La sortie du chef de l’Etat appelant les militants du Rpg Arc-en-ciel à se tenir prêts à l’affrontement suscite l’indignation du président du Bloc libéral (BL). Dr Faya Milimouno estime qu’il y a eu parjure et annonce une procédure judiciaire. L’opposant réclame également la publication du bulletin de santé du président Alpha Condé afin de s’assurer qu’il est «sain de corps et d’esprit».
Guinee360.com: Au siège du Rpg arc-en-ciel le dimanche dernier, Alpha Condé a appelé ses militants à se tenir prêts à l’affrontement. Quelle est votre réaction?
Faya Milimouno: Comme à ses habitudes, le président continue à piétiner sur la Constitution guinéenne. En tant que président de la République, il n’a pas le droit d’aller en chef de parti dans une assemblée d’un parti politique fut-il celui qui l’a présenté. La Constitution en son article 35 le lui interdit. Malheureusement, c’est un président qui se croit au-dessus de notre Constitution et de nos lois. L’autre constat c’est qu’il était visiblement très nerveux. Cette nervosité viendrait du constat qu’il fait que la pente sera très raide quand il touchera à la Constitution guinéenne. Sachant que le combat est perdu d’avance pour son camp, il devient nerveux et insolent en traitant certains des ‘‘bandits’’, d’autres des drogués et les opposants des nains. Ce qui est assez déplorable, c’est quand il demande aux enfants parce qu’il s’agit des collégiens, des lycéens et des étudiants de s’apprêter à l’affrontement. Certains sont en train de minimiser en disant qu’il s’agit d’un affrontement d’idées. Mais Alpha Condé a parlé distinctement de débat d’idées et d’affrontement c’est-à-dire d’usage de la violence. Encore une fois, c’est un autre parjure puisqu’il n’a pas juré sur la Constitution pour créer la guerre en Guinée. C’est dans cette démarche il est, il faut l’arrêter.
Comment l’arrêter?
Comme tous les autres acteurs, nous avons réclamé que droit soit donné au peuple de Guinée de s’assurer qu’il est sain de corps et d’esprit. Quand on est président de la République, il y a des contraintes liées à cette fonction. C’est une position partisane qu’il a prise qui lui fait oublier momentanément ses responsabilités. Ce genre de choses n’arrive que quand on a quelques défaillances soit au niveau physique ou mental. Il semble confondre le rôle d’un Alpha Condé citoyen ordinaire et d’un Alpha Condé président de la République. Nous voulons donc connaitre son bulletin de santé pour que le peuple de Guinée soit sûr qu’il n’est pas en danger.
Quels sont les moyens que vous disposez parce que la Haute cour de justice n’est pas encore mise en place?
La Haute cour de justice n’est pas une Cour normale qui peut siéger comme la Cour suprême ou la Cour constitutionnelle. On peut bien engager une procédure accusant le Pr Alpha Condé pour parjure.
Devant quelle juridiction?
Dès lors que la procédure est engagée c’est devant la Haute cour de justice. La Haute cour de justice n’est pas une cour qu’on vient trouver existante pour déposer un recours. Elle se met en place lorsqu’une action est engagée. Elle peut ne même pas se réunir pendant 10 ans s’il n’y a pas matière à cela. C’est quand le problème est créé que la Cour se constitue pour pouvoir juger le problème.
Mais il faudrait que les membres de la Haute cour soient connus avant ?
Non, je ne crois pas parce que si on pense que le président a parjuré, il y a un pourcentage de l’Assemblée qui devait par exemple saisir au premier niveau pour dire qu’il y a parjure et que le président doit faire l’objet de jugement. Pour que ça dépasse cette étape-là, il faut que le nombre des députés favorables atteigne un certain pourcentage à l’Assemblée nationale. Une fois cela fait, il s’agit que l’Assemblée désigne 6 députés et la Cour constitutionnelle, la Cour suprême ainsi que la Cour des comptes désignent un représentant chacune pour composer la Haute cour de justice chargée de juger.
Quelles sont vos chances de voir aboutir cette procédure vu que toutes ces institutions sont à la solde d’Alpha Condé?
Il est vrai que tous ceux qui sont à la tête de ces institutions sont nommés par Alpha Condé ou sont sous influence. Cependant, c’est comme ça que les choses sont disposées dans notre Constitution. Il s’agit bien de l’incarnation de la première institution de la République, on ne peut pas prévoir qu’il soit facile de destituer un président. Il faut qu’il y ait suffisamment des gardes fous pour ne pas que ça devient un jeu facile. Retenez bien que Lansana avait décrété l’état d’urgence, le délai ayant expiré, l’Assemblée nationale qui était pourtant majoritairement PUP avait refusé une prorogation. Malheureusement, il y a de gens qui confondent débat politique et débat ethno-ethnique. Mais, nous parlons là de la République, ça concerne tout le monde. Si Alpha Condé crée une situation conflictuelle aujourd’hui dans notre pays, s’il y a un soulèvement ou une guerre civile, on ne le souhaite pas, la balle ne va pas demander vous êtes de quelle ethnie avant de vous atteindre. Donc, il est de notre devoir à tous à ce que ce genre de situation ne soit créé par personne dans notre pays. Si nous expliquons cela avec la pédagogie qu’il faut à l’ensemble des acteurs, on peut avoir de gens nommés par Alpha Condé comme Kelefa Sall qui ne tolèreraient pas qu’il cède aux sirènes révisionnistes. Je reste optimiste quant à faire agir de gens pour l’intérêt supérieur de la nation.
Avez-vous déjà consulté les institutions concernées?
Nous commençons par le commencement, nous avons des partis politiques de l’opposition à l’Assemblée nationale. Ça me gêne parce que cette Assemblée n’a aucune existence légitime, on lui donne certaine légalité, mais elle n’a plus aucune légitimité de représenter le peuple.
Etes-vous allés vers les autres plateformes de l’opposition ?
Il y aura des rencontres dans les jours qui vont venir qui permettront de mettre face à face la Coalition des partis pour la rupture (CPR), l’Opposition républicaine (OR) et la Convergence de l’opposition démocratique (COD). (…) Il y a déjà une unité d’action par rapport à certaines questions concernant la vie de la nation, il y a aucune différence entre les différentes plateformes. Il y a également beaucoup de plateformes de la société civile qui conjuguent le verbe au même temps et au même mode. Si les gens pensent qu’il y a une division au sein de l’opposition et au sein de la société guinéenne qui ne permette pas la prise des actions concertées, ils sont en train de se tromper, ils n’ont qu’à demander à Alpha pourquoi il est en colère.
Vous pensez que si Alpha Condé s’est énervé en incitant à l’affrontement c’est parce qu’il a peur du blocus que vous constituez contre son projet de 3e mandat ?
Oui, nous le pensons parce que ce n’est pas un homme ordinaire. C’est un président de la République, il a des services secrets qui sont en train de collecter des informations pour lui sur chaque mètre carré de ce pays. Donc, il connait ce que les gens pensent. Il y a eu des tentatives au palais du peuple, les gens se sont heurtés à d’autres guinéens qui ont prouvé qu’ils n’en veulent pas entendre parler d’un 3e mandat. Donc, Alpha sait que c’est un risque réel que de prendre le pas que ça soit à travers une nouvelle Constitution ou à travers une quelconque autre manœuvre.
Vous avez rencontrez récemment la Ceni. De quoi est ce qu’il s’est agi?
La rencontre avec la Ceni nous a d’abord permis de comprendre que nous n’avions pas de fichier électoral. L’audit qui a été fait a présenté un tableau réellement noir. Il y a environ 1 million 500 personnes dans le fichier qui n’ont pas des données biométriques, sans photos et sans empreintes digitales. ( …) Les recommandations sont plutôt claires : il s’agit d’amener tous ceux qui se sont enrôlés et ceux qui ne le sont pas encore devant les CARLE pour qu’on ait un nouveau fichier électoral.
Dans ce cas, est ce que les élections législatives pourront se tenir cette année?
Nous mettons cela en doute l’annonce faite par la Ceni parce qu’il y a beaucoup de choses à faire avant d’aller aux élections. On nous dit qu’un chronogramme va être élaboré à l’occasion d’une retraite projetée à Kindia. Il semble qu’on n’a même pas encore d’argent pour organiser cet atelier. C’est une retraite qui prendra au moins une semaine et dont le rapport ne sera pas adopté le même jour. Cela veut dire que nous sommes dans un processus qui ne nous permettra pas d’avoir un chronogramme avant deux mois à compter de la date d’aujourd’hui. En plus, ça nous prendre deux semaine à un mois pour recruter un opérateur parce qu’il faut un appel d’offres. Ce qui veut dire qu’on aura l’opérateur à 5 mois de la fin de l’année. Il va falloir former les guinéens à l’utilisation des kits à Conakry et à l’intérieur du pays c’est une opération qui ne va pas prendre moins d’un mois. Il y aura aussi la révision qui concerne tous les guinéens de l’intérieur comme de l’extérieur. On sera pratiquement à trois mois de la fin de l’année lorsque les opérations de révision vont commencer. Alors que la loi prévoit 3 mois pour la révision du fichier électoral. Dans ce cas, la collecte et le traitement vont donc intervenir en fin décembre. Voilà pourquoi nous ne prenons pas l’annonce de la Ceni au sérieux.