Invité du journal Afrique sur TV5 Monde, le président de l’Ufdg s’est prononcé sur plusieurs sujets d’actualités sociopolitiques guinéennes. Cellou Dalein accuse le Cnrd de n’avoir pas tenu ses engagements et lui tient responsable de la répression des manifestants. L’ancien Premier ministre aborde aussi le cas Ousmane Gaoual Diallo, le congrès de l’Ufdg. Dalein promet de rentrer bientôt au pays pour préparer la présidentielle. Interview
Tv5 monde: Le 5 septembre 2021, vous d’autres vous aviez applaudi le putsch. Deux ans après, appréciez-vous toujours ce renversement d’Alpha Condé ?
Cellou Dalein Diallo: Nous avions applaudi le putsch en raison de deux choses fondamentales. D’abord, le discours du colonel, dans lequel il s’est engagé résolument à mettre fin aux dysfonctionnements des institutions, à l’instrumentalisation de la justice et au piétinement des droits et libertés des citoyens.
Un engagement non tenu?
Bien entendu !
Il avait juré de faire de la justice la boussole de l’action publique pendant la transition. Il avait dénoncé la corruption, le tribalisme. Il s’était engagé à mettre fin à tout ces fléaux.
Malheureusement, deux ans après, on se rend compte que ce discours n’a pas été respecté. Les engagements n’ont pas été respectés.
Ils ont quand même mis en place la Cour de représentation des infractions économiques et financières (CRIEF)…
Oui bien sûr ! Une juridiction d’exception a été mise en place par un régime d’exception, mais on a vu que c’était une instrumentalisation pour se débarrasser des leaders politiques et pour mettre en prison des acteurs de la société civile qui n’étaient pas d’accord avec lui sur la manière de conduire la transition.
On a vu que cet anniversaire (l’an 2 du Cnrd) a été entaché par une manifestation réprimée qui a fait 4 morts…
Disons que sur le plan de ses engagements, notamment de respecter la charte qui reconduisait les dispositions de l’ancienne constitution, relatives aux libertés fondamentales et aux droits humains, qu’est-ce qui a été fait ? Quel a été le bilan à cet égard ? Il a suspendu certaines libertés notamment celles de manifester dans les rues pour éviter, dit-il, les violences. Mais, ce n’est pas le cas. Rien ne peut justifier les violences qu’on a infligé ces derniers temps à la population de Conakry. Nous avons 30 morts qui sont des jeunes gens de moins de 20 ans, dont la plupart ont été abattus à bout portant. Il n’ont pas eu droit à la justice. 30 morts en une année de répression alors que les engagements internationaux de la Guinée et la charte de la transition reconduisent ces droits et libertés.
Plus d’une année vous êtes en exil forcé, selon votre parti politique. Est-ce qu’il n’est pas temps de rentrer pour reconstruire la Guinée de demain ?
Bien sûr, je m’organise pour rentrer. Bientôt, on va vous annoncer la date. Puisque je ne vais pas m’éterniser à l’étranger, mais je n’ai pas fixé la date.
Le Premier ministre a déclaré qu’il n’y avait pas un mandat d’arrêt contre vous, mais il y a quand même cette affaire d’Air Guinée. Vous êtes soupçonné d’avoir vendu cette compagnie aérienne à très bas prix et de vous en être enrichi quand vous étiez ministre des Transports. Vous êtes attendu devant la CRIEF. Êtes vous prêt à y faire face?
Bien sûr, tout monde sait que ces accusations sont fausses et sans fondement. Dans mon pays, il y a une disposition, une loi qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale qui rend le ministre des Finances seul responsable d’une privatisation. Il peut associer qui il veut. Dans cette opération, le ministre des Finances a mis en place des commissions dans lesquelles n’étaient présents aucun représentant du ministère des Transports. Elles ont procédé à la liquidation de l’entreprise, à l’inventaire des actifs, à la valorisation des ses actifs, à la négociation avec le repreneur sans aucun cadre des transports.
Aujourd’hui, c’est une chasse aux sorcières, selon vous ?
Ce n’est même pas une chasse aux sorcières. C’est une tentative d’élimination [politique], de nuire à ma réputation, à mon honneur que de me rendre responsable de cette transaction qui a été, non seulement, approuvé au Conseil des ministres et le président de la République d’alors a pris un décret. Le ministère de l’Economie et des finances et ses structures compétentes ont mis en œuvre cette décision du Conseil des ministres sans même associer le ministre des Transports que j’étais.
Pourquoi avoir refusé le dialogue national ?
Le dialogue politique suppose qu’il y a un ordre du jour, des délégations de parties dans une salle raisonnable. Nous n’avons pas voulu participer aux grandes mèches qui rassemblent des centaines de personnes et qui, pour la plupart, n’ont jamais participé à des élections. Le dialogue politique pendant la transition c’est de définir les conditions d’organisation des élections. Parce qu’on doit considérer comme une priorité l’organisation des élections et la mise en place des institutions légitimes. Seules, celles-là sont compétentes et ont la légitimité d’engager des réformes pour s’adresser aux fléaux qui minent le fonctionnement de notre société.
Est-ce que vos recommandations n’ont pas été prises en compte ?
Dès lors que nous avons été poursuivis sans aucune base légale, de manière fantaisiste, pour nuire à notre réputation et notre honneur, nous avons souhaité d’aller au dialogue avec la liberté et toute dignité que requiert l’importance de ce dialogue. Malheureusement, la junte n’a jamais voulu qu’il y ait un dialogue structuré et crédible. Vous savez en Guinée, il y a une crise de confiance profonde entre la junte et la classe politique. Nous avons souhaité que ce dialogue soit présidé par la CEDEAO et que le G5 soit présent pour procéder aux arbitrages nécessaires, pour rappeler les bonnes pratiques et la bonne interprétation des lois et engagement internationaux de la Guinée. La junte a dit qu’il faut que le ministère de l’Administration du territoire organise les élections, nous avons dit qu’il faut un organe de gestion des élections. Nous avons dit que nous avons un fichier électoral consensuel, au lieu de demander un recensement général de la population, un récemment administratif à caractère d’état civil, faisons une révision classique du fichier existant.
Est-ce que vous êtes en contact avec le président Doumbouya ?
Non! Pas du tout.
La fin de la transition est prévue fin 2024, avec une présidentielle à la clé. Est-ce que vous serez candidat ?
Oui! Il y a une procédure de désignation du candidat dans le parti. Je pense et je suis persuadé que mon parti va me designer comme candidat à cette élection.
Votre parti connait des dysfonctionnements à l’interne notamment à cause de la non tenue du congrès en 2020 pour renouveler vos instances. Ousmane Gaoual Diallo, le porte-parole du gouvernement qui a été exclu de votre parti désir vous succédez à la tête de l’Ufdg. Que répondez-vous ?
Alors, on n’a pas organisé les élections à bonne date, en 2020 c’était à cause de la COVID-19. Il faut savoir que l’Ufdg dispose de plus de 100 fédérations qui sont membres de ce congrès dont 50 à l’étranger. Il faut faire venir les congressistes et les héberger, payer leur frais de transport et organiser le congrès. En 2019 et 2020 on n’a pas pu organiser ce congrès en raison du COVID. Suite à l’organisation de l’élection présidentielle de 2020, avec une répression sanglante qui s’est abattue sur nos militants, il y a eu la crise politique. On n’a perdu 51 jeunes qui ont été abattus pendant les violences postes électorales. Après c’est la junte qui arrive, mais aujourd’hui, nous sommes en train de préparer ce congrès. Et il aura bien lieu et bien sûr les postes sont réservés aux membres du parti qui ont le droit de se présenter.
Qu’est-ce que vous répondez alors à Ousmane Gaoual Diallo?
Je n’ai pas de réponse à lui donner. Il est exclu du parti pour faute grave. Il n’a pas à donner son avis par rapport à ce qui se passe à l’intérieur.
Source: TV5 Monde. [Décryptage Guinee360.com]