Les femmes sont loin de connaitre de beaux jours en Guinée. Elles sont victimes de vi
olences qu’elles subissent au quotidien. De la petite de 2 ans à la vieille de 70 ans, toutes subissent diverses formes de violences ce, malgré le combat des ONG et associations de défense des droits humains sur le terrain, et la ratification par la Guinée des textes internationaux protégeant les droits fondamentaux des femmes, le constat reste alarmant.
Les violences faites aux femmes sont devenues un phénomène sociétal très préoccupant en Guinée. Et cela, malgré des multiples actions sur le terrain des organisations de défense des droits des femmes dans la lutte contre les Violences basées sur le genre (VBG), les sensibilisations, manifestations et plaintes entreprises par ces ONG contre des présumés auteurs ont certes contribué à un éveil de conscience chez les femmes, qui acceptent de plus en plus de briser le silence. Mais ces actions n’ont jusque-là pas contribué à atténuer le phénomène qui connait une proportion inquiétante.
Une enquête réalisée par les autorités guinéennes et dévoilée à la veille de la fête internationale des femmes révèle que 96% des femmes ont subi l’excision. Ce qui classe le pays deuxième au niveau mondial après la Somalie. Cette même enquête révèle que 63% des femmes sont victimes de mariages forcés, 85% de violences conjugales et 49% de violences sexuelles. L’Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs (Oprogem), sous la tutelle du ministère de la Sécurité et de la protection civile indique, dans un document officiel, que l’année 2017 a battu le record en matière de violences basées sur le genre : 238 cas de viols dont 161 sur mineures ont été répertoriés, 173 cas de coups et blessures et 48 cas de maltraitance.
“Des chiffres erronés”
Ces chiffres représentent les cas de violences basées sur le genre qui sont pris en charge par les services de police. ‘’Le nombre de cas d’interpellations que nous avons, notamment de l’intérieur du pays dépassent largement ces chiffres qui sont disponibles au niveau de la police’’, fait savoir Asmaou Barry, qui se bat contre les violences faites aux femmes, ajoutant qu’il faut une étude approfondie pour déterminer des statistiques relativement en phase avec la réalité.
La violence conjugale et le viol battent le record
De toutes les formes de violences existantes en Guinée, celles conjugales sont les plus répandues, suivies du viol dont la plupart des victimes sont des mineures (résultats d’une enquête réalisée en 2016 par une ONG de lutte contre les VBG : la COFFIG).
Des femmes supportent au quotidien dans leurs foyers des coups sous lesquels certaines ont succombé. Le dernier cas remonte au 26 février 2018. Aicha Touré a perdu la vie en donnant naissance, suite à des complications liées à une bastonnade que lui aurait infligée son mari à deux semaines de son accouchement. Seydouba Touré, en racontant les circonstances du décès de sa fille, a regretté le silence de celle-ci sur le calvaire qu’elle vivait : ‘’Elle ne m’a jamais dit que son mari la violentait. Elle a certainement voulu gérer dignement et en grande fille, mais elle s’est faite du mal parce qu’elle s’en est allée. Jamais, je ne serais resté les bras croisés si je l’avais su. Je ne l’aurai jamais laissé dans les mains de cet homme’’.
C’est lorsque la jeune femme a été conduite à l’hôpital pour son accouchement que le médecin a fait le constat de sévices corporels sur elle. Quand elle est décédée, son cousin vivant à l’étranger à qui elle a raconté son calvaire en lui envoyant des photos à l’appui et certaines de ses amies, ont relaté à la famille de la défunte les violences qu’elle subissait, dans le silence chez son époux.
Grâce à l’implication des ONG et associations de défense des droits humains et la détermination de la famille de la victime pour que justice soit rendue pour Aicha, Mohamed Camara, le mari de la victime, a été arrêté et déféré à la maison centrale de Conakry depuis le début du mois de mars.
Depuis, de nombreuses femmes victimes de violences conjugales ont eu le courage de briser le silence et de combattre cette pratique. C’est le cas de cette entrepreneuse Houraye Bah, qui continue de payer les frais des coups subis dans son foyer : ‘’J’ai failli mourir sous les coups de mon mari. Même étant en grossesse à terme, il me battait. J’ai failli y passer à l’accouchement, mais Dieu merci. Je m’en suis tirée d’affaire même si je vis jusqu’à présent les séquelles de ces violences m’ont causées un petit handicap’’.
‘’Désormais, je lutterai pour que d’autres femmes ne vivent pas ce que j’ai vécu’’, s’est-elle engagée, assurant que les violences que les femmes subissent contribuent à freiner leur épanouissement au sein de la société. ‘’J’étais à l’université lorsque je me suis mariée. Les violences et la maternité ont suivi. J’ai dû arrêter les cours pendant un moment. J’ai finalement repris mes études universitaires. Je n’ai pas lâché jusqu’à l’obtention de mon diplôme et j’ai obtenu du boulot juste après’’.
Les cas de viols sur mineures sont de plus en plus récurrents tant dans la capitale Conakry qu’à l’intérieur du pays. Le dernier cas signalé date du 11 avril 2018. Un homme, la trentenaire, a violé une petite fille de 2 ans dans le quartier Kipé à Conakry. Dépassée par cet acte, Asmaou Barry, activiste pour la lutte contre les VBG qualifie la société guinéenne de ‘’perverse’’.
‘’C’est déplorable, cela prouve une fois de plus que la société guinéenne devient perverse. Il est incompréhensible qu’un homme de plus de 30 ans agresse sexuellement une petite fille de moins de 5 ans’’, lâche-t-elle furieuse.
Avec le concours de l’ONG Protégeons les droits humains (PDH) et de la police, le présumé auteur de l’acte a été interpellé et placé sous mandat de dépôt à la maison centrale de Conakry en attendant d’être fixé sur son sort par un tribunal.
Boubacar Kassé, le directeur régional de la police de Conakry et porte-parole du ministère de la sécurité, rassure que des dispositions sont prises par son département pour une intervention rapide en cas de violences faites aux femmes : “La police fait son boulot, celui de rechercher, d’arrêter et de mettre à la disposition de la justice les présumés auteurs. Nous ne badinons pas du tout avec ça. Quel que soit ce que cela doit nous coûter, nous sommes disposés à prendre à bras le corps ces dossiers et les traiter conformément à la prescription de la loi en la matière.” Mais il regrette : “le manque de collaboration de certains citoyens qui passent par des négociations en famille ne nous aide pas. Il faut qu’il fasse confiance aux services de sécurité”.
Combattre l’impunité et l’ignorance pour lutter contre les VBG
Pousser les femmes à parler des violences qu’elles subissent est un défi. Les convaincre à porter plainte contre les auteurs en est un autre pour les activistes de la société civile. Peu de victimes de violences obtiennent réparation lorsqu’elles estent en justice. D’où la réticence de certaines. De l’avis d’Asmaou Barry, l’ignorance et l’impunité sont les principales causes de la persistance de ces violences. ‘’C’est l’impunité qui fait que les violences faites aux femmes s’aggravent de plus en plus en Guinée. Il faut punir les coupables pour que les autres prennent exemple sur eux. Comme ça, ils réfléchiront à deux reprises avant de violer ou de violenter une femme’’, espère-t-elle.
Dans un pays où parler de sexe est un sujet tabou dans la société, elle préconise l’introduction des cours d’éducation sexuelle dans les écoles. “S’il faut lutter contre ces VBG, il faut éduquer la population, il faut éduquer les jeunes filles au même titre que les garçons. Tous doivent apprendre des notions sur la sexualité et sur le genre”, suggère-telle.
Si les violences faites aux femmes ne sont pas combattues de façon sérieuse et efficace, la Guinée risque d’être encore plus en retard en matière de développement, craint l’activiste Asmaou Barry.