L’écosystème de la mangrove est un ensemble de végétation se développant dans la zone entre marées et régions littorales, avec une végétation composée principalement des palétuviers, des arbres et arbustes capables de s’adapter à une vie en eau saumâtre (mélange d’eau douce et d’eau de mer) peu profonde.
Avec ses 300 kilomètres des côtes, la Guinée disposait, en 1965, d’une superficie de près de 400 000 hectares de mangrove. De nos jours, il ne reste plus que 250 000 hectares soit 150 000 hectares détruits. Plusieurs facteurs expliquent cette destruction dont la coupe abusive du rhizophora ‘‘kinsi’’, la construction anarchique le long du littoral favorisant une montée des eaux, mais surtout par les activités anthropiques et industrielles comme l’exploitation minière.
“En Guinée, il y a une dizaine de ports qui se développent dans certaines régions. Si vous allez à Boffa rien que dans la sous-préfecture de Koundindé, il y a deux sociétés qui évoluent dans un rayon de moins de 10 kilomètres et chacun a son port. Aujourd’hui, tu ne peux pas construire un port sans détruire la végétation. Il y a aussi l’effet des remblais. Dans les années 2000-2021, j’ai participé à une étude d’impacts de l’extension du port de Kamsar, il y a 77 hectares de mangrove qui ont été détruits pour faire un remblai pour l’extension du port. Nous avons dit que l’impact ne se fera pas attendre parce que la nature à horreur du vide. (…) Aujourd’hui, près de 10 à 15% du riz national sont produits dans la zone côtière. Avec l’élévation du niveau de la mer consécutive au changement climatique, il y a l’inondation des terres. Donc dans sous peu, nous allons perdre 30% de nos terres cultivables en zone côtière”, prévient Pr Selly Camara, expert en environnement et développement durable.
Outre la construction des ports et la culture du riz sur le littoral, il y a d’autres facteurs comme l’extraction du sel, le fumage du poisson, ainsi que la construction anarchique le long du littoral favorisant une montée des eaux, mais surtout les activités anthropiques. Or, la mangrove est un milieu complexe et très sensible aux moindres perturbations de l’écosystème. Sa dégradation est lourde de conséquences tant au niveau écologique (érosion côtière, acidification irréversible des sols, destruction des frayères de nombreuses espèces et des zones d’hivernage d’oiseaux migrateurs.
“La mangrove nous protège contre l’érosion naturelle, elle empêche également les vents violents qui proviennent de la mer d’avoir des répercussions sur nous. La destruction de la mangrove peut entraîner la disparition de certaines espèces de poissons qui habitent sous cette forêt et qui s’y développent. Parmi les 1100 espèces de poissons connues, un quart est menacé et je vous assure si rien n’est fait, on va assister au pire dans les années à venir”, avait alerté, en 2021, Pr Sékou Moussa Keita du Centre d’Étude et de Recherche en Environnement (CERE) de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry.
Selon Richard Guilavogui, spécialiste de la biodiversité côtière, tout n’est pas encore perdu. Il explique qu’avec une bonne politique environnementale, il est possible de restaurer l’écosystème de la mangrove détruite. “La construction par système de remblayage a toujours été néfaste pour l’environnement et les personnes vivant dans les îles finiront par perdre leurs champs parce que ça détruit nos côtes”.
Indispensable à l’écosystème guinéen, la mangrove procure des bénéfices aux populations en matière de sécurité alimentaire, de protection des côtes contre l’assaut des vagues et de stockage de carbone. Elle contribue également à la réduction des risques de catastrophes naturelles liés au changement climatique. D’où la nécessité de la protéger avant que la destruction ne soit irréversible.