Un Comité de pilotage du procès du massacre du 28 septembre a été installé. L’avocat du président Moussa Dadis Camara estime que la présence des représentants de l’Union européenne et des Nations unies au sein de ce comité, « des acteurs qui ne sont pas neutres», constitue une violation de la Constitution guinéenne qui prévoit la neutralité de la justice. Me Jean Baptiste Jocamey Haba promet d’attaquer l’acte instituant ce comité devant la Cour suprême.
En tant qu’avocat de la défense, Me Jean Baptiste Jocamey Haba considère que l’installation du Comité de pilotage va forcément influencer le procès s’il venait à être entamé: «Quand j’ai vu dans la composition, il y a à la fois les membres de la commission de l’Union européenne, des Nations unies, j’ai dit qu’on est en train de violer la Constitution guinéenne. N’oubliez pas que la Constitution guinéenne consacre l’indépendance de la magistrature. Lorsque nous parlons de comité de pilotage, piloter signifier conduire. A partir de là, on veut que ce Comité de pilotage puisse piloter, conduire, guider ce procès qui se tiendra éventuellement. Ce ne seront plus les magistrats qui auront le contrôle de cette audience, ce seront ceux là même qui vont financer. L’adage dit, «la main qui donne c’est la main qui va obtenir quelque chose de l’autre côté».
Et d’ajouter : «l’Union européenne et les Nations unies sont déjà des acteurs qui ne sont pas neutres, qui ont un parti pris, qui interviennent dans cette procédure alors même que la justice doit à tous égards rester indépendante. Quand on parle de l’indépendance de la justice, on veut tout simplement dire que la justice doit être épargnée de toute pression à la fois extérieure d’où qu’elle vienne. Quand ça vient même des acteurs internes de la justice, ce n’est pas bien».
Une faillite de l’Etat guinéen
L’avocat estime que l’Etat guinéen a failli à son engagement de conduire ce procès: «L’Etat a donc failli. Nous avons organisé beaucoup de procès sensibles en Guinée comme ce qui s’est passé contre la tentative d’assassinat du chef de l’Etat. On a connu le procès des gangs».
Une affaire guinéo-guinéenne
«C’est un procès guinéo-guinéen, souligne-t-il. Donc, on ne doit pas faire intervenir des acteurs extérieurs qui, à coup sûr, influenceront la justice. Cela va à l’encontre des droits de la défense. Quand je sais que mon client ne peut pas bénéficier d’un procès équitable , juste, je m’inquiète. Comment allons nous organiser sereinement cette procédure alors que de l’autre côté , nous recevons des injonctions venant de l’Union européenne? On parle de comité de pilotage, mais ça n’a aucun lien. Ceux qui financent décident de tout. A partir du moment qu’ils donnent de l’argent, ils donneront leurs avis».
Me Jocamey compte intenter une procédure contre l’acte instituant le Comité pour s’assurer du respect du droit de la défense dans ce procès: «Je suis en train de voir dans quelle mesure cet acte pourrait être attaqué devant la Cour suprême parce que, pour moi, ça va à l’encontre de l’indépendance de la magistrature dans notre pays, contre la Constitution, les droits de la défense et contre un procès équitable et juste».
Crime contre l’humanité
Les avocats des victimes exigent la requalification du massacre du 28 septembre comme étant un crime contre l’humanité.
L’avocat de la défense se demande si la partie civile a très bien étudié le dossier. Car, précise-t-il, «l’une des infractions qu’on reproche même à certains des inculpés c’est bien le crime contre l’humanité. C’est une infraction qui existe déjà et mieux c’est devant les juges qu’il faut le demander et non devant les médias. On a eu tout le temps devant un pool des juges d’instruction, là ils pouvaient faire cette demande. En ce qui concerne les faits reprochés particulièrement à mon client, le crime contre l’humanité fait justement partie».
Le massacre du 28 septembre 2009 au stade éponyme avait fait 157 morts, plusieurs femmes violées et des portés disparus ainsi que des blessés.