L’avocat Maître Thierno Souleymane Baldé est la dernière victime qui a témoigné à la barre du tribunal criminel de Dixinn ce lundi 24 juillet 2023, dans le cadre du procès du massacre du 28 septembre 2009.
Dans son témoignage, il explique d’abord que les évènements du 28 septembre l’ont trouvé à Accra au Ghana. Quelques jours après le massacre, Maître Baldé est rentré en Guinée pour sensibiliser les différentes victimes afin qu’elles acceptent de répondre aux questions de la commission internationale d’enquête mise en place par le CNDD.
Ce qui selon lui, a permis à ladite commission, d’établir le rapport d’enquête sur ces évènements, qui a fait état de plus de 150 morts. Après avoir constaté qu’il y avait des risques qu’il y ait d’autres violences, lui et certaines personnes ont décidé d’organiser une grève de la faim à la maison des jeunes de Dixinn.
“Compte tenu de tous ces facteurs, nous avons décidé d’organiser une grève de la faim pour demander à tous les acteurs, pas seulement le CNDD, mais les acteurs politiques aussi de s’entendre. Parce que si effectivement il doit y avoir de l’entente et la paix, il faut à la fois un dialogue mais aussi une entente au niveau de tous les acteurs intéressés ou qui sont concernés par le processus démocratique dans notre pays. Nous avons organisé la grève de faim dans une salle à la Maison des jeunes de Dixinn que nous avons louée. La visite des diplomates et la couverture médiatique de cette grève de faim à alerté certaines personnes dont le Colonel Tiegboro Camara”.
Lorsqu’il a été formé de la tenue de cette grève, le Capitaine Moussa Tiegboro Camara et ses hommes ont fait irruption sur les lieux pour procéder à des interpellations, explique Maître Baldé.
“Vers 20h, des gens sont arrivés, ont ouvert la porte avec fracas et l’ont fait tomber et nous ont trouvés à l’intérieur. Ils ont tiré certains parmi nous par les pieds, d’autres par la tête, avec des injures que je ne peux pas répéter ici. Ils nous traînés dans la boue de la salle jusqu’au niveau de la route principale où étaient garés les pick-ups. Ils nous ont mis à l’intérieur comme de sacs de patates pour nous envoyer au camp Alpha Yaya Diallo (siège de la junte de 2009, NDLR). On était au nombre de 11. Une fois là-bas, ils nous ont alignés. Le Colonel Tiegboro Camara a dit que ce que nous avions fait était du terrorisme moderne et que nous allions le regretter. Il a fait envoyer des pains libanais avec des boîtes de “corned-beef”. Il nous a dit qu’on a le choix de cela ou recevoir 100 coups aux fesses. On n’avait pas le choix. Avec nos mains salles qu’on a pris le corned-beef pour le mettre dans le pain. On ne pouvait pas le manger, mais il fallait l’avaler. Quand c’est fini, il nous a mis dans un conteneur qui se trouvait juste à côté de son bureau. On a trouvé deux personnes à l’intérieur du conteneur. C’est là-bas qu’on devait faire tous nos besoins”, a-t-il témoigné.
Suite à des mauvais traitements qu’il a subis, l’avocat dit avoir été libéré avec certains de ses compagnons, grâce à l’implication de l’ancien Secrétaire général des affaires religieuses, Pr Koutoubou Moustapha Sano.
“Ils sont venus chercher certains parmi nous, dont moi. Ils m’ont envoyé dans un bureau pour me poser des questions demandant qui nous a financer. Chaque fois que je ne donne pas une réponse qui lui convient, il me gifle, avec des injures que je ne peux pas répéter ici. Ça a duré jusqu’à 2h du matin. J’entendais certaines personnes crier à côté qui suppliaient. Il me disait que si je ne dis pas ce qu’il veut entendre voilà ce qui va m’arriver. Au bout du compte je lui dis d’écrire ce qu’il veut et que je vais signer, qu’il n’a qu’à arrêter de me frapper. Ils ont écrit, imprimer et j’ai signé. Malheureusement il y a un homme qui a continué à me frapper et un d’entre eux a demandé d’arrêter. Ils m’ont ramené au conteneur. Avant d’organiser la grève de la faim, j’avais pris le soin de donner trois numéros à mes proches qu’ils devaient appeler si quelque chose m’arrivait. Une fois qu’on a été arrêté, les gens ont été informés. La Cédéao, les Nations unies, la France, ont été informées. C’est compte tenu de toute cette pression que le capitaine Moussa Dadis Camara a envoyé Colone Diaby avec Koutoubou Sanoh pour nous faire libérer”.
Après le passage de cet avocat, l’audience a été renvoyée à demain mardi pour la suite des débats dans ce dossier.