Directeur exécutif de l’African crisis groupe et président de la Convention des acteurs non étatiques de Guinée (Caneg), Dr Sekou Kouréissy Condé se prononce sur l’augmentation du prix du carburant et le contentieux électoral et propose des pistes de solution.
L’ancien ministre de la Sécurité donne aussi son avis sur la nouvelle loi sur la Ceni. Interview !
Que est votre opinion sur l’augmentation du prix du carburant?
Je constate deux choses. La première c’est que le gouvernement n’a pas suffisamment communiqué sur les raisons, les échéances liées à la hausse du prix carburant qui est une mesure qui touche à la vie des populations au quotidien. Lorsqu’un transporteur doit transporter de Nzérékoré à Kankan c’est le carburant. Le charbon qu’on transporte, les fruits, le riz qu’on veut aller vendre c’est le carburant. Du coup, la hausse du prix du carburant joue automatiquement sur les denrées et autres outils de travail liés à la vie quotidienne. Donc, ceci mérite d’être effectivement discuté, soigneusement préparé et que les populations soient averties de ce qui va se passer. Lorsqu’il y a eu l’augmentation, je me suis dit en tant que citoyen que pour ne rien au monde le gouvernement ne ferait un malin plaisir à augmenter les prix sachant que les populations sont pauvres. Après toute investigation et toute démarche faites, je me suis rendu compte de 3 choses.
Premièrement, depuis 3 mois cette augmentation avait été annoncée, deuxièmement, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, avait dit que l’augmentation était inévitable. A partir de ce moment là, la Société civile sait qu’il y aura augmentation. Les syndicats et la société civile devaient, dans ces conditions, engager les négociations puisque l’augmentation n’est pas négociable et incontournable quelles sont les autres mesures d’accompagnement qu’il faut envisager pour redonner du poids là où on en a perdu. Ce dialogue là est nécessaire et indispensable, mais ce n’est pas un dialogue de rue ou une manifestation d’affrontement. C’est un dialogue qui doit porter sur les conditions de vie et de travail des citoyens guinéens. Pour une fois qu’on a cette occasion, il faut profiter pour comprendre le bien fondé et les mécanismes qui ont conduit à cette décision impopulaire, mais il faut aussi qu’on nous explique les conséquences heureuses que cela pourraient porter. On ne peut comprendre tout cela que lorsqu’on est capable de se parler entre guinéens.
L’inter-centrale conditionne sa participation aux dialogues avec le gouvernement à la diminution du prix du carburant à 8000 GNF. Ce préalable n’est pas encore satisfait ce qui fait que le syndicat a reconduit son mot d’ordre de grève. Quelles démarches envisagées pour l’entame des négociations ?
Je regrette que les guinéens soient en train de perdre le sens et la culture du dialogue. Nous sommes un pays qui a connu dans son évolution une série de transition, une série de manifestation donc de crise. Comment sortir de la? Si tous les acteurs y compris le gouvernement pensent que la manifestation est constitutionnelle, mais c’est aussi une manifestation de faiblesse de chacun de nous. Il y a une crise de confiance qui est en train de devenir une crise de maturité. Sur les questions liées à l’avenir du pays, il ne faut pas s’affronter lorsque c’est des conditions qui nous imposent. J’en appelle à la raison. J’ai dit aux syndicalistes et à la Société civile à laquelle j’appartienne que, pour moi, notre vocation ce n’est pas la rue. Nous ne venons à la rue que lorsque le système social ou le régime dans lequel nous vivons est en danger. Alors, il faut revenir à la table de concertation pour s’écouter et écouter les arguments et voir comment faire de contre propositions et je pense qu’il y en a suffisamment.
Avez-vous entrepris des démarches pour ramener les différents acteurs au dialogue?
Je le fais en tant que citoyen. Comme d’habitude, je m’autosaisie lorsque c’est nécessaire et je pense que c’est le cas, donc, j’interviens et je ne me fatiguerai pas. On connait ce que les grèves, les manifestations portent ici en termes de violence. Il faut éviter cela, respecter le droit à la marche et respecter la vie des populations parce que c’est une question que nous pouvons résoudre. C’est important l’augmentation du prix du carburant, mais c’est aussi important que l’on sache quelles sont les autres mesures que le gouvernement compte développer pour compenser cette hausse.
Le gouvernement a finalement décidé d’installer partiellement les conseillers communaux dans 330 circonscriptions ne souffrant pas de contentieux électoral en attendant que l’on trouve une solution sur les 12 communes litigieuses. Quel est votre avis?
Il faut qu’on soit clair sur cette situation. On est allé aux élections communales le 4 février dernier et 12 communes sont en situation de litige. Si on ne met en place les autres communes, la question de majorité n’est pas respectée. C’est-à-dire que c’est le gouvernement qui continuera à gérer les communes à travers les secrétaires généraux. Donc, il vaut mieux les installer là où il n’y a pas de contentieux et montrer la responsabilité, l’impartialité et l’objectivité sur les 12. Cela nous permet d’avancer et de démontrer que nous sommes à un niveau de maturité respectable.
La mouvance présidentielle propose une reprise partielle des élections dans les 12 communes en litige et l’opposition, par contre, soutient la publication des vrais résultats des urnes. Quelle est votre solution?
Je comprends parfaitement la position de l’opposition sur les 12 communes et je la partage. L’opposition a montré suffisamment de preuves de dysfonctionnement sur les 12 communes. Les éléments de preuves réunis, il faut trancher, dire la commune qui revient à l’Ufdg, au Rpg ou à l’Ufr ou à un indépendant. Il faut avoir le courage d’examiner au cas par cas et résoudre au cas par cas. Je pense que c’est possible. La Ceni ne doit pas tourner sur ça. Dans quelques mois, nous sommes encore devant d’autres élections. On ne peut pas donner l’impression qu’aucun guinéen ne peut résoudre un problème dans ce pays et qu’il faut attendre et continuer d’attendre jusqu’à ce qu’une solution internationale soit trouvée. Les 12 communes, mettez le papier devant le papier devant moi, je vous dirai ce que j’en pense sur la base des éléments de preuves qu’on nous a donnés. La rétention ne sert à rien, il faut avoir le courage de percer l’abcès.
Que pensez-vous de la nouvelle loi sur la CENI?
Je n’ai jamais été favorable aux Commissions électorales (CENI) en Afrique. Ça coûte beaucoup d’argent et cause beaucoup de problèmes. Finalement, statistiquement, nous sommes pratiquement depuis bientôt 20 ans de Ceni, dans aucun pays, je n’ai entendu une satisfaction totale par rapport au fonctionnement de ces institutions. En plus, ce qui me renforce ce qu’il n’y a pas de Ceni en France, en Allemagne, aux Etats unis. Pourquoi on est attaché à un bureau qui finalement ne tranche pas, au contraire, crée de problèmes ? Il faut mettre l’Etat devant ses responsabilités. Notre avenir c’est notre capacité à discipliner l’Etat, à créer une conscience nationale qui inclut de comportements. Ce que le législateur a fait prouve à suffisance qu’il y a une sorte d’arrangements du personnel politique. C’est-à-dire que leurs querelles, finalement, c’est comment gagner en dehors du suffrage universel. On a fait la part belle aux personnels politiques sur le Code électoral. Le parlement doit réfléchir 3 fois avant de légiférer sur ces questions puisque c’est l’avenir politique de notre pays qui est compromis.
Qu’est ce qu’il faut faire?
D’une génération à l’autre, il faut éveiller la conscience des citoyens. Les gens sont indifférents aux problèmes majeurs et sont capables de sortir et de se faire tuer pour des problèmes périphériques. Il faut prendre la société dans sa globalité et dire ce qui ne va pas. Donc, inlassablement, on doit continuer à interpeller les élus. Les jeunes qui sont devant nous aujourd’hui sont des futurs députés. S’ils sont mêlés à la réflexion, demain ils seront responsables. Au Sénégal, ce sont des jeunes qui s’expriment pacifiquement sur le parrainage des citoyens sur les candidatures aux élections présidentielles. En Guinée, nous avons du potentiel humain, respectable et crédible. Il faut qu’il s’engage et qu’on leur donne l’occasion de faire ce qu’ils savent faire. Notre pays a de l’avenir qui est entre nos mains. Il est important de savoir que la Guinée, à elle seule, ne se développera pas. Il y a une dimension ouest africain qu’il faut intégrer. L’acceptation de cette dimension ouest africaine doit être le rôle de la Société civile. C’est dans ce sens que je me bats. Il faut qu’on quitte les querelles de régime pour rentrer dans les querelles de développement. Cela n’est possible que dans le travail et à la réflexion dans le moyen et le long terme.