de déclarer irrecevable la requête de certains d’invalider cette constitution, le juriste soutient que c’est cela la question de fond, « voila la question de fond, tant que en Guinée ou ailleurs nous n’avons pas des cours constitutionnelles indépendantes, impartiales, légitimes de par leur composition qui rendent justice aux justiciables, nous n’aurons pas d’Etat de droit, alors la situation devient éminemment grave ».
Pour une solution de sortie de crise, le maître de conférences estime, « là, ça va être extrêmement compliqué, même avant de regarder les modifications apportées, le principe même, on a eu recours à un référendum donc c’est le peuple qui s’est directement exprimé pour dire voici ma constitution. Il se trouve qu’on apporte des modifications…, dans d’autres matières en droit constitutionnel parce que là, je vous le répète c’est inédit, c’est une première dans l’histoire, le juge aurait juste dit que c’est nul et de nul effet. »
L’enseignant-chercheur donne une idée de ce qui risque d’arriver dans les conditions de la Guinée où la cour constitutionnelle n’est pas fiable, « dans ces conditions, quand on n’a pas une cour constitutionnelle fiable, le problème malheureusement est assez répandu en Afrique, le propre d’une société civilisé est que les contentieux se règlent par voix juridictionnelle. Quand les juridictions ne jouent pas ce jeu là, on rentre dans un rapport de force éminemment politique. La solution n’est pas juridique parce que y a rien à attendre de la cour constitutionnelle, c’est maintenant d’un point de vue politique la stratégie de l’opposition de ne pas aller dans le boycott ».