Des violences ont éclaté à Conakry le jour du scrutin du 22 mars entraînant une dizaine de personnes tuées, plusieurs blessés ainsi de domiciles et de commerces incendiés. A Sonfonia-Casse dans la commune de Ratoma, des témoignages troublants font état, en plus du refus de porter secours et assistance à des de personnes en danger, de la complicité entre les forces de l’ordre et certains «jeunes proches du parti au pouvoir» dans les pillages.
Situé en haute banlieue de Conakry, Sonfonia-Casse est un quartier enclavé avec des routes poussiéreuses, caillouteuses et difficilement praticables. Depuis la veille du double scrutin, les habitants de cette zone ont vécu de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre d’une part. De l’autre, entre manifestants et contre contre-manifestants appuyés par de agents de service de sécurité.
Les affrontements se sont intensifiés le jour du scrutin, le dimanche 22 mars, en prenant une tournure ethnique avec à la clé des actes de vandalisme et d’incendies.
Ce mardi 24 mars, la psychose existe toujours, mais le quartier reprend petit à petit sa vie normale. Et les résidents commencent à sortir à constater les dégâts.
C’est le cas de Mamadou Aliou Baldé résidant dans le quartier Sonfonia Casse. Le jour du scrutin, sa maison et ses magasins ont été vandalisés puis incendiés. «En 2010, mes voisins qui travaillent à la Casse sont venus s’attaquer à mes magasins qu’ils avaient vandalisés. A l’époque, ils n’avaient pas brûlé. Ils m’avaient arrêté et envoyé en prison. En septembre 2013, aà ’occasion des élections législatives, ils étaient encore venus mettre de l’essence pour brûler sans y parvenir. Cette fois-ci, le jour du scrutin, le dimanche 22 mars, je suis venu très tôt le matin ouvrir une seule porte de mon magasin d’alimentation parce que c’est ici que tout le monde même ceux qui m’ont attaqué viennent déjeuner chaque matin. Quelques temps après, ils sont venus installés leur bureau de vote juste en face. Vu la situation, le temps pour moi de fermer, les gens sont sortis de la Casse, les uns armés de gourdins, de marteaux et d’autres de pierres. J’ai vite fermer la porte de l’intérieur. Quelqu’un à utilisé une échelle pour monter sur le toit. Il a enlevé les tôles et est descendu me trouver à l’intérieur. Il m’a demandé d’ouvrir la porte ce que j’ai refusé. Je me suis enfui par une porte de secours pour rentrer directement dans ma cour. Ils ont défoncé la porte et vandaliser tout avant de mettre le feu. J’ai appelé plus de 100 fois les agents de sécurité de Samatara pour nous venir au secours, en vain. Ils ont répondu qu’ils allaient venir, mais ne se sont jamais présentés jusqu’ à ce jour (mardi 24 mars)».
Terrorisés, sans secours des services de sécurité se trouvant à quelques mètres de là au niveau des rails, Baldé et sa famille sont partis se réfugier chez les voisins. «Après les magasins, ils sont venus s’attaquer à notre concession contiguë aux magasins. Là aussi, ils ont défoncé le portail et sont entrés et ont vidé complètement tout ce qui se trouvait dans la maison avant d’y mettre le feu», témoigne-t-il, larmes aux yeux.
Alors qu’elle préparait le petit-déjeuner pour ses enfants, Mme Hafsatou Diallo a été surprise par l’irruption «des assaillants armés de pioches, de piquasses, de marteaux, de gourdins» dans sa concession. «Quand ils sont venus le matin, nos voisins se sont interposés et les assaillants ont rebroussé chemin. Contre toute attente, à 14 heures, ils sont revenus en plus grand nombre. Ils ont commencé par enlever les portes et les fenêtres. Heureusement, j’avais confié mes enfants chez un voisin qui est colonel dans l’armée, ils m’ont arrêté avec d’autres femmes. Ils nous ont regroupés sous le manguier là-bas en menaçant de nous tuer avec leurs machettes. C’est ainsi, la police est venue les supplier de nous laisser la vie sauve».
Non loin de là, mais de l’autre côté de la route menant à la Casse, Mme Fatoumata Diaraye Barry a vécu l’une des pires journées de sa vie. Depuis dimanche, elle est sur le qui-vive et guette le moindre bruit. Nous l’avons trouvé assise à la terrasse avec ses petits enfants. «le dimanche matin, très tôt, je suis allée acheter du pain. A mon retour, j’ai entendu du bruit et j’ai dit à ma fille daller fermer le portail. Quelques instants après, les gens sont venus nous jetés de cailloux. Ils ont fait tomber le portail et sont entrés dans la cour. On s’était déjà enfermés dans la maison. Ils ont brisé les vitres. J’avais peur et j’avais pensé qu’ils allaient nous tuer. Mais un vieux est venu demander aux assaillants de quitter. Ils sont partis pour revenir quelques instants après. Entre temps, l’ancien chef secteur est venu nous défendre contre les jeunes».
habitant dans le secteur Tamouya, Elhadj Mamadou Idrissa Diallo a été surpris dans la nuit du lundi à mardi 24 mars 2020 par une attaque. «J’ai été alerté vers 2 heures par le voisinage que de jeunes du quartier appuyés par des forces de sécurité s’apprêtaient à attaquer mon domicile. Je suis monté sur la dalle (d’un immeuble en construction se trouvant dans sa cour) et j’ai aperçu l’attroupement. J’ai appelé au secours, le voisinage s’est mobilisé. Je suis allé rencontrer les jeunes qui sont venus attaquer pour leur dire que nous étions voisins et qu’aucun problème ne devrait rentrer entre nous en leur demandant de quitter. Ils m’ont répondu qu’ils étaient du quartier et qu’ils n’étaient pas venus attaquer. Mais dès que j’ai quitté, ils ont commencé à lancer des pierres. Mes voisins ont riposté. C’est ainsi un pick-up de Bac est venu appuyer les assaillants. Ils se sont mis à tirer à balles réelles dont vous voyez les impacts sur le mûr. Ma fille a été blessée à la main par un cailloux. Dans sa fuite, ma sœur est tombée en se blessant aux pieds et à la poitrine. J’ai transporté ma fille à la clinique. Les forces nous ont pourchassés jusque là-bas pour barricader la sortie en nous empêchant de nous retourner à la maison. Nous n’avons pu nous retourner à domicile qu’au petit matin. Après, des agents sont revenus dans de pickups pour dire qu’ils avaient appris qu’on cachait des armes dans la concession. Je leur ai expliqué ce qui s’est passé et ils sont retournés».
Les affrontements ont pris une tournure ethnique dans le quartier. Un autre citoyen proche du parti au pouvoir a vu sa maison vandalisée et incendiée. Nous avons cherché à le rencontrer pour recueillir son témoignage, mais, selon ses voisins, il a quitté le quartier.