Une importante rencontre d’échanges sur la dépénalisation des infractions mineures, a regroupé les acteurs de la chaine pénale, à travers une table ronde, ce vendredi 8 octobre, organisée par l’ONG de défense des droits de l’homme “Les Mêmes Droits pour Tous” (MDT), à l’hôtel de l’université Gamal Abdel de Conakry. Avec un appui financier d’OSIWA, l’atelier visait à sensibiliser et informer ces acteurs de la chaine pénale sur la nécessité d’inscrire ces délits, dans les politiques pénales.
Les infractions mineures sont des infractions de faible gravité dont la sanction [si elle devrait y avoir], ne devrait pas dépasser six mois ou maximum un an. Il s’agit des infractions qui ne soient pas du genre, crimes de sang, des crimes économiques d’ampleurs(…) Ce sont des infractions de police, appelées “infraction de contravention”, qui n’ont pas besoin d’être sanctionnées par l’emprisonnement, d’après une définition donnée par l’activiste des droits humains et coordinateur de l’ONG “Les Mêmes Droits pour Tous”.
L’article 39 du Code Pénal guinéen estime que toute infraction dont la répression n’excède pas 6 mois de prison ferme, est considérée comme délit mineur. Sauf que le constat révèle que les personnes poursuivies pour ces infractions sont jugées et détenues alors qu’elles auraient pu bénéficier des mesures alternatives, signale M. Adrien Tossa.
« La dépénalisation de ces délits répond à deux soucis. Le premier c’est celui du respect des droits de l’Homme parce que pénaliser certaines infractions mineures comme la mendicité, la filouterie…, c’est une pénalisation de la pauvreté. Et emprisonner quelqu’un, c’est de fouler au pied, ses droits. Ce n’est pas respecter sa dignité, c’est en terme de traitement inhumain et dégradant.
Deuxième niveau, en terme de politique même pour l’Etat, la détention, elle est coûteuse. Entretenir une maison d’arrêt, c’est une question de moyens. Aujourd’hui nous constatons une surpopulation carcérale où la majorité des détenus ou la bonne partie d’entre eux sont poursuivies pour des infractions mineures et autres. L’Etat doit entretenir ces personnes. S’il y a une politique pénale qui essaie de faire le tri des personnes qui sont poursuivies pour des infractions majeures, des infractions qui ont des répercussions sur les victimes et même pour l’Etat de façon négative. Ce sont ces deux éléments qui nous ont poussés à nous engager dans la lutte contre la dépénalisation des infractions mineures. Il ne s’agit pas d’une impunité, au contraire, la loi pénale elle-même a déjà prévu des peines alternatives à la détention, ce n’est pas dans tous les cas que le juge peut avoir recours à la détention. Le fait pour un détenu ou quelqu’un qui est détenu pour une infraction, soit condamnée à des travaux d’intérêt général, c’est déjà une sanction. Quelqu’un qui est reconnu pour une infraction est condamnée au paiement d’un montant en terme d’amende ou chaque jour c’est lui qui doit se déplacer, payer une partie de l’amende où il est contraint de rester pour payer cette amende, c’est déjà une sanction », a techniquement détaillé, le coordinateur de l’ONG MDT.
Un recours excessif à la détention provisoire est remarqué au sein des maisons d’arrêt, dans les 8 régions administratives de la Guinée, selon un rapport d’étude réalisée par l’ONG MDT sur les infractions mineures. Le document a été présenté au cours de cet atelier par Amirou Diawara, consultant.
Il souligne à cet effet que 75% des détenus qui étaient condamnés à des peines de 0 à 1 an, étaient en détention provisoire. Le consultant affirme cependant que ce sont des personnes qui, dans les conditions normales, ne devraient pas se retrouver en prison à cause des infractions mineures.
«Ce qui nous a beaucoup scandalisés, à Kankan par exemple, on s’est rendu compte, qu’il y avait un manœuvre qui était en prison pendant onze mois, il n’avait pas vu le juge d’instruction et tout simplement parce qu’il avait volé une brouette dans un chantier. Il y avait un autre aussi qui avait volé trois poulets, il avait fait 18 mois en détention provisoire. Ce sont des cas très isolés mais cela prouve combien de fois, qu’il faut remercier l’ONG “Mêmes Droits pour Tous” et OSIWA qui a appuyé cette étude pour sensibiliser les pouvoir publics à dépénaliser les infractions mineures ou travailler à des alternatives parce que le code pénal de 2016 a prévu cette possibilité aux magistrats », soutient M. Amirou Diawara.
Prenant part à cette rencontre, le représentant du ministère de la Justice, martèle avoir eu l’occasion de discuter avec les personnes qui sont au tour de cette table pour une meilleure compréhension du sujet des infractions mineures. «Ces infractions nous ont intéressés au point que nous sommes tous maintenant des partisans d’envisager un dispositif législatif pour prendre en compte ces infractions à l’effet d’obtenir leur dépénalisation», dira Alpha Saliou Barry.
En Afrique, exprime le directeur national des affaires civiles et du sceau, «tout ne doit pas être réglé par la voie judiciaire. Si on parvenait à atténuer la portée de ces infractions en les dépénalisant, l’Africain va être encore mieux sociale, voisin, parent à son ami. Donc, vaut mieux qu’on dépénalise et qu’on trouve de solutions pour gérer ces infractions, que chaque fois qu’il en est question qu’on soit obligé de passer par la voie judiciaire pour interpeller, arrêter, juger et condamner, cela déshumanise, discrimine.»
Pour gagner le pari, ce cadre du ministère de la Justice plaide désormais pour que les infractions soient dépénalisées.