Deux mois après la disparition inquiétante de Foniké Mengué et Billo Bah, le coordinateur du Forum des forces sociales de Guinée (FFSG) exprime une profonde désillusion envers les autorités de la transition. Dans cette première partie d’une longue interview à lire sur Guinee360.com, Abdoul Sacko dénonce ce qu’il considère comme une défaillance grave de la part des autorités, critique la réponse du Général Amara Camara et évoque le climat de peur omniprésent parmi les Guinéens engagés dans la vie publique.
Guinee360 : Cela fait maintenant deux mois, depuis le 9 septembre, que Foniké Mengué et Billo Bah ont disparu. Quel est votre ressenti à ce sujet ?
Abdoul Sacko : Ces deux mois représentent, à 360 degrés, deux mois d’angoisse, deux mois de dégradation de la République, deux mois de démission de la part des autorités de la transition. En effet, la moindre des choses qu’une autorité militaire puisse offrir à ses citoyens, c’est la sécurité. Je dirais que ce sont deux mois de douleur pour leurs familles, pour tous les Guinéens qui, dotés d’une dose de foi, pensent qu’il est nécessaire d’agir et de travailler pour défendre l’intérêt supérieur de la nation.
Pour vous, quelle aurait dû être la démarche des autorités dans cette situation ?
Lorsque les autorités de la transition, par l’intermédiaire du procureur, affirment que ni les services judiciaires ni les services de sécurité ne savent où se trouvent Foniké Mengué et Billo Bah, cela soulève des interrogations. En tant que garants de la sécurité des citoyens, cette déclaration semble indiquer une défaillance grave dans la protection de ces individus. Si les faits sont cohérents avec ces déclarations, la moindre des choses aurait été de manifester de la compassion envers leurs familles, de les soutenir et de renforcer la sécurité autour des lieux où les kidnappings ont eu lieu pour éviter d’autres incidents similaires. En l’absence de progrès dans l’enquête et sans éclaircissements sur l’identité des responsables, la responsabilité des autorités de la transition apparaît comme un point central.
On a écouté le général Amara Camara lors de la synergie à l’occasion de l’an 3 du CNRD qui a dit que des disparitions y en a dans tous les pays. Comment vous interprétez ses propos?
Nous disons que c’est regrettable. Lorsque des compatriotes qui ont prêté serment devant Dieu et les hommes et qui sont nourris et entretenus par le contribuable guinéen pour nous sécuriser et sécuriser nos territoires, ne trouvent mot face à une situation rabaissante pour la République que de dire que cela se passe partout. Mais, il aurait pu dire quand même que c’est une première en Guinée sous leur gouvernance. Il aurait pu dire au moins que ce sont des limites de leur gouvernance.
Les propos du Général Amara Camara peuvent-ils avoir des impacts négatifs sur le pays ?
Je ne sais pas si ces déclarations résultent de l’ignorance ou de l’insouciance, mais il est important de reconnaître que de tels propos peuvent avoir des répercussions graves. En minimisant la situation en la comparant à des cas ailleurs, on risque de décourager les investisseurs potentiels et de faire fuir ceux qui pourraient envisager d’apporter leurs compétences et de faire des investissements dans le pays. Cette attitude est préoccupante. Il semble que nos compatriotes du CNRD se trouvent dans une situation qu’ils ne maîtrisent pas entièrement ou qu’ils affrontent des défis qui les dépassent. Cela reflète un manque de prise en compte des conséquences de leurs actions sur la perception et la stabilité du pays.
Craignez-vous pour votre sécurité ?
Aujourd’hui, tout Guinéen qui occupe une position publique, que ce soit dans la défense des droits et libertés, le développement économique ou tout autre domaine impactant la vie de la nation, vit dans la peur. Chaque jour, on se demande si l’on rentrera chez soi en toute sécurité. Le stress est omniprésent, et ceux qui aspirent à faire avancer le pays doivent constamment se demander s’ils pourront se lever le matin en bonne santé. C’est une réalité inquiétante et généralisée pour ceux qui s’engagent publiquement.