À l’occasion du 16ᵉ anniversaire du massacre du 28 septembre 2009, une coalition d’organisations internationales et nationales de défense des droits humains a adressé une lettre ouverte au président de la transition, le général Mamadi Doumbouya. Elle réclame « l’annulation urgente » de la grâce accordée à l’ancien chef de l’État Moussa Dadis Camara, condamné pour crimes contre l’humanité.
Parmi les signataires figurent Amnesty International, Human Rights Watch, l’OGDH ainsi que l’Association des victimes (AVIPA). Ils jugent cette décision « incompatible avec les obligations de la Guinée en vertu du droit international ».
Le 31 juillet 2024, Moussa Dadis Camara avait été condamné à 20 ans de prison pour son rôle dans les violences du stade de Conakry, qui avaient fait plus de 150 morts et des centaines de victimes de violences sexuelles. Or, le décret présidentiel lui accordant une grâce est intervenu avant l’examen des recours en appel.
« La loi guinéenne ne donne pas au président le pouvoir d’accorder une grâce avant qu’un jugement définitif ne soit rendu », dénoncent les organisations, qualifiant la décision de contraire à la fois au droit interne et aux engagements internationaux du pays.
Les ONG rappellent que la Guinée, en tant qu’État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), est tenue d’enquêter, de poursuivre et de sanctionner les auteurs de crimes contre l’humanité. Toute mesure d’amnistie ou de clémence susceptible de garantir l’impunité violerait ces obligations.
La coalition cite également la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), qui considère la clémence comme prohibée lorsqu’elle mène à l’impunité pour de graves violations.
« Dans les circonstances actuelles, la grâce équivaut à une impunité de droit et de fait. »
Concernant les motifs avancés par les autorités — raisons médicales et réconciliation nationale — les signataires demandent la réalisation d’une expertise médicale indépendante et mettent en garde contre l’usage abusif du terme « réconciliation ».
« Les préoccupations sanitaires ne peuvent à elles seules justifier une telle mesure », rappellent-ils, soulignant que d’autres facteurs comme l’exécution de la peine, la reconnaissance des crimes ou encore l’impact sur les victimes doivent être pris en compte.
Les ONG disent craindre que cette grâce ne renforce le sentiment d’une justice sélective en Guinée. Elles exhortent le général Doumbouya à revenir sur sa décision et à « laisser la justice suivre son cours, en toute indépendance et sans délai ». Elles avertissent enfin que la CPI pourrait être amenée à réévaluer son inaction dans ce dossier si la Guinée persistait dans cette voie.
A lire la lettre conjointe adressée au président Mamadi Doumbouya