Le ministère de l’Environnement a interdit la coupe et le transport du bois depuis le premier juillet 2022, sur toute l’étendue du territoire. Suite à cette décision, des projets de reboisement ont été lancés afin de permettre à la nature de se regénérer. Toutefois, les acteurs de la filière bois se retrouvent face à une situation qui, selon eux, dévient préoccupante.
En Guinée, une période de trois mois (du 1er juillet au 30 septembre) est consacrée au repos biologique, en vue de procéder au reboisement dans les forêts du pays. Durant ces moments, la coupe et la commercialisation du bois sont interdites par les autorités. Pour les agents de la filière bois, cette année est particulière, contrairement aux années précédentes. Mamadou Saliou Touré, acteur syndical de la filière bois, explique les difficultés auxquelles ils font face: «Cette année est exceptionnelle. Depuis le début du repos biologique, les choses ne marchent pas du tout. On a les bois actuellement, mais les clients se font rares. D’habitude, c’est quand on n’a pas de bois qu’on souffre, mais cette année, c’est le contraire. On a suffisamment de bois mais on souffre. Nos clients qui ont l’habitude de venir acheter pleurent. La plupart des gens qui viennent, n’achètent pas, ils prennent en crédit et cela prend énormément de temps avec eux. Beaucoup d’entre eux nous font savoir que, c’est parce que leurs comptes bancaires sont bloqués».
Si cette situation continue ainsi, prévient Mamadou Saliou, elle risque d’impacter durement beaucoup de Guinéens: «Nous sommes inquiets parce qu’en cette période de grandes pluies, les bois risquent de pourrir. La plupart des qualités dont nous disposons actuellement, surtout les bois blancs, ne résistent pas à la pluie. Et ça risque de nous impacter négativement du point de vue financière.»
Il lance un appel au gouvernement pour une aide afin d’éviter que les bois pourrissent au risque de freiner l’élan économique de plusieurs Guinéens impliqués dans le commerce du bois. En cas de perte, ce syndicat de la filière bois souhaite que l’État leur accorde une subvention.
Cette situation n’affecte pas que les marchands du bois. Selon Seydouba Sylla, un menuisier à Lambanyi, les ouvriers aussi en souffrent énormément. Il accuse les grossistes d’être à la base de cette crise dans le secteur.
«Cette année le bois ne manque pas, les dépôts sont remplis. Mais, depuis que les grossistes ont appris l’interdiction, ils ont augmenté les prix. C’est pourquoi le madrier qu’on vendait à 800 000 l’an dernier, aujourd’hui se négocie entre 1 100 000 et 1 200 000. Ceux qui sciaient le madrier le faisaient à 60 000 Gnf, mais vu la conjoncture, ils le font à 100 000 francs. Ce qui fait que nous aussi, nous avons augmenté les prix à notre niveau. La porte qu’on revendait à 700 000 francs est vendue à 1 200 000; le lit qui était vendu à 1 500 000, est vendu entre 2 500 000 à 3 000 000. Une armoire 4 battants est vendue à 4 000 000 Gnf. Ce n’est pas de notre volonté aussi, en tant que père de famille et qui paie les loyers, nous sommes aussi obligés d’augmenter les prix», a expliqué ce menuisier.
L’Office guinéen (OGUIB) du bois, quant à lui, se félicite des avancées enregistrées cette année, contrairement aux années précédentes. «Les années passées, les gens demandaient des doléances pour leur permettre d’avoir des stocks de bois pour la période du repos biologique. Cette année, cela n’a pas été le cas. Les gens ont suffisamment de bois dans les dépôts. L’anarchie qui se faisait par le passé n’existe plus. Depuis le début de la période du repos biologique cette année, personne ne nous a appelés pour nous dire qu’un camion de bois a été saisi quelque part. A travers nos postes de contrôle qui existent, personne n’a pu transporter le bois pendant cette période. Sur le plan de la biodiversité, cette période a été mise à profit pour renforcer le couvert végétal à travers des campagnes de reboisement. Dans toutes les préfectures, on est en train de faire le reboisement. C’est un impact positif que nous nous en félicitons», a fait savoir Sidiki Kourouma, Directeur général de l’OGUIB.
Sur le facteur qui fait qu’en cette saison des pluies les bois pourrissent, le patron de l’Office guinéen du bois, indique que c’est le non-respect des consignes par les marchands du bois qui occasionne cette perte: «Nous avons des textes qui disent que, pour installer un dépôt, il faut d’abord avoir un plan d’aménagement. Le bois ne doit pas être exposé à l’air libre, cela ne met pas les bois à l’abri. Ils ont fait venir les bois sans les mettre sous les hangars pour éviter que le soleil et la pluie les endommage. C’est déplorable. Les marchands de bois n’écoutent pas les conseils des spécialistes, c’est pourquoi les bois sont exposés et risquent même de pourrir en cette période pluvieuse».
En tant qu’organe régulateur du secteur, l’OGUIB prodigue des conseils aux acteurs de la filière bois, pour éviter les risques de perte: «Tout ce que le département peut faire pour les éviter des pertes, c’est de les encadrer, leur dire de conserver les bois sous des hangars où le soleil et la pluie ne peuvent pas les toucher pour les détruire. Vous êtes là pour vendre des matériaux pour la construction, les meubles, il faudrait que ça soit bien conservé. Ce que nous allons faire prochainement, c’est d’identifier tous ceux qui ont des dépôts, leur exiger de mettre des hangars pour la conservation du bois, parce que c’est une ressource du pays. Nous ne souhaitons pas qu’il y ait perte, c’est pourquoi nous leur demandons à tout moment de mettre les bois à l’abri.»