Le procès des événements du 28 septembre 2009 suscite un grand espoir pour les victimes. Mais quelques mois après le début des audiences, Dame Barry, une des victimes, dit avoir peur pour sa sécurité physique et celle de sa famille. Car, en plus de revivre le traumatisme des violences dont elle avait été victime lors des événements, elle confie avoir reçu des menaces de la part des proches de ses bourreaux.
Parmi la centaine de femmes violées à l’époque, figure Dame Barry. Le démarrage de ce procès a remué le couteau dans ses plaies. Si elle a soif de voir les auteurs des différentes atrocités subir la rigueur de la loi, ce procès réveille en elle de mauvais souvenirs. Âgée d’une soixantaine d’années, Mme Barry dit revivre, depuis le début du procès, le traumatisme qu’elle a vécu il y a 13 ans. Du fait d’avoir été séquestrée puis violée par des militaires, elle avait été abandonnée par son époux.
Rencontrée dans la haute banlieue de Conakry, Dame Barry tente tant bien que mal de dissimuler ses marques et cicatrices dans un large boubou. En plus du mal subi, des situations difficiles qu’elle traverse dans sa famille, elle vit actuellement dans la peur, car elle est victime de menaces.
Pendant les deux premières semaines du procès, Dame Barry est allée dans la salle d’audience pour suivre les débats. Aujourd’hui elle peut plus s’y rendre et pire, elle a été obligée de quitter chez son oncle qui l’hébergeait, à cause de risques énormes pour toute la famille. Elle dit avoir reçu de nombreuses menaces.
« Au début du procès, je m’y rendais avec quelques victimes pour assister aux débats. C’est à partir de la 2e semaine des interrogatoires que j’ai commencé à recevoir des appels téléphoniques m’intimant de ne plus m’y rendre si je tenais à ma vie ou à celle de ma famille. Ils sont même allés jusqu’à me dire que s’ils me croisent dans la rue, je risquais de me faire violer de nouveau », raconte-t-elle, la peur au ventre.
Après avoir été abandonnée par son époux à la suite du viol qu’elle a subi, elle a été hébergée par son oncle. Mais à cause des menaces dont elle a été victime, celui-ci a décidé qu’elle quitte la maison, jusqu’à tout au moins, la fin du procès, « pour des mesures de précaution ». Il dit qu’un proche d’un des accusés est un de leurs voisins. Ayant subi de menaces de la part de ce dernier, l’oncle de Dame Barry ne pouvait que demander à sa nièce de quitter la maison : « Depuis les événements du stade en 2009, elle vit chez moi avec ses enfants, mais je ne veux pas nous mettre en danger parce que tout le quartier sait qu’elle a témoigné et un parent proche de l’un des accusés qui nous a menacés auparavant est notre voisin. Donc ils peuvent à tout moment nous faire du mal. J’ai peur pour nous, mais particulièrement pour les enfants qui ne vont même plus régulièrement à l’école. »
Asmaou Bah, présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA) confie que son ONG est en train de voir comment obtenir de l’accompagnement pour que la sécurité des victimes soit assurée : « Pour l’instant, nous avons pu obtenir du ministère de la Justice 2 bus, de 50 places chacun pour le transport des victimes du tribunal jusque chez elles. Je sais que ce n’est pas suffisant, mais nous essayons d’obtenir d’autres mesures d’accompagnements pour l’ensemble des victimes parce qu’elles doivent être en sécurité. »
Sur la question des mesures de sécurité des victimes établies par le ministère de la Justice, le ministre Charles Wright estime que le nécessaire est fourni pour assurer leur sécurité : « Pourquoi elles sont menacées ? Est-ce qu’elles connaissent les numéros qui les appellent pour accuser quelqu’un ? Les victimes n’ont même pas encore commencé à défiler [à la barre]. Il faut que les gens aient raison gardée dans ce procès. Les victimes sont protégées par des agents de sécurité pour aller aux audiences. »
Pourtant, Dame Barry dit « errer d’une maison à une autre » pour éviter de se faire repérer par ceux qui la menacent. Elle allie peur et détermination : « J’ai peur aujourd’hui, parce que tout peut m’arriver, à moi ou à l’un des membres de ma famille, mais je reste déterminée à aller au bout de ce combat. »
Nonobstant les menaces récurrentes qu’elle dit subir, elle espère que le droit sera dit en faveur des victimes des événements du 28 septembre et que les bourreaux seront sanctionnés en fonction de leur forfaiture.
Le 28 septembre 2009, les Forces vives de la nation avaient appelé à une manifestation contre une éventuelle candidature du capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte au pouvoir au moment des faits. Selon les Nations unies, 157 manifestants ont été tués ce jour-là, 109 femmes violées et plusieurs centaines blessés.