Une multitude de manipulations politiques de la part du régime Guinéen attendrait en 2020 l’opposition, le syndicat et la société civile. Les mouvements sociaux, syndicaux et politiques sauraient probablement limiter les dégâts s’ils se préparaient bien à l’avance, resserraient leurs rangs et coordonnaient leurs gestes.
Seul imprévisible est une prise de conscience honnête de l’état Guinéen. Décryptage des potentielles machinations d’Alpha Condé Acte 3.
Un opposant « historique » de la sous-région avait dit lorsqu’il fut élu président de la République au début des années 2000 qu’il voulait avoir une opposition forte dans son pays. Opposant ayant connu des hauts et des bas, plus souvent des bas, il savait qu’une opposition forte saurait dénoncer certains manquements et aider ainsi à progresser vers une meilleure direction et de la meilleure manière, souvent sans le savoir. Il savait également que si, en tant que président, il était le garant des institutions, l’opposition quant à elle demeurait le meilleur surveillant de l’application des lois et le meilleur arbitre sur le terrain des initiatives de développement. Décidément, notre Alpha ne savait pas qu’il ne suffisait pas que de savoir causer des histoires pour être appelé opposant historique. C’est fier d’un bilan négatif de 50 ans de syndicalisme et d’opposition qu’il avait accédé au pouvoir en décembre 2010, année à laquelle il put enfin raffiner ses stratégies d’utilisation de ses armes de machination massive de la politique Guinéenne, son jeu favori. Syndicalisme et opposition ont toujours été les seules voies par lesquelles il a dupé des foules entières, s’est fait entendre de loin et a assouvi sa passion politique.
Ainsi, décidait-il, dès qu’il s’installa à la présidence, de gérer ces deux entités par 1) la banalisation si le débat lui était sérieusement piquant et qu’il fallait en rire, 2) la diffamation de l’autre, si des preuves palpables l’inculpaient jusqu’à la gorge, 3) l’infiltration si une partie le surprenait, avançait et méritait l’espionnage ou bien la dislocation, et 4) la domestication s’il lui fallait nourrir une autre partie pour la faire taire tout en effaçant des accusations irréfutablement nuisibles de sa part. Syndicat, opposition et société civile subissent régulièrement l’une ou l’autre de ces méthodes et cherchent toujours à comprendre comment survivre à tel ou tel autre sale tour que ne cesse de jouer un Alpha hautement imprévisible et parfait acrobate politique.
Ces mouvements sociaux, syndicaux et politiques dont le bilan n’est pas que négatif demeurent l’ultime recours capable de recoudre le tissu social que M. Alpha a ouvertement déchiqueté depuis 2010 en Guinée. Alpha sait plus que n’importe qui que si la cohésion sociale se rétablissait en Guinée ce serait fini pour ses machinations politiques et voilà pourquoi il fait tout pour empêcher que ne s’éveille le peuple tout entier contre ses manigances.
Pour tenter une infiltration et une domestication des syndicats, M. Alpha a tout naturellement laissé s’implanter deux secrétaires généraux à la Cntg dès son arrivée au pouvoir et il a également encouragé récemment la formation d’un SLECG parallèle pour taire des revendications qu’il ne voulait pas satisfaire. Et c’est dans le même objectif qu’Alpha continue de domestiquer des petits opposants opportunistes au sein et autour de son gouvernement et facilite derrière l’écran la défection de militants véreux des rangs des partis politiques.
Si les élections avaient été reportées six fois (premier et deuxième tour) en sa faveur en 2010, son espoir en 2020 demeure toujours le même car à défaut de les tenir à la date précise avec un referendum à la clé, il voudrait bien les décaler un peu plus et rester au pouvoir de toute manière.
Et la meilleure manière de les faire décaler serait pour lui d’occuper tout l’échiquier politique tout le temps, tous les douze mois de 2020 qui lui restent au fauteuil. Comment s’y prendrait-il ? Ce fut dans une blague presque totale que Alpha a annoncé récemment qu’il allait montré à la jeunesse le bilan de ceux qui ont géré ce pays. Une blague à prendre au sérieux car, après dix ans de règne, il fait toujours croire qu’il ne figure pas sur la liste de ceux qui ont mal géré ce pays. Il sait que puisqu’il est encore aux affaires, il peut incriminer qui il déteste ou veut écarter de son chemin, et il peut s’innocenter n’importe comment grâce à un système politico-judiciaire qu’il a monté pièce après pièce et qui lui est totalement soumis. Dans son propos belliqueux il faut noter qu’il a une intention de s’occuper personnellement de l’opposition en l’accusant à tort d’être la cause du retard de la Guinée. Il avait contraint le Capitaine Dadis à auditer une partie de l’opposition en 2009, mais n’étant pas satisfait tout porte à croire qu’il fera aujourd’hui son audit à lui juste pour semer la division entre les opposants, ou bien monter une partie de la jeunesse contre certains opposants, ou bien tout simplement occuper l’opposition pendant qu’il s’occupera à mieux s’enraciner.
Dans ces mêmes démarches politiques, il a déjà annoncé qu’il fera les états généraux de l’éducation cette année. Il ne lui suffirait qu’en un tour deux dribbles de déclarer certains syndicalistes (enseignants surtout) comme coupables ou non désirables pour démanteler le syndicat, et corollairement une partie de la société civile ou même l’opposition. Pour rappel, en 2011, il avait fait les états généraux de la justice uniquement pour comprendre les rouages de cette institution afin de pouvoir la démanteler sans bruit et passer à une réforme qui lui ouvrirait la voie vers la légitimation de tous ses actes non-démocratiques à venir. Ce fut sans surprise lorsqu’il enleva tout récemment le président de la Cour constitutionnelle en violation flagrante de la loi et nomma un autre plus docile et obéissant en lieu et place de celui-là qui semblait rappeler à l’ordre démocratique. A moins qu’il n’intente un procès contre un opposant particulier, ce qui n’est pas à écarter non plus, les états généraux semblent être la seule option en vue qui causerait une collision majeure entre opposition, syndicat, et société civile. Il jouit, pour cela, des faveurs de l’ignorance du fait que les états généraux ne devraient être organisés que suite à une crise manifeste et devraient mobilisés (principalement la société civile) les citoyens à la base, et quelques acteurs de terrain (universités privées et ONG dans le cas de l’éducation), l’objectif étant de diagnostiquer une situation autour du secteur ciblé et proposer aux pouvoirs publics (dans ce cas les directions préfectorales ou régionales de l’éducation) une sortie de crise convenable.
Pour Alpha, les états généraux doivent être gérés par lui et c’est pour incriminer des ennemis de sa politique, justifier des sorties d’argent, mieux asseoir sa politique, se déculpabiliser et savoir développer une autre stratégie qui ne laisserait rien à la traine lorsque viendra l’heure de la ridiculisation de l’autre.
«Si personne d’entre nous ne peut empêcher les oiseaux de s’envoler, chacun de nous peut les empêcher de poser un nid sur sa propre tête quand-même ! », c’est Martin Luther King qui le soulignait dans les années 60 et ceci reste valable de nos jours. Le FNDC est suffisamment outillé pour faire de chacun de ses gestes une double réussite. Au lieu de bientôt célébrer 12 mois de manifestations de rue desquelles on ne compterait que les victimes, les blessés, ou bien les emprisonnés, le FNDC pourrait se passer des routines déjà comprises et ridiculisées par Alpha Condé et mener une meilleure offensive en couplant les manifestations à des signatures de pétitions ou bien la tenue de conférences aussi bien au niveau national qu’international. Cette offensive n’est salutaire que si par exemple les FNDC Amérique se présentait au siège des Nations Unies ou au Capitole (aux Etats-Unis) de façon coordonnée et régulière, celui de l’Europe se présentait au Parlement européen, au siège de l’Union et à la CPI, et ceux de Guinée se relayaient de manière sporadique les manifestations de rue à Conakry, à l’intérieur du pays, et dans la sous-région. Une telle coordination aurait probablement plus d’effet que si chacun continuait à brandir son autonomie et que les leaders ne se limitaient qu’à la routinière manifestation de rue suivie de constats à la fois amères et stationnaires.
D’autre part, il est incontestable que les manifestations pour défendre la constitution intéressent la communauté internationale et que les abus et repressions qui s’en suivent relèvent de la compétence de la Cour Pénale Internationale (CPI). Des observateurs avertis soulignent que le FNDC devrait documenter les crimes contre l’humanité reconnus par la CPI, comme : les meurtres (Article 7.1.a.), les tortures (Article 7.1.f.), les viols (Article 7.1.g.1), la persécution (Article 7.1.h), la disparition forcée (Article 7.1.i), ou bien le génocide, l’utilisation d’armes non conventionnelles, le pillage, ou l’atteinte à la dignité de la personne. La liste est longue et il n’y a pas mieux que le FNDC pour documenter les faits sur le terrain et pour probablement porter urgemment plainte contre les hauts commandements de la justice, de la police et de la gendarmerie, simultanément.
Alpha étant un système complexe, il faudrait, en instruisant ce dossier, alerter parallèlement tous les acteurs qui avaient été impliqués aux élections de 2009 – 2010 et 2015 notamment l’UA, la CEDEAO, l’UE, la France, les Etats-Unis, les Nations Unies. Alerter ne voudrait pas dire tenir informer tout court mais aussi transmettre des pièces à conviction irréfutables et mener une offensive qui amènerait ces acteurs à se désolidariser de la prise d’otage constitutionnelle et à agir selon les Traités et Conventions ratifiés par Alpha et la Guinée.
Une autre option consistant à raffermir les rangs du FNDC en amenant certains Guinéens connus des institutions onusiennes à adhérer aux idéaux de la défense imminente de la Constitution et faire d’eux de bons interlocuteurs externes pour le mouvement n’est pas à écarter non plus.
Alpha joue contre tous les Guinéens épris de démocratie, de paix et justice. Alpha trompe certains politiciens qu’il a domestiqué dans sa cour à sa manière et qui sont endoctrinés de sa philosophie de machination politique. La Guinée en souffre atrocement aujourd’hui mais 2020 semble être l’année idéale pour une alternance réussie et une renaissance de la démocratie. La balle est dans notre camp !
Rendez-vous bientôt in’sha’al’lah pour le dernier article de cette série !
Abdoul K. Diallo
L’Agronome