Entre 2004 et 2008, la Guinée était considérée comme plaque tournante du trafic de drogue.
Que révèle les réalités actuelles ? Le lieutenant Colonel Farimba Camara, directeur de l’Office centrale de la lutte antidrogue (Ocad), statistiques à l’appui, fait un éclairage sur le sujet. Interview !
Guinee360.com : Quel est rôle de L’Ocad ?
Lieutenant colonel Farimba Camara: L’Ocad est un organe d’appui du gouvernement en matière de lutte contre la drogue. Ses missions sont d’ordre national et international et ses partenaires sont comme l’Onudc, l’ambassade de France, d’Espagne ainsi que toutes les représentations diplomatiques à travers leurs attachés de sécurité en matière de lutte contre la drogue. Ses missions, l’Ocad est chargé de la coordination et la collecte, non seulement, de saisie de drogue, mais aussi et surtout sur l’effectif des personnes interpellées en matière de trafic de drogue. Ses missions internationales se résument à l’échange de renseignements ou d’informations au sein de la sous-région, de la région et du continent africain, voire au-delà. L’Ocad est chargé également de faire la base des données de toutes les informations et les communiquer à ses partenaires qui sont ses grands bailleurs en matière de lutte contre la drogue. Il recueille également les statistiques sur les guinéens interpellés à l’extérieur à travers le Bureau central national Interpol Guinée. L’Office communique ses statistiques et ses données au Comité interministériel de lutte contre la drogue qui est un organe consultatif chargé de les remonter au niveau du gouvernement.
A un moment donné, la Guinée était considérée comme une plaque tournante du trafic de drogue. Qu’en est il aujourd’hui sur le terrain ?
De 2004 à 2008, la Guinée était bel et bien indexée comme étant la plaque tournante en matière de trafic de drogue. Vu ce qualificatif déshonorable de notre pays, à la mort du général Lansana Conté, le Cndd en a fait, de cette lutte, une priorité. Après son élection en 2010, le président Alpha Condé en a également fait sa priorité. D’où la création du secrétariat général à la présidence chargé des Services spéciaux, de la lutte contre la drogue et des crimes organisés directement rattaché à la présidence de la République. Ceci pour éviter toute influence et avoir l’œil sur le schéma de lutte. En 2012, par le biais de l’ambassade de France, le chef de l’Etat a demandé un conseiller français en matière de lutte contre la drogue auprès du directeur général de l’Office centrale de lutte contre la drogue pour renforcer la formation, les capacités opérationnelles. Ainsi que la formation sur la monture des procédures pour ne pas que les procès verbaux de l’Office centrale soient déboutés par les parquets. C’est ainsi que j’avais reçu le commandant Jacques Dousseau de 2012 à 2017.
Quelle est la situation actuelle sur le terrain ?
En matière de lutte contre la drogue, pour nous, agents ou services de répression, la disponibilité visuelle de la drogue constitue la saisie. Tant que la saisie n’est pas effectuée nous ne pouvons pas parler de la présence de drogue. C’est si la saisie est effectuée que nous pouvons parler de la drogue. C’est ainsi, nous nous rassurons que le trafic a commencé ou à recommencé. Cependant, les renseignements d’ordre routinier ou officiel peuvent nous parvenir pour monter nos techniques d’enquêtes, de la filature et de la surveillance. A présent, je reste convaincu, même s’il y a trafic de drogue, mais ce n’est pas dans la même lancée que dans les années de 2004 à 2008.
C’est peut être que les trafiquants ont développé leurs méthodes pour passer inaperçus?
Ce qu’il faut reconnaître c’est qu’aussi bien que les enquêteurs sont performants ou leurs moyens techniques d’enquêtes le sont, les trafiquants aussi font des performances sur leurs modes de cache et leurs mouvements. Donc, c’est un combat intellectuel en quelque sorte entre les trafiquants de drogue et les agents de répression. Ils savent qu’ils sont guettés, suivis, donc, ils ont tout intérêt de faire de performance. Nous aussi avons nos propres intérêts à être performants dans nos techniques d’enquêtes, si nous tenons à notre réussite. Alors, c’est ce combat qu’il y a entre les trafiquants et nous. Dans les années 2015-2016, nous avons saisi au port de Conakry de drogue dissimulée dans des conteneurs en provenance de Sao Paulo, de l’Espagne.
Comment vous l’aviez su?
Comme il y a l’échange de renseignements et d’informations, nous avons réussi à mettre main successivement sur trois conteneurs dont la totalité faisait 295 kg et quelques de cocaïne.
A destination de la Guinée ou c’était un transit ?
C’était à destination de la Guinée. Cette drogue avait été incinérée en octobre 2016 sous la présidence du ministre de la Justice et sous la supervision d’un huissier de justice requis par la Cour d’appel. Pour nous, enquêteurs, la saisie de la drogue constitue la disponibilité et l’indice de présence du trafic dans le pays. Cependant les informations peuvent prévaloir surtout quand elles proviennent des sources sûres.
Quelles sont les zones de prédilection de ce trafic ?
D’une manière générale, la drogue est une marchandise morte qui se déplace. C’est-à-dire que les trafiquants préfèrent passer par des frontières les plus fluides ou les plus poreuses, mais il n’y a pas une zone type sauf quand il s’agit de consommation de cannabis. Avec la consommation du cannabis, on peut parler de zone de prédilection, mais quand il s’agit de la vente de cocaïne, de l’héroïne, ça peut se faire dans la rue, dans les boîtes, entre Coyah et Kindia où on espère pas rencontrer un agent de sécurité. Ceux qui font ce trafic savent qu’ils sont en train de transgresser les lois. Donc, toute leur idée c’est de se cacher, éviter les agents ou les personnes qui collaborent avec les services de répression. Ils peuvent, par imprudence ou par super méfiance, procéder à une transaction domiciliaire. Quand les agents de répression qui soupçonnent une concession pour recèle de trafic de drogue, y font une incursion et ne trouvent pas la drogue, ils les accusent de violation de domicile. Ils ont une intelligence aiguë pas pour dire autant que les agents puisqu’il n’y a pas de crime parfait.
Est-ce qu’il y a des zones de consommation identifiées en tant que telles à Conakry ?
Aujourd’hui, tous les terrains vides de Conakry constituent des zones de consommation de drogue. Quand vous prenez la T2 en allant à Bambeto, il y a une zone vide qui avoisine le mur du camp Alpha Yaya, non seulement, on y revend de l’alcool, mais il y a aussi les consommateurs. Nous les appelons «des bandits saletés » parce qu’ils achètent la boule à 1500 Gnf ou 2000 plus un litre de Touguiyé (vin de palme, Ndlr) et ils en consomment.
Ceux-ci ne sont donc pas une cible potentielle ?
En fait, la lutte contre la drogue vise à couper le cordon du trafic. Dans les conditions normales quand vous prenez un trafiquant de drogue, toute la chaîne doit être secouée. Quand je prends un kilogramme de cocaïne, je dois pouvoir remonter la chaîne jusqu’au fournisseur principal. Si L’intéressé se trouvait à l’extérieur, en ce temps, il est question de faire échange de renseignements avec nos partenaires à l’origine.
Quelles sont les conséquences de la drogue ?
La drogue est un mal qui a des conséquences politique, sociale, économique et sanitaire. Quand les narcotrafiquants tiennent une bonne partie du commandement d’un pays, on parle de de l’Etat narcotique. C’était le cas en Guinée Bissau puisque les chefs d’état majors chargés de la défense des acquis de la souveraineté du pays se sont mêlés dans le trafic de drogue. L’argent de la drogue n’a jamais été budgétisé et la drogue se déplace avec de l’argent. Les trafiquants de drogue ont un niveau de vie insolent. Dans les marchés et dans les supérettes, ils ne discutent pas les prix comme vous et moi. Le trafic créé l’inflation monétaire dans un pays. Les consommateurs du cannabis mélangent compris psychotropes et tout pour simplement être à l’overdose, ce sont ces enfants qui se retrouvent à la psychiatrie. Ça cause la perte économique pour les parents, la désolation, l’indignation et le déshonneur. Sans compter qu’ils n’ont pas espoir de récupérer leur enfant. 80 % de criminels sont des consommateurs de drogue. Ils font la terreur dans les cités urbaines. Il faut savoir catégoriser les consommateurs aussi. Il y a des consommateurs de loisir qui ne sont pas du tout dangereux. Les consommateurs occasionnels semblent les plus dangereux. Ils consomment en fonction de l’objectif qu’ils se fixent soit pour un vol crapuleux, un crime de sang par vengeance. C’est dans cette catégorie aussi qu’il y a des consommateurs qui ont toujours tenté de violer les filles.
Comment se présentent les statistiques ces dernières années ?
En 2015, il y a eu une saisie sectorielle de 2.375,500 kg de cannabis, 81, 200 kg de cocaïne , 181 plaquettes de valium. Ainsi que 1200 flacons de cosmétique contrefait et 157 personnes déférées. En 2016, nous avons saisi 2.375 kg de cannabis, 209 kg de cocaïne, 482 plaquettes de valium. En plus 200 mille comprimés de tromadol et 108 personnes déférées. En 2017, 2360 kg de cannabis, 5,21 Kg De Cocaïne, 582 plaquettes de Valium, 300 mille plaquettes de tromadol et 50 personnes déférées. Cette année, nous avons 350 kg de cannabis, 74 boules et 23 personnes déférées.
Est-ce que vous avez suffisamment des moyens pour lutter contre le trafic de drogue ?
En 2011, on nous avait donné des moyens, mais la garantie technique est finie. Vous constaterez qu’en 2017, il n’y a pas tellement d’évolution. Nos jeeps ont eu trop des pannes techniques. Et en matière de drogue quand tu fais la saisie , il faut automatiquement quitter. Donc, si nos véhicules sont en mauvais état ça cause problème.