Le nouveau Premier ministre pourra-t-il décrisper la crise politique? Pour l’instant, souligne le vice-président de l’UFDG, Fodé Oussou Fofana, l’opposition accorde la confiance à Kassory Fofana. Il revient aussi sur la nomination de Oyé Guilavogui et la désignation d’Aboubacar Sylla comme porte-parole du gouvernement. Interview !
Guinee360.com : Où en êtes-vous dans la préparation du mémorandum que vous avez promis de déposer au Premier ministre?
Fodé Oussou Fofana: Je pense que le mémorandum va être déposé en début de semaine. Les sources de conflit avec ce gouvernement sont connues. Il y a d’abord le contentieux électoral, la loi sur la Ceni, le fichier électoral. Dans la sous-région, la Guinée est le seul pays où les élections sont organisées selon l’humeur du Président de la République. Dans un pays normal, l’élection s’organise à bonne date, on n’a pas besoin que le président soit ou pas content ou de créer un Comité de suivi pour qu’on organise une élection. Malheureusement, depuis que M. Alpha Condé est là, on n’a jamais pu, non seulement, organiser une élection à date, mais à chaque fois qu’on doit organiser une élection, on est obligé d’organiser des manifestations. Nous avons eu 94 jeunes tués dans les différentes manifestations pour l’organisation des élections, c’est inacceptable. Ce n’est pas la première fois qu’on se retrouve autour de la table, qu’on discute et arrive à des conclusions. Le problème c’est que ce n’est pas suivi d’effets. C’est-à-dire que les accords n’ont jamais été respectés. On s’est rendu compte que la seule personne qui décide c’est M. Alpha Condé. Vous vous rappelez qu’on s’est retrouvé avec le Premier ministre Mamady Youla, on est parvenu à un Accord. L’opposition, la mouvance et tous les partenaires ont signé, M. Alpha Condé n’en a pas tenu compte.
Pensez vous que le Premier ministre Kassory Fofana puisse faire avancer les choses ?
Ce n’est pas qu’on n’a pas confiance à M. Kassory Fofana. C’est un homme compétent, bien, volontaire qui veut que ça change, mais ce n’est pas lui qui est président de la République. Ça veut dire que quand on lui donne le mémorandum ce qu’il peut c’est de transmettre à qui de droit. Si M. Alpha Condé ne veut pas, Kassory ne peut pas faire autre chose. Si M. Alpha Condé respecte le contenu des Accords, ça va nous surprendre. S’il ne les respecte pas, on ne sera pas surpris. Il reste entendu qu’on ne restera pas les bras croisés. Nous n’accepterons pas l’inacceptable. On ne peut accepter que les gens qui sont sensés respecter la loi la violent et que les présidents des Commissions administratives de centralisation des votes (Cacv) modifient des résultats. On ne peut accepter une Ceni à laquelle on n’a pas confiance. Donc il faut qu’il y ait une loi sur la Ceni. On n’ira pas aux élections avec un fichier fabriqué en 2015. On a vu des enfants de l’école primaire se faire enrôler. Ça c’est des questions essentielles pour nous qui doivent être respectées.
Après la formation du nouveau gouvernement, 4 anciens ministres viennent d’être nommés ministres conseillers à la présidence de la République. Qu’en dites vous ?
Je l’avais déjà dit qu’il fallait s’attendre à un deuxième gouvernement avec les ministres conseillers à la Présidence. M. Alpha Condé a toujours fonctionné comme ça. Je ne sais pas maintenant il y a combien des ministres conseillers à la présidence de la République. Je sais que, le plus souvent, ces ministres conseillers ne conseillent rien, ne font pas des propositions. Je ne sais pas comment plus de 30 personnes vont avoir un bureau à la présidence. De toute façon, ce n’est pas surprenant, tous ceux qu’on enlève dans le gouvernement, on les recycle à la présidence de la République.
Que vous inspire l’attitude de Oyé Guilavogui, cet autre ministre qui a fait plier Alpha Condé?
La réaction du président de la République a prouvé que Oyé avait raison. Certainement, il avait été victime d’une injustice. Ça ne doit pas nous étonner, on est habitué. Ça prouve à suffisance qu’Alpha Condé n’a pas le contrôle de la situation. On ne peut dire que Oyé a tort, il n’est pas le président de la République. S’il ne veut pas aller à l’Elevage… Moi, je ne fais que féliciter Oyé. Si M. Alpha Condé avait voulu changer la situation, il aurait laissé la possibilité à son Premier ministre de mettre en place un gouvernement. Kassory est un économiste chevronné qui sait que ce n’est pas avec 33 ministres qu’on peut changer le pays. On aurait pu mettre 20 ministres au maximum. Pourquoi mettre un ministre du Budget et un ministre des Finances ? On aurait pu en faire un seul département. Tout comme l’Agriculture et l’Elevage ainsi que la Coopération et le Plan. Cela aurait permis la création des Directions nationales fortes ou bien des Secrétariats d’Etat. Le ministre du Budget et celui des Finances sont logés dans la même enseigne, personne n’est le patron de l’autre. Je ne sais pas comment M. Alpha Condé veut gérer ce pays. Mais ce n’est pas avec 33 ministres dans le gouvernement et 33 ministres conseillers à la présidence. C’est pour cela que je dis que c’est un gouvernement de M. Alpha Condé pour lui et par lui avec un objectif de 3e mandat. Comme il l’a dit au siège du Rpg Arc-en-ciel, il veut voir tous les ministres sur le terrain pour sensibiliser les populations.
Des opposants sont entrés dans le gouvernement notamment l’ancien porte-parole de l’opposition, Aboubacar Sylla, qui est devenu porte-parole du gouvernement. Quelle est votre réaction ?
Il a été pendant 7 ans porte-parole de l’opposition. On a dénoncé les pratiques de la gouvernance de M. Alpha Condé. Évidemment, c’est M. Aboubacar Sylla qui portait la voix de l’opposition républicaine. Je ne sais pas comment il va porter la parole du gouvernement. Je suis très curieux de le voir avec le micro en train de dire que la gouvernance de M. Alpha Condé est bonne et que ce n’est pas le gouvernement qui réprime les manifestants. On retient qu’il est la seule personne qui a été porte-parole de l’opposition et qui, par après, est devenu porte-parole du gouvernement. Je suis curieux de le voir, de le regarder porter la parole du gouvernement. Quand on réprime les manifestants, comme le faisait Albert Damantang, j’ai bien envie de le voir en train de dire que l’opposition n’a pas raison. Je n’ai pas envie d’être à sa place. Moi, à sa place avec tout le respect que je lui dois , je n’aurais jamais accepté d’être porte-parole du gouvernement.
Mais Makanera Kaké qui était ministre de la Communication est aujourd’hui porte-parole de l’opposition?
Makanera a été ministre, mais jamais porte-parole du gouvernement. J’ai bien envie de vous demander de faire intervenir les citoyens pour voir quelles images ils ont de la politique guinéenne. Être ministre, il n’y a pas de problème, mais porte-parole, pour tout le respect que je lui dois, je me demande si ce n’est pas un piège pour le faire ravaler ce qu’il a dit. Pour dire que voilà, c’est lui qui nous a attaqués, donnons lui une occasion de se dédire. Moi, cela me fait mal au cœur.