L’ONG AGEDD a appris avec amertume la ruée vers l’exploitation spontanée et anarchique de l’or dans les communes de Kounsitel et Gaoual Centre (préfecture de Gaoual). Pourtant l’exploitation minière ne contribue pas assez à notre développement depuis plus d’un siècle, la précarité des centres miniers comme Boké, Dinguiraye, Kamsar, Siguiri, Mandiana, Kouroussa, ou Kérouané qui subissent de plein fouet les méfaits de l’exploitation minière non conventionnelle en fait foi. Illégal, l’orpaillage à Gaoual et Kounsitel se tiendrait dans deux forêts classées riches en biodiversité, et pourrait aggraver les effets du changement climatique sur tout le Nord de la Guinée et les pays voisins. Il est urgent d’alerter l’opinion et d’appeler à une action d’urgence environnementale pour arrêter ce pillage des ressources naturelles et prévenir une certaine crise humanitaire.
Des images circulant sur les réseaux sociaux et dans les médias montrent des vagues de jeunes orpailleurs venus principalement de la Haute Guinée, parmi lesquels figurent des expatriés (burkinabés, maliens, etc) et des enfants (filles et garçons) de moins de 15 ans en train de rallier les lieux. C’est des milliers d’orpailleurs qui ont envahi et qui continuent d’envahir la zone d’exploitation aurifère récemment découverte dans ces localités.
Pendant que ces jeunes s’attaquent aux ressources naturelles locales, beaucoup d’interrogations préoccupent les environnementalistes et les acteurs de la conservation dans un contexte difficile de changement climatique et de perte de biodiversité ainsi que de pandémie de Covid-19. En effet, une telle activité est écologiquement fort préjudiciable pour Kounsitel, Gaoual, le Foutah, la Guinée et la sous-région ouest africaine en général. La zone aurifère cible se trouve nettement au sein de la forêt classée de Fello Djigué et aux alentours de la forêt classée de N’Dama, toutes deux riches en espèces animales et végétales rares, méconnues et pour la plupart menacées de disparition. Des sources locales concordantes confirment que la zone est un corridor par lequel des espèces de fauves transitent régulièrement pendant leurs migrations entre les grandes forêts et réserves de biosphères de Nialama (Lélouma) et Badiar (Koundara). Ce complexe forestier (Badiar-Nialama-N’Dama-Fello Djigué) abrite quelques-uns des derniers lions, hyènes, antilopes, chimpanzés, chats dorés, et panthères de la région de la Moyenne Guinée. Selon l’évaluation de l’efficacité des aires protégées (UICN, 2008), la faune de la forêt classée du N’Dama abriterait des chimpanzés, mais aussi des buffles, des phacochères, des panthères, des hippopotames, et des lions. D’un autre côté, Kounsitel et Gaoual abritent des affluents de plusieurs fleuves comme : Fatala, Ountou-Liti, Koulountou, Gambie, Tominé, Kogon. L’ensemble de ces fleuves et toute la biodiversité animale et végétale de la zone se trouvent être menacés par cette incursion.
La zone agroécologique Koundara-Gaoual représente le dernier rempart contre l’avancée du désert ou du Sahel dans la zone Nord de la Guinée. Depuis plusieurs décennies déjà les données météorologiques de la Guinée indiquent dans cette zone, la plus faible pluviométrie annuelle avec moins de 1500 mm (Birdlife International, 2021 ; PANA, 2007), et la moyenne de température la plus élevée avec environ 280C (FAO, 2021 ; PANA, 2007). Détruire une telle zone équivaudrait ainsi à exposer à la désertification toutes les préfectures Nord de la Moyenne Guinée. Les préfectures de Mali, Lélouma, Gaoual, Koundara, Labé, et même Boké pourraient connaitre de sévères chocs et perturbations se traduisant par la dégradation de la santé environnementale, l’insécurité alimentaire, la rareté d’eau, la baisse de pluviométrie, une perte accrue de la biodiversité pour ne citer que celles-ci.
Dans ce fâcheux contexte, il est important de rappeler que l’exploitation artisanale de l’or a déjà fait et continue de faire ses crimes et ses victimes en Haute Guinée, causant la fermeture d’écoles et de postes de santé, la dégradation de la nature (rivières, forêts, zones culturales et d’élevage), la malnutrition, la sècheresse, la déperdition de la ressource humaine du fait de la drogue, de la prostitution, du banditisme, et des IST-VIH/SIDA, à quoi s’ajoute le dérèglement climatique et ses effets à outrance.
Il faut rappeler que l’orpaillage va nécessairement avec usage du mercure (toxique) et la déforestation (ONG Sauvons la Forêt, 2021 ; Rahm et col, 2015 ; Simon et col, 2016 ; WWF, 2021), l’envasement et la contamination des cours d’eau, le braconnage, la pollution, et la dégradation de la nappe phréatique. Il se fait par l’ouverture de trous de 10 – 30 mètres (et plus) de profondeur d’où toute eau rencontrée est vidée et gaspillée. Pour extraire les pépites d’or coincés dans les roches, le minerai extrait concassé est lavé dans un point d’eau, généralement les rivières. Nos orpailleurs laissent toujours les sédiments et autres minerais dans les cours d’eau où ils font ce lavage. Ces points d’eau ne tardent pas ainsi à se remplir de résidus de mercure, de terreaux et de minerais, sont alors pollués et finissent par tarir, quel que soit leur régime hydrique. C’est ainsi que nous observons depuis quelques décennies l’assèchement progressif des fleuves bordés de sites d’orpaillage comme le Niger (à Faranah, Kouroussa et Siguiri), le Niandan et le Makona (à Kouroussa), et leurs affluents. Pareillement une exploitation minière à Kounsitel ou Gaoual serait une sévère menace pour le fleuve Gambie et ses affluents comme Ountou-Liti, Koulountou, qui sont tous deux des sites Ramsar, ciblés et recommandés pour la conservation à l’international et sont parties intégrantes de la gestion intégrée des ressources naturelles dans le paysage Bafing-Falémé.
Au moment où nous faisons cette déclaration, des sources sures basées à Kounsitel et à Gaoual nous rapportent que l’état a déployé des militaires pour fermer le site aurifère et que, pendant que les orpailleurs déjà établis sur les lieux refuseraient de décamper, d’autres vagues humaines qui tentent de rallier les lieux sont massivement bloquées à Mamou et à Labé au vu et au su des autorités. Cette incursion humaine sur les lieux ouvre largement la voie à l’exploitation clandestine, à plus d’arnaque, et à la corruption.
L’ONG AGEDD interpelle l’état guinéen et les communautés de Gaoual en particulier sur le fait que cette exploitation aurifère devrait suivre l’une et/ou l’autre des 4 étapes suivantes pour le respect de la biodiversité et des codes et conventions dont la Guinée est signataire. Il faudrait : 1) une exploration qui inclut une étude de faisabilité, une étude d’impact social et environnemental, une participation locale à la prise de décisions ; 2) un aménagement du site afin d’épargner certaines zones sensibles ou particulièrement riches en biodiversité ; 3) une exploitation conventionnelle respectueuse de la biodiversité et durable, accompagnée d’une compensation socioéconomique et écologique ; et de préférence 4) une fermeture immédiate du site qui inclurait un plan de remblayage et de restauration des lieux, dans l’esprit de ces forêts que l’état lui-même a classé depuis plus d’un demi-siècle. AGEDD appelle à la vigilance et alertera l’opinion sur tout ce qui adviendrait en défaveur des communautés et des ressources naturelles locales.
Déclaration signée en Assemblée Générale
Les membres fondateurs de l’ONG AGEDD