Les subsahariens font face à une discrimination raciale en Tunisie. Les propos du président Kaïs Saïed ont envenimé la haine contre les noirs. Ils font l’objet d’agressions et d’arrestations arbitraires. Plusieurs étudiants ont été chassés de leurs résidences. On dénombre également de cas de blessés. Pour en savoir davantage sur la situation, Guinee360 a interrogé Modeste Cocou Meto, étudiant béninois, membre de l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie. Interview !
Guinee360.com : Expliquez-nous comment ça se passe en Tunisie actuellement ?
Modeste Cocou Meto : Nous vivons dans la terreur. Nous faisons face à de menaces. Personne n’est à l’abri. Nous essayons de rencontrer les autorités pour tenter d’apaiser la situation. Il y a une confusion entre les migrants sans-papiers et les étudiants. La police arrête tout le monde. Certains on les envoie en gardé à vue, d’autres directement en prison. Avec nos partenaires et nos avocats, nous avons mis en place une cellule de crise pour pouvoir aider ceux qui sont en difficulté. Nous faisons l’objet de discrimination, d’arrestations arbitraires. Les populations aussi nous agressent. Certains bailleurs font sortir des étudiants sous prétexte qu’ils ne peuvent plus les héberger. Il y a même certains qui demandent la carte de séjour alors qu’il faut donner un contrat de bail pour avoir la carte de séjour. On donne deux jours voir trois à un étudiant de quitter la maison alors qu’il n’a nulle part où aller. Les bailleurs le justifient par le fait qu’il ne veut pas avoir de problème avec le gouvernement. Donc, il n’y a plus de distinction entre migrants et étudiants. Tout est mélangé, mais nous faisons notre possible pour protéger les étudiants.
Que vous inspire les propos du président tunisien sur les subsahariens ?
Les propos du président sont choquants, discriminatoires et racistes. Quand la première personnalité du pays tient des propos racistes c’est ce qui arrive. Il a encore tenu d’autres propos pour demander qu’on laisse tranquille les étudiants, mais, cela ne change pas les premiers propos. Certes, il a fait un communiqué pour dire de laisser les étudiants mais c’est loin d’être le cas sur le terrain parce qu’il n’est pas sur le terrain. Ils ne peuvent pas mettre la police devant tous les bâtiments des subsahariens. Actuellement, nous sommes à la recherche de 3 comoriens qui ont été arrêtés ça fait trois jours. Donc, on a demandé aux étudiants de rester à la maison jusqu’au 6 mars en attendant de reprendre les cours. C’est vrai que le calme revient, mais cela ne garantit pas notre sécurité.
Est-ce que vous pouvez me dire le nombre exact d’étudiants arrêtés ?
Je ne peux pas, pour l’instant, donner un chiffre. Il y a plusieurs étudiants arrêtés dont nous ne savons pas où ils sont détenus. Chaque jour, on enregistre de cas de blessés. Même hier, un malien a été blessé.
L’Union Africaine a, dans un communiqué, dénoncé les propos du président tunisien et a apporté son soutien aux subsahariens. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas suffisant. Au-delà des communiqués et autres, il faut des actions. Nous demandons à l’Union africaine de passer à l’action parce que ce n’est pas la première fois que cela se passe en Tunisie. La discrimination raciale est devenue un mode dans ce pays. Dès qu’une personne se fâche, les noirs paient les frais et il faut que cela s’arrête. On ne mérite pas d’être traité de la sorte.