Comme des nombreux pays, la Guinée est confrontée au trafic de drogues. Pour en savoir davantage sur ce phénomène, nous avons rencontré le Commissaire divisionnaire de police, Abdoulaye Sangaré, directeur central adjoint de l’Office antidrogue. Dans cette interview, il explique la situation de la lutte contre le trafic de drogues en Guinée, les pays de provenance, les points d’entrée sur le territoire national, les types de drogues et les quantités saisies. Il y parle également du merin ainsi que de la place de la coopération dans cette lutte continue.
Guinee360.com : Il y a quelques années, la Guinée était en phase de devenir la plaque tournante du trafic de drogue de la sous-région ouest-africaine. Qu’en est-il de nos jours ?
DGA Office antidrogue : Effectivement, à un moment donné, nous étions tous inquiets par rapport à la fréquence de la saisie des quantités importantes des drogues dans notre pays. Aujourd’hui, je pense que les services de sécurité à tous les niveaux sont à pied d’œuvre pour essayer de lutter contre ce phénomène et il y a des avancées significatives.
Quels sont les pays de provenance ?
En matière de drogue, les pays de provenance, constituent une chaîne. En Afrique, généralement, ce sont les pays de l’Amérique du Sud qui constituent les pays de provenance. Mais les narcotrafiquants sont très malins. Vous pouvez voir certains par exemple quand ils veulent aller en Espagne, ils quittent l’Amérique du Sud, ils viennent à Conakry, de Conakry encore, ils bougent vers l’Espagne, donc il y a beaucoup de pays qui sont en jeu. C’est ce qu’on appelle leur chemin. Partout où ils voient que le contrôle n’est pas tellement difficile, ils profitent. Ils peuvent quitter l’Amérique du Sud venir en Afrique, de l’Afrique et remonter vers l’Europe généralement, c’est comme ça. Donc ce n’est pas facile de connaître leur provenance. C’est un chemin tordu, car les narcotrafiquants sont très malins.
Quels sont les points d’entrée de la drogue en Guinée ?
La cocaïne, cette drogue dure, généralement son point d’entrée, c’est sur la mer, les voies terrestres sont rarement utilisées sauf pour le passage, mais en généralement, c’est sur la mer où les grosses quantités sont saisies par la marine. On peut voir 200 à 300 kilogrammes saisis en mer, mais par la voie terrestre, ce sont souvent 2 à 3 kg. On est victime d’une situation que les narcotrafiquants profitent, la Guinée est un pays côtier, on a trois mille deux cents kilomètres de côtes avec toutes ses côtes et frontières aérienne et terrestre, il est difficile de tout contrôler. Si vous prenez par exemple les débarcadères, on a plus de cent et quelque même si on met tous les policiers en rang on ne peut pas, donc c’est dans les débarcadères les plus connus que nous avons nos checkpoints, les autres points qui ne peuvent pas être contrôlés par nous, ce sont les points d’entrée.
Quelle est la situation de la production locale de la drogue en Guinée ?
Concernant la production locale jusqu’à présent on a pas vu un laboratoire où on est entrain de fabriquer ici, mais cas même la quantité qui se produise dans le pays, c’est le cannabis. C’est une drogue naturelle. Ça quitte vers Forecariah ou la Sierra Leone, généralement les terres de ces zones sont très propices à cette culture.
Le mérin, est-il considéré comme une drogue par l’Office antidrogue ?
Le mérin est une plante naturelle qu’on retrouve en Guinée. Il n’est pas dans la liste des drogues de l’Office antidrogue. Son interdiction dépend des pays. C’est comme le cannabis, chez certains, c’est un médicament. Mais tout est question de dose.
Quels sont les types de drogue que vous rencontrez sur le territoire guinéen ?
Sur le territoire, on rencontre la cocaïne, le crack. Le crack, c’est la poudre de cocaïne qu’on transforme. En France, on l’appelle le caillou. C’est de la cocaïne, mais on ajoute des substances chimiques pour rendre plus dur et on coupe en petits morceaux. Nous avons la Kush que la Guinée vient de connaître à travers les pays frontaliers. Nous avons également le chanvre indien, on rencontre également sur le terrain le haschisch qui est une drogue naturelle aussi.
Il y a également une nouvelle forme de drogue qui est le médicament. Il s’agit des médicaments qui sont sous haut contrôle international, c’est pourquoi on n’évite que n’importe qui vend ces médicaments, parce que si ça tombe sur les mains de quelqu’un qui est inexpérimenté, ce n’est pas bon. Quand tu prends, tu fais 24 heures en mouvement dû à la composition chimique de ces produits. C’est la liste des trananadols, des theralenes ça a une dose très modéré, certains, ce sont 125 milligrammes, mais les gens prennent 400 milligrammes. Et quand tu les prends, tu peux rester devant un char de combat sans te rendre compte. Donc c’est une autre forme de drogue, dont nous sommes entraînes de lutter contre le trafic. C’est pourquoi certains médicaments ont été brûlés récemment.
Vu que les statistiques de l’année 2023 ne sont pas disponibles, quelles sont les quantités saisies courant l’année 2022 ?
On a saisi au niveau de l’aéroport et certaines frontières terrestres ainsi que maritimes 10, 984 kg de cocaïne en 2022. Les présumés propriétaires ont été déférés à la justice. Le cannabis, on a saisi 10 tonnes et 400 kg à travers l’Office centrale et ses démembrements, de Conakry à l’intérieur du pays. La Kush une drogue naturelle venue d’Afghanistan et qui est altérée à travers les substances chimiques dangereuses et mortelles, on a saisi 12,24 kg. Cette drogue, un gramme suffit pour tuer.
Nous avons saisi 74 cartons de Tramadol, 40 cartons de Neo-codium, 61 cartons de Theralene, 27 cartons de Phenergan. Ce sont des produits sous contrôle international qui ne sont pas à vendre à n’importe qui. Ils contiennent des substances très énergétiques, ce sont des antidouleurs. Seules les personnes habilitées peuvent en avoir et vendre sur prescription médicale.
Est-ce que vous disposez suffisamment de moyens pour travailler efficacement ?
Nous avons des engins roulants, mais quoi qu’il en soit on peut jamais dire qu’on est satisfait à 100 %. On est au cœur des voyaux. Rien n’est impossible ! Nous avons des moyens logistiques, et des hommes, qui ont permis de créer une grande extension de l’Office. Quand nous sommes venus, l’Ocad couvrait uniquement le port, l’aéroport, la frontière de Kourémalé, Sambaïlo dans Koundara et Pamelap. Aujourd’hui, nous sommes à plus d’une vingtaine de démembrements.
Nous avons aussi des tablettes, des talkies-walkies grâce auxquels, on communique, quand nos hommes sont sur le terrain. Mais nous pouvons demander par exemple des drones, des navettes. Nous sommes en train de demander aux coopérants si nous pouvons avoir des navettes qui nous permettront d’être sur le long des débarcadères.
Qu’en est-il de la coopération avec les autres services de défense et de la sécurité ?
Nous sommes l’Office central depuis le décret du 24 août 1994, notre service a connu beaucoup de navettes. Mais il y a la coopération entre les services par exemple au niveau de la douane. La coopération est très parfaite même avec certaines institutions internationales.
L’Ofast qui est un organisme français vient de quitter la Guinée, il était là pour la formation de nos agents. Deux (2) experts étaient venus pour former mes agents sur comment détecter quelqu’un qui a avalé la drogue.
Récemment, l’Ocad a interpellé quelqu’un à l’aéroport international de Conakry, il avait ingéré la drogue. Après son interpellation, nous avons sorti 1,5 kg de cocaïne dans son ventre. C’est grâce à la coopération. Franchement, nous sommes en très bonne et parfaite collaboration avec les services.
Quel message à l’endroit des trafiquants ?
D’abord, nous sommes ici pour la répression donc nous les traquerons et les traduirons en justice. Ensuite, nous demandons aux gens d’arrêter d’hypothéquer l’avenir de la jeunesse guinéenne. Il ne faut pas fonder son opulence sur la vie des Guinéens. Si tu vends un gramme et qu’il tue, tu en es responsable. Enfin, ce sont nos enfants qui consomment, on doit les protéger.