L’Université Général Lansana Conté de Sonfonia (UGLCS) est l’une des plus grandes institutions publiques d’enseignement supérieur de Guinée. Située en périphérie de Conakry, elle accueille chaque année des milliers d’étudiants. La restauration dans cette université est un sujet d’intérêt majeur pour les étudiants. Entre les choix économiques et les préférences culinaires, les apprenants se divisent entre les “bourgeois” des grands restaurants, les “pauvres” friands des gargotes traditionnelles, et les “petits bourgeois” jonglant entre les deux. De l’ambiance conviviale des gargotes à la proximité pratique des restaurants universitaires, voici un aperçu de la diversité culinaire et des conditions de vie des étudiants à Sonfonia.
En Guinée, les étudiants orientés vers les universités publiques bénéficient de bourses d’études, appelées “pécules”, accordées par l’État. Cependant, les montants mensuels alloués varient en fonction du niveau d’études : 100 000 GNF pour la Licence 1, 200 000 GNF pour la Licence 2 et 300 000 GNF pour la Licence 3. Malheureusement, ces pécules sont souvent payés avec du retard, ce qui reflète les difficultés financières auxquelles sont confrontés de nombreux étudiants. La plupart d’entre eux proviennent de régions éloignées du pays et doivent faire face à des conditions de vie précaires, sans bénéficier d’un soutien matériel ou financier adéquat.
Guinee360 s’est intéressé aux conditions de vie des étudiants de Sonfonia, en se focalisant sur l’aspect de la restauration. Le constat révèle trois catégories distinctes. Les premiers, surnommés “les bourgeois” ou “les aristocrates”, regroupent les enfants de chefs d’entreprise et de fonctionnaires qui mangent dans les grands restaurants où ils peuvent se permettre des mets tels que des fatayas, des spaghettis, des omelettes, des sandwiches et du riz au gras. Les seconds, appelés “les pauvres”, se rendent dans des gargotes où ils dégustent des plats traditionnels tels que le “tombon“, le “maafe haako“, le “konkoe” et le “lafidi“. Enfin, il y a les “petits bourgeois” dont les revenus sont instables, et qui jonglent entre les deux options.
Mme Sonna est serveuse au restaurant « Chez Daff », situé à l’intérieur de l’université: «Chez nous, les plats commencent à partir de 15 000 GNF. Notre clientèle est constituée d’une certaine catégorie d’étudiants qui ont les moyens financiers», explique-t-elle.
Nous avons rencontré Niankoye, un restaurateur débordé par sa clientèle, qui nous a expliqué les raisons pour lesquelles les étudiants préfèrent venir dans son établissement. Selon lui, plusieurs facteurs jouent un rôle dans leur choix. Tout d’abord, l’endroit est réputé pour son calme, offrant ainsi une atmosphère propice à la détente. De plus, la présence d’une agréable brise rend l’expérience encore plus agréable pour les étudiants. « Mais ce qui semble le plus important, c’est l’attention particulière accordée à l’hygiène et à la propreté. Les étudiants peuvent ainsi se restaurer en toute tranquillité, sans être dérangés. Une fois leur repas terminé, ils ont également la possibilité de rester dans l’établissement pendant des heures, échangeant et discutant entre eux », explique-t-il. Ces aspects combinés font de cet endroit une option attrayante pour les étudiants à la recherche d’un lieu agréable et accueillant pour se restaurer.
M.B. est vendeuse de riz dans une gargote située à l’extérieur de l’université : « Comme vous pouvez le constater, les étudiants sont nombreux à fréquenter notre établissement. Ils aiment nos plats purement traditionnels, auxquels ils sont habitués à la maison. Nous proposons des sauces “tombon”, du “konkoe” et d’autres plats à partir de 5 000 GNF. Nous ne sommes pas seulement intéressées par notre profit, mais nous avons également à cœur le bien-être des étudiants. Nous savons qu’ils sont des jeunes qui ne travaillent pas, c’est pourquoi nous fixons nos prix en tenant compte de leur situation. Nous sommes très généreuses envers eux. Certains viennent manger même s’ils n’ont pas l’argent sur place, et ils nous remboursent ensuite sans problème ».
Nous avons rencontré Jean Pierre, étudiant en première année de Sciences politiques, dans une gargote. Selon lui, au-delà du prix, son choix de se restaurer à l’extérieur est également lié à la convivialité entre étudiants : «Je préfère manger à l’extérieur parce que les prix sont abordables. Je n’ai personne pour payer mon transport, donc j’essaie d’économiser pour acheter des fournitures et autres choses nécessaires. Les pécules que nous recevons ne me permettent pas de manger dans les ‘grands restaurants’. De plus, à l’extérieur, nous retrouvons de nombreux étudiants, ce qui renforce les liens sociaux. C’est un véritable plaisir de se retrouver entre amis pour discuter. Cela me permet de me familiariser avec les gens, de faire de nouvelles connaissances. J’aime l’ambiance estudiantine. De plus, les vendeuses à l’extérieur sont très sympathiques, elles sont comme nos mamans et elles prennent bien soin de nous. Elles nous servent avec courtoisie, elles ne se fâchent pas contre nous, même si parfois nous avons des comportements étranges ».
En revanche, une autre étudiante en première année de Sciences sociales, Fatou Conté, préfère manger dans les restaurants situés à l’intérieur de l’université : « Les restaurants sont très proches de mon département. Pendant les pauses, je m’y rends tranquillement sans me presser, sans être ennuyée ni confrontée aux embouteillages. Je peux prendre mon repas sans être dérangée par le bruit et la fumée de cigarette. En revanche, dans les gargotes, il y a beaucoup de monde, et cela me fait peur de devoir traverser constamment la route pour aller manger là-bas. Avec toutes les voitures et les camions qui passent en permanence, je ne me sens pas en sécurité à l’extérieur. De plus, les aliments ne sont pas bien contrôlés et il y a un manque total d’hygiène ».
En dehors des étudiants qui fréquentent les restaurants et les gargotes, il y a ceux qui se trouvent dans une situation financière précaire, incapables de se permettre même un sachet d’eau. La plupart d’entre eux viennent de l’intérieur du pays et vivent à Conakry en assumant toutes les charges par eux-mêmes. Réticents à témoigner, certains ont accepté de partager leur expérience de manière anonyme, comme Mamadou, originaire d’une préfecture de la Moyenne Guinée: « C’est très difficile pour moi. Je n’ai aucune aide ici à Conakry. Parfois, si j’ai 500 GNF, j’achète de l’eau, et si j’ai 1000 GNF, je peux me permettre un café. Il m’arrive de ressentir des vertiges à cause de la faim. Dans de telles conditions, il est difficile de poursuivre mes études, et j’ai peur de ne pas pouvoir continuer. Mes parents n’ont pas les moyens, ils m’envoient seulement l’argent pour payer le loyer. En plus d’être insuffisants, les pécules que je reçois arrivent en retard. Si le gouvernement pouvait trouver une solution, cela soulagerait les étudiants comme moi ».
Les témoignages poignants de ces étudiants soulignent les difficultés financières auxquelles ils sont confrontés et appellent à des mesures pour améliorer leur situation précaire.